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Maison des copains de La Villette menacée

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Éducateurs de prévention dans le 19ème, c’est quoi ?


La Maison des copains de La Villette est une association 1901 dont la raison sociale est d’aider ceux qui, parmi les jeunes (quartier Villette) ont des difficultés d’adaptation sociale. Elle emploie 7 éducateurs à temps plein et 1 psychologue à temps partiel.

Février 80, Maison des copains de La Villette : 6 licenciements pourquoi ?

Tout ceci ressemble à une "purge" : ce qui est menacé, c’est le travail engagé sur le quartier par tous ceux qui veulent essayer de résorber les problèmes de la jeunesse et du chômage dans le quartier.


Éducateurs de prévention dans le 19ème, c’est quoi ?

Être des intermédiaires

Nous sommes au centre des conflits qui opposent les jeunes à leur entourage et aux institutions : notre travail consiste donc d’abord à faciliter la communication entre les jeunes d’une part, les parents, enseignants, employeurs, commerçants, juges, de l’autre afin de susciter les accords possibles.

Ex : automne 78, un comité de locataires, décidé à réagir contre la turbulence des jeunes de leur cité, engage les démarches pour obtenir la présence d’ilotiers. En attendant les jeunes jouent bruyamment dans la cour, rayent les voitures … Les habitants lancent des bouteilles par la fenêtre en retour…

L’agressivité augmente… Il se trouve que nous sommes contactés : une réunion a lieu sur notre initiative, et jeunes et adultes peuvent exposer leurs points de vue, leurs difficultés.

À la suite de cette réunion, nous proposons de mettre en place diverses
réponses à ce malaise : un groupe "Piscine " se constitue, nous organisons des sorties régulières, des séjours de vacances, nous aidons les plus grands à chercher du travail et à organiser des surboums "disco" moins coûteuses que les "Boîtes" qui exploitent honteusement le porte-monnaie des jeunes.

Ce que nous avons pu constater au fil des mois qui ont suivi, c’est que le climat d’hostilité qui régnait dans cette cité s’est calmé progressivement. Bien sûr nous n’avons pas pu proposer quelque chose à tous les jeunes de la cité, et les tensions ne sont pas toutes résolues ; mais nous pensons avoir contribué à rendre moins douloureux le sentiment d’abandon des jeunes et des moins jeunes.

Prendre au sérieux… sans dramatiser, transgressions et délits

Nous avons affaire à une population qui a comme moyen d’expression, entre autre chose, la violence et la violation des interdits. Nous devons faire avec cette réalité-là, sans la dramatiser ni la minimiser. Ni juges, ni flics, ni prêtres, ni détenteurs d’une morale infaillible, éducateurs tout simplement, nous tentons d’entendre et de comprendre ce qu’il peut y avoir derrière l’intention de faire un"casse", de violer une "nana", de se"shooter"(droguer), etc…

Faire un casse : ça peut vouloir dire : je ne trouve pas de travail, j’en ai marre de chercher, j’ai besoin de fric, je ne veux pas travailler pour 200 sacs, je ne veux pas avoir une vie de con comme mon père, je ne suis pas un individu ordinaire, je joue au héros pour qu’on se souvienne de moi … ou bien : je veux me faire piquer, je veux retourner en tôle, là au moins c’est dur mais je suis peinard , on me demande rien, on m’empêche de faire des conneries et en plus on me sert à bouffer, etc …

Voici ce que nous avons mis en place en réponse à ces demandes :
Nous nous sommes mis en contact avec des travailleurs de l’ANPE rue du Maroc ainsi qu’avec les conseillers en formation de l’Education Nationale qui organisaient les stages intitulés "Vers l’Avenir", afin de sensibiliser les adultes de ces secteurs aux difficultés des jeunes et de faciliter l’accès au travail. Nous avons aussi informé les jeunes pour qu’ils se familiarisent avec les diverses institutions, dominent leurs peurs et dégoûts.

Travailler pour 200 sacs : nous avons analysé avec eux le pourquoi et le comment de cette imposture, nous leur avons dit que des milliers de gens travaillent pour 200 sacs sans être des cons, nous leur avons parlé des luttes menées dans le cadre de l’entreprise.

Anecdote : M. et A., éducateurs,s’occupent d’un groupe de jeunes de Stalingrad : séjour en province houleux, discussions à Paris. Ces jeunes ne sont pas du tout insérés. Au bout d’un travail de 10 mois, un coup de fil : N., un gars de ce groupe a trouvé une place dans un CET, avec son copain, ils préparent un CAP, et ils participent activement à la bagarre des LEP…

Jouer le héros : pourquoi ne pas jouer ses rêves, ses délires, sur du papier, par photos interposées ? Cela peut éviter les passages à l’acte qui se terminent par un petit casse miteux et le commissariat : d’où l’idée de fabriquer collectivement un roman-photo sur le casse du siècle . Bénéfices secondaires de ce genre d’aventure : le droit au rêve est reconnu, mais aussi on découvre des techniques on réalise concrètement un objet avec d’autres, ce qui ne se passe pas toujours sans problèmes, la vie de groupe étant difficile : notre travail c’est donc aussi d’aider les jeunes à s’écouter, à respecter les propositions et les désirs des autres, nous essayons de développer chez eux des réflexes de solidarité, une exigence de justice et d’équité. Et puis après tout, ce n’est pas un péché de vouloir être un héros ; en tout les cas, ce n’est pas encore défendu : pourquoi ne pas encourager ce désir en proposant une activité difficile, un peu dangereuse, comme la plongée sous-marine ? Un groupe a fait régulièrement de la plongée en piscine et à la mer pendant deux ans : ainsi chacun a pu se confronter à ses limites, mais aussi découvrir des ressources inattendues de son corps. Et la plongée est un sport qui développe la solidarité avec les copains.

C’est encore mieux si cette maîtrise peut être reconnue : sept d’entre eux ont décroché leur diplôme de plongée.

Se faire "piquer", retourner en tôle :
Le désir de retourner- en prison, un des lieux où on ne vous demande pas de faire des choix, envahit parfois ceux qui ne supportent plus la trop grande angoisse engendrée par la vie quotidienne. Contre cette tentation, contre les jeunes complices de leur propre destruction, nous avons reconnu ce besoin de
fuir la grisaille et l’angoisse : d’où les séjours de vacances en province, plus ou moins longs mais fréquents. D’où aussi cette ferme d’accueil située en
Bretagne et que l’association vient d’acquérir suite à une demande insistante
de notre part : elle devait recevoir les jeunes qui se trouvaient dans des
situations sociales ou familiales inextricables, ceux qui désiraient "souffler" ou fuir la tentation de faire une grosse "connerie". Or l’éducateur qui était à l’initiative. du projet et devait en prendre la responsabilité est licencié : on peut s’interroger sur le souci de cohérence de l’employeur…

Donner la parole et les outils d’expression


Rencontres

Nous sommes ou avons été en relation avec :
- des travailleurs de l’ANPE (dont une a été mutée dans le XVIème depuis)
- une juge d’enfants conciliante qui acceptait d’étudier les solutions pour
les jeunes… elle a été remplacée par un juge qui préconise la prison comme
moyen de dissuasion…
- les éducateurs du foyer "Moissons Nouvelles" limités dans leur action par la pauvreté de leur budget…
- les bibliothécaires de la Bibliothèque Flandre dont la contribution à l’animation du quartier n’est pas toujours reconnue de façon évidente…
- les assistantes sociales de secteur : la CAF retire ses assistantes…
- et des amis, travailleurs, militants de province (qui nous ont hébergés),
des animateurs de ciné-clubs, des enseignants, moniteurs de sport, médecins,
et bien d’autres…



Article mis en ligne par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en septembre 2013.

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