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Dossier

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Non à la fermeture de la SOPAD !



Une entreprise qui ferme ses portes dans le 19e. Une de plus. Quartiers Libres ouvre ses colonnes à SOS -EMPLOI 19e, qui dans ce dossier de quatre pages fait le point sur cette nouvelle "affaire".

Un terrain qui éveille la convoitise des promoteurs, dans un quartier où les usines ont disparu une à une, une situation sociale complexe pour chacun des 480 travailleurs de la SOPAD. Une marche de protestation, premier temps d’une mobilisation. Quartiers Libres aura malheureusement sans doute dans les mois qui viennent à revenir sur ce dossier brûlant.

Quartier en danger

Un arrondissement populaire en voie de disparition

Aujourd’hui, il ne reste plus grand chose de certains quartiers du 19e d’autrefois. Les usines alimentaires ont fermé les unes après les autres : les abattoirs de la Villette et les activités qui y étaient liées, les eaux minérales Foucault, les sucreries François, Lebaudy, Phydor, Cadot, et maintenant la SOPAD, du quai de la Loire, les boucheries Lalauze de la Villette, et demain Sofralait.

Pourquoi les usines du quartier ferment t’ elles les-uns après les autres ? Pendant des années on nous a avancé tout un tas de "bonnes raisons" : les usines en ville, ça sent mauvais, ça fait du bruit, et puis, avec la circulation automobile, livrer en camion devient un exploit …. Donc, il ne faut pas d’usines en ville. Mais ce n’est qu’un faux prétexte…

La preuve ? Voyons un peu ce qui se passe du coté de chez Lang. Jusqu’en 1967, ils étaient 3000 autour de la rue Curial, aujourd’hui, ils ne sont plus que 700 dans le 19e. Lang a revendu presque tous les terrains qu’il possédait dans le quartier : au prix du m2 constructible et étant donné la grande surface dont ils disposaient, on peut affirmer que c’était une bonne affaire…. Lang négocie en ce moment avec la Ville de Paris la liquidation des derniers qui lui restent. Parmi les solutions envisagées, il y a le rachat par la Ville des locaux de Lang, après quoi, soit la Ville relogerait Lang dans la nouvelle Z.A.C. des Gazomètres (pour un prix de location ridicule, de l’ordre de 150 F par m2 et par an), soit …. elle relouerait à Lang ses anciens locaux de la rue Curial ! Quant au prix que tirerait Lang de la vente de ses terrains, il est lui d’un tout autre ordre de grandeur : aux alentours de 3000 F le m².

C’est là la véritable raison du départ de toutes ces usines de Paris : les patrons préfèrent spéculer sur la vente de leurs terrains. Telle est la logique du système. Des usines en banlieue et dans Paris intramuros des logements. Oui, mais des logements pour qui ? Les chiffres parlent d’eux même : En 1968, parmi les habitants du 19e, il y avait 19,2% de cadres et 36% d’ouvriers ; en 1975, la proportion de cadres était passée à 26,4% (+38%), et celle des ouvriers à 29,9%(-17%).

Les usines en banlieue et les ouvriers hors de Paris, c’est aussi la même logique. Certes on trouve encore dans le quartier des H.L.M. à des prix abordables, mais plus pour très longtemps… : dans le groupe en construction 11-17 rue Curial (anciens terrains Lang) les loyers dépasseront 1200 Francs(sans les charges) pour un F4. Quant au privé, ce sera plutôt vers les 2500 ou 3000 Francs dans les blockhaus qui se montent sur les anciens terrains Lebaudy !

La logique de la tache d’huile

Oui, mais direz-vous, que les 480 travailleurs de la SOPAD soient licenciés, c’est bien dommage pour eux, mais ce n’est pas mon affaire ; que des gens acceptent de payer 6700 F(note du claviste : vous avez bien lu, ce n’est pas une faute de frappe) par mois pour venir emménager dans un 4 pièces dans un immeuble au bord du canal, quai de la Marne, ça les regarde. (Souvenez vous des petites pubs il y a 10 ans pour la ’’’Venise de l’est parisien" - note de claviste).

Il y a encore bon nombre d’appartements anciens non touchés par la rénovation dans le quartier et à des loyers abordables ; et de toute façon, les grandes opérations de rénovation, c’est fini, Giscard l’a dit. Illusion. Une usine qui ferme, ça ne touche pas que les ouvriers de l’usine. Que se passe-t-il chaque fois qu’une usine disparait, dans un coin quelconque de l’arrondissement ? D’abord, on construit à la place des logements, et souvent c’est une "Résidence", de grand standing. Et puis, un beau jour, le bistrot du coin, pour attirer la clientèle de la "Résidence", va refaire sa vitrine et… augmenter le prix de ses consommations.

Un peu plus tard ce sera l’épicier du bout de la rue qui va fermer, asphyxié par la concurrence de la supérette qui s’est installé au rez-de-chaussée de la "Résidence" : alors, la supérette pourra augmenter ses prix en toute tranquillité.

Pendant ce temps, les propriétaires des immeubles voisins auront augmenté leurs loyers : pensez donc, leur immeuble prend de la valeur avec ce voisinage. Et cela touchera bientôt celui ou vous habitez. De l’autre coté de la rue, au contraire, les baraques sont trop délabrées pour en tirer quoi que ce soit ; et bien, pendant quelques années,le propriétaire va essayer d’en tirer le maximum de loyers, tout en laissant les immeubles se dégrader de plus en plus ; et un beau jour, on verra arriver les bulldozers : des taudis pareils, ça fait mauvais effet sous les fenêtres de la "Résidence". Autre mauvaise surprise. on apprendra un jour que l’on va fermer une classe de maternelle parce qu’il n’y a plus assez d’enfants. Évidemment, au prix des loyers de ces immeubles, ce ne sont pas des jeunes ménages qui peuvent se les payer.

En clair, une fermeture d’usine de plus,ce sont quelques chômeurs de plus, mais c’est aussi un pas de plus vers la transformation du 19e en un quartier résidentiel pour riches. C’est une logique qui doit cesser et ça, cela nous regarde tous.


Il y a 30 ans à La Villette


Sopad Nestlé Quai de Loire :
Non à la fermeture !


Marche sur la SOPAD

Les entreprises ferment

En décembre 79, le trust Nestlé a annoncé le plan de fermeture de l’usine SOPAD, au 60 quai de la Loire : 480 suppressions de postes étalées sur un an et demi à partir du 10 mai prochain, le jour de la Fête du Travail  !

SOPAD : un nom de plus sur la longue liste des usines du quartier qui licencient en masse, comme Lang et SFP, ou qui ferment définitivement leur porte, particulièrement ces dix dernières années : LEBAUDY, CADOT, PHYDOR, OTP, LALAUZE… autant de noms d’entreprises liées à l’histoire du chômage
et des licenciements.

Depuis 4 ans, plus de 6000 emplois industriels ont disparu dans le quartier. 8000 chômeurs aujourd’hui dans le I9°, soit près du double de la moyenne nationale. Comment les travailleurs licenciés pourront-ils trouver un emploi dans ces conditions ?

Un chômeur sur deux est une femme. Comment ces travailleuses jetées à la rue retrouveront-elles du travail alors que tout est mis en œuvre aujourd’hui pour que les femmes restent au foyer ?

Un chômeur sur trois est un travailleur immigré. Pour eux, la perte du travail, c’est la perte du salaire et rapidement les tracasseries policières et les menaces d’expulsion qu’on tente d’officialiser aujourd’hui par les lois Bonnet-Barre-Stoleru.

Les habitants changent

On ferme les entreprises et on construit des immeubles de standing. On détruit les îlots populaires pour faire du I9ème un quartier résidentiel pour riches.

En même temps, on étouffe toute vie sociale et culturelle dans le quartier. On ferme les rares locaux à la disposition des associations. On s’attaque aux travailleurs des secteurs sociaux (assistantes sociales de la CAF, éducateurs de rue des"Copains de La Villette). On fait la chasse aux jeunes alors qu’ils sont des milliers à être chômeurs avant d’avoir travaillé.

On ne peut laisser détruire le quartier sans réagir

C’est pourquoi plus d’une vingtaine d’associations et d’organisations du quartier ont décidé de ne pas laisser passer cette nouvelle fermeture sans réagir. Et cela ne concerne pas que les travailleurs licenciés de la SOPAD, mais tous les habitants du quartier touchés par sa transformation en quartier
résidentiel de luxe.

Une première initiative est proposée, celle d’une marche sur la SOPAD le 22 avril 1980 à I7h, au cours de laquelle les habitants et les travailleurs du quartier sont invités à exprimer leur solidarité avec les travailleurs licenciés de la SOPAD mais aussi à exprimer leurs propres revendications dont beaucoup aujourd’hui sont étroitement liées au développement massif du chômage.

Solidarité français-immigrés

La SOPAD ferme. La SOPAD décentralise. La SOPAD licencie 480 travailleurs.
Les travailleurs immigrés représentent la moitié de l’effectif, soit 240 femmes et hommes de 20 Nationalités différentes. La direction de la SOPAD fait tout pour diviser, elle propose le reclassement aux uns, le licenciement aux autres.

Les travailleurs immigrés refusent comme les travailleurs français les reclassements prévus qui s,ont inacceptables : conditions de travail plus difficiles, pertes de salaires allant jusqu’à 1.700 F. La fermeture de la SOPAD et son transfert à ST QUENTIN (Aisne) entraîne pour tous, les problèmes auxquels sont soumis les français, plus les problèmes spécifiques aux émigrés. Ils refusent les licenciements, car pour eux cela signifie l’expulsion.

Alors que le gouvernement et le patronat les ont fait venir en masse pour
contribuer au développement et au redressement de l’économie française, depuis 1976 ils font voter des lois destinées à faire d’eux les boucs émissaires de la crise et à les priver de leurs droits de travailleurs :
- mesure Stoléru : le million pour le retour
- Loi Bonnet / Barre : expulsion de tout travailleur immigré se trouvant au
chômage depuis plus de 6 mois pour raisons économiques ou autres ; maladie
 ; rester au pays plus de 6 mois, insuffisances de ressources ; ou participation à des luttes, des grèves, baptisées "troubles de l’ordre public" ; enfin la difficulté du renouvellement de leur carte de séjour donc de leur droit au travail.

Comme dans n’importe quel licenciement collectif, le patronat et l’état vont viser à diviser les ouvriers, à les monter les uns contre les autres et en particulier à faire opposer les français et les immigrés.

Toute la politique raciste de l’état a cela pour but. Nous savons que la capacité de résistance à ces attaques, la force de tous les ouvriers passe par
la force de l’UNITE SOCIALE entre français et immigrés.

C’est pourquoi, nous appelons à la SOLIDARITÉ de tous les travailleurs et
habitants du 19ème et d’ailleurs, à lutter français-immigrés contre :
- LA FERMETURE DE LA SOPAD
- LES MENACES DE LICENCIEMENTS QUI PÈSENT SUR LE 19ème à SOFRALAIT, LANG, BBT, etc…

Venez nombreux à la marche sur la SOPAD le 22 Avril PROCHAIN
- non à la fermeture de la SOPAD
- non aux mesures STOLERU, BONNET / BARRE


Y’ a trois ans

SOPAD, Juillet 1977 : le travailleur Saadi, 15 ans d’ancienneté, 2 accidents de travail avec pension, était licencié, sous le prétexte d’avoir volé un Kilo de viande. Dans la même semaine, 15 autres travailleurs immigrés
étaient sanctionnés pour des motifs tout aussi "bidon".

La patron a rapidement dû mettre un terme à ces tentatives de division racistes, face à la mobilisation, dans l’unité, des travailleurs français et immigrés.


Les jeunes de Bergson

Une nouvelle station de métro a été inaugurée, ce mois-ci dans le 19ème, la
station "CHÔMAGE". C’est en effet le nom qu’a porté, pendant quelques
heures, la station "Laumière", qu’empruntent tous les jours des centaines
d’ouvriers de la SOPAD.

Ce baptême, avec affiches, bombages et tracts, est l’une des actions entreprises par les lycéens de Bergson contre le chômage et l’alternance études-stages en entreprise contenue dans la réforme Beullac : "L’alternance aujourd’hui, c’est le chômage demain" disent les lycéens.

Peu avant aux portes du lycée, les lycéens avaient "enterré" le droit à l’emploi, avec couronnes mortuaires, fairepart et brassards noirs. Quelques jours plus tard, ils invitaient à un débat au lycée des licenciés de la SOPAD, le
UL CGT et CFDT, des syndicats de professeurs et les associations de parents
d’élèves.


Foyers SONACOTRA

Depuis le 15 mars, 3000 expulsions de résidents des foyers SONACOTRA
sont exécutoires. C’est une des informations données lors d’une réunion
débat qui s’est tenue le 15 mars au Relais de Ménilmontant sur la lutte que mènent depuis 5 ans les comités de résidents et le Comité de Coordination.
Ni les occupations des foyers par les flics, ni les foyers incendiés, ni les attentats fascistes, ni même les meurtres n’ont réussi à faire fléchir leur volonté de lutte.

Demain, Quai de la Loire

On a donc lieu de croire qu’il se prépare sur le terrain de la SOPAD une juteuse opération immobilière. Qui la réalisera ?… Peut-être le groupe Nestlé lui-même, dont la SOPAD est une filiale ; et dont une autre filiale s’appelle "Société Civile Immobilière du quai de la Loire", et est propriétaire du terrain sur lequel est construite l’usine ! Peut-être comme ce fut le cas sur les terrains Lebaudy, un consortium de banques et d’assurances avec, pour "faire social", quelques logements HLM, et pour faire "dans le vent" quelques artisans en rez-de-chaussée des immeubles. Dans tous les cas, Nestlé n’est pas perdant : au prix actuel du terrain (environ 3000 F le m²) - en 1979 les prix dans le 19ème ont augmenté d’au moins 20% - le trust empochera 5 milliards d’anciens francs. À titre de comparaison, signalons que si tous les ouvriers licenciés recevaient l’indemnité maximum, ça n’atteindrait même pas les 10% de la vente du terrain ! Et c’est bien pour ça que SOPAD veut fermer son usine de Paris…


Note (I) : À l’époque, l’APUR était placée sous l’autorité du Président du Conseil de Paris et du Préfet de Paris. Depuis mars 77, elle dépend uniquement du Maire de Paris ; et travaille en liaison très étroite avec la Direction de l’Aménagement urbain de la ville.

Le peu d’imagination et de recherche d’avant 77 a été remplacé par une obligation de réalisme pour suivre les projets chiraquiens.


Article mis en ligne en 2012 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en septembre 2013.

Quartiers Libres, le canard de Belleville et du 19ème (1978-2006) numérisé sur le site internet La Ville des Gens depuis 2009.

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