Aller au contenu | Aller au menu

Dossier

1606 visites sur cet article

Place des Fêtes, Place défaite ?


Dossier réalisé par P. Dupuits

Photo : P. DUPUITSAvec ses tours bien alignées, ses rues bien sages, son univers bien cloisonné comment retrouver l’histoire de la Place des Fêtes ?
Le temps de ses vignes et de ses cerisiers.
Le temps de ses maisons qui parlaient mieux que des mots, de la Commune, de Piaf, de Frehel, des moulins et des rémouleurs, des carnavals et des
terrains d’aventure, des bals et des fêtes.

C’est peut-être l’histoire d’un échec ? L’échec de n’avoir pu résister à des promoteurs, des spéculateurs, des politiciens …
L’échec, né de contradictions internes à ceux qui habitaient le quartier et qu’ils n’ont pu dépasser … et lorsque cela fut possible, ils n’étaient plus guère nombreux, les bulldozers étaient déjà au travail.

Rénovation à tout prix

Jusqu’en 1970, la Place des Fêtes et ses alentours : « C’était presqu’ un village avec sa vie propre, son harmonie et son histoire visible sur ses maisons
et dans ses rues »
.
La boue, les grues puis les tours ont remplacé les bistrots, les artisans ; les "ilots anciens", cours, maisons et jardinets (pourtant rénovables) sont démolis.

529 artisans sont éliminés ; 193 boutiques ont disparu ; 7000 habitants sont déportés (200 familles seulement viendront reloger sur place). Toute vie
sociale et culturelle est détruite. Pas un équipement collectif n’est prévu pour les 15000 habitants à venir.

Les années ont passé… nombreux sont ceux qui ont abandonné le quartier… d’autres plus nombreux encore sont venus sans savoir, croyant peut-être habiter de nouveaux espaces…. Mais qui leur en voudrait ?

Aujourd’hui, tant de choses changent ; mais ce petit morceau de Paris a toujours su retrouver le goût de la convivialité… alors, les nouveaux
habitants trouveront-ils les moyens de tourner une nouvelle page d’histoire de la Place des Fêtes ?

Photo : P. Dupuits



C’était hier

Aux origines

Au XIIème siècle, le terrain de la future place des fêtes faisait partie de la commune agricole de Portronville. Paris était alors bien petit et n’allait guère plus
loin que l’ ile de la Cité.

François 1er acheta en 1530, le terrain nommé "La Tillaye" à une dame Chadeville. pour y capter l’eau, l’amener à son hôtel des Tournelles. En 1565, l’eau alimentait l’hôpital St-Louis et devint sa propriété.

Au XVII et au XVIIIème siècle

La plupart des bellevillois étaient des laboureurs ou des vignerons. Sur les sablons du Haut-Belleville (aujourd’hui’hui autour et au-dessus de la place) il y avait des champs d’asperges ; cette culture trouvant là un terrain propice.

Il y murissait aussi du froment, de l’orge, de l’avoine et du seigle. Dans les jardins, on récoltait fèves et topinambours. Les cultures fruitières étaient nombreuses : cerisiers, fraisiers, groseilliers… D’ailleurs, l’ actuelle rue du Pré-St-Gervais se nommait la ruelle des cerisiers.

Au milieu du XVIIIème, Belleville commence à se construire. Les rues furent pavées … À cette époque, la municipalité de Belleville acheta à l’Assistance Publique, Pour 36000francs le terrain de 10000m2 planté de vignes, d’arbres fruitiers et de luzerne.

JPEG - 55.1 ko

La Place des Fêtes au XVIIIème siècle.


Au XIXème siècle

Aménagé et orné d’une quadruple rangée de tilleuls, ce terrain devint en 1836 la Place des Fêtes. Là eurent lieu désormais les rassemblements de la Garde
Nationale les fêtes patronales, dont les attractions (marchands, forains,manèges, stands de tir…) amenaient des foules considérables.

Vers 1860, une voiture légère de 14 places tirée par 2 chevaux, dite "la petite monteuse" fait l’ascension de la colline jusqu’à l’église de Belleville, puis plus tard jusqu’à la Place des Fêtes.

À cette époque, la commune de Belleville fut annexée à Paris ; les propriétaires escomptaient que des locataires bourgeois exproprier du centre de Paris s’installeraient autour de la Place des Fêtes et à Belleville. Mais ceux-ci se dirigèrent vers l’Ouest de Paris ; la Place des Fêtes et Belleville furent le refuge de la population
ouvrière.

La Commune

JPEG - 29 ko

Les Communards prisonniers aux Buttes-Chaumont

Les combats faisaient rage durant cette semaine sanglante de Mai 1871. Le 26 mai, à 6h du matin, les versaillais donnent l’assaut à la forteresse
bellevilloise … Les communards avaient installés Place des Fêtes deux pièces d’artillerie, un bataillon de 600 hommes et femmes. Les défenseurs des Butte-Chaumont les rejoignirent car faute de munitions, ils n’avaient pu résister
aux Versaillais. L’assaut final fut donné … les communards abandonnèrent
la Place des Fêtes et se réfugièrent dans les carrières d’ Amérique où ils furent massacrés …

Quelques uns résistèrent rue du Pré-St-Gervais, derrière d’énormes barricades, … mais le 27 mai au matin les obus tombent ; chaque minute apporte son désastre. La rue des Bois ne peut résister… 2000 prisonniers, des centaines de morts. A 2h de l’après-midi, tout est fini mais la tuerie continue car on fouille maison par maison et on assassine tous ceux qui résistent.


La Belle Époque

Entre Belleville et le Paris officiel, il existait une frontière. Le plus souvent, c’était des gens de conditions modestes qui y habitait, ouvriers, employés ou boutiquiers, mais celui qui franchissait la barrière ne le regrettait pas. Il y trouvait là une chaleur humaine, une solidarité, une générosité et du pittoresque avec ses rues commerçantes ou campagnardes. Autour de la Place des Fêtes, jardins potagers, ateliers d’artistes et une splendide vue sur Paris.

L’industrie principale du Quartier restait la fabrication de briques et de tuiles avec la terre glaise des carrières. Les fêtes foraines se tenaient Place des Fêtes ; en 1887, il y eu des pétitions de riverains contre "le rugissement des bêtes fauves qui troublaient leur repos nocturne. En 1891, le funiculaire de la rue de Belleville fut installé et fonctionna longtemps malgré nombres d’incidents et d’accidents.

Le XXème siècle

En 1906, un marchand de vin établi à l’angle de la rue du Pré-St-Gervais
et de la rue Compans transforma son café en salle de cinéma. Le quartier étant dépourvu d’électricité, il installa un moteur à gaz et une dynamo dans son jardin. Ce fut le succès.

Pendant la première guerre mondiale Belleville et la Place des Fêtes eurent à souffrir de la "Grosse Bertha" le fameux canon allemand. En 1924, le funiculaire fut remplacé par le bus "F.B." (funi-Belleville) qui desservit la Place des Fêtes.

Le bal public de la Place, grâce aux subventions devint un haut lieu de divertissement. C’était le temps des chanteurs de rues… et ils venaient nombreux dans le quartier.

La percée de la station de métro "Place des Fêtes" n’alla pas sans péripéties. En 1936, la station fut aménagée en abri prototype. Elle connut une affluence considérable pendant les alertes de la deuxième guerre mondiale.

Après ces années difficiles, le quartier retrouva sa gaité. Paul Adenot, peintre du quartier, raconte "Place des Fêtes, ce n’était que des petits artisans de la chaussure, des chaussons, des petites fabriques de meubles et des artisans travaillant seuls. La couronne de la Place des Fêtes, c’était les bistrots qui en
faisaient les fleurons et des petites épiceries en pagaille, et puis il y avait des restaurants et tout cela c’était plein. On pouvait pas l’approcher le dimanche, c’était plein de monde … ".


« Ça a commencé avec des types qui ont pris des métrés ; les géomètres.
Mais les gens du quartier ne savaient rien… Puis après, on a vu arriver des engins avec des grosses boules d’acier qui abattaient les murs… ça nous a fait mal au ventre. »

LA PLACE DES FÊTES ALLAIT-ELLE SURVIVRE ?

(À suivre… )

Patrick


À suivre : Les années 70 / (sur le terrain) D’aventure en aventure / Portrait.

Article mis en ligne par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en septembre 2013.

Quartiers Libres, le canard de Belleville et du 19ème (1978-2006) numérisé sur le site internet La Ville des Gens depuis 2009.

Consultez les archives et les nouveaux articles jamais parus dans la version papier de Quartiers Libres numérique

Toute utilisation en dehors du cadre privé ou scolaire doit faire l’objet d’une demande auprès de l’association Quartiers Libres et/ou de la Ville des Gens

Quartiers Libres - Contact et renseignements :

Michel Fabreguet et Richard Denis :quartierslibr1@gmail.com

La Ville des Gens - Salvatore Ursini

Rédacteur – Chargé des relations avec les publics

Téléphone 01 77 35 80 88 / Fax 01 40 36 81 57

Nous contacter

Consultez nos archives sur :
Quartiers Libres Numérique sur la Ville des Gens

Partagez cet article :


Réactions
modération a priori

A cause du SPAM ce forum est modéré :

- Votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.
- l'insertion de code, ou la mise en forme de votre texte est désactivée
- les commentaires comportant des liens sont supprimés.

Si vous souhaitez faire connaitre votre activité, contactez nous plutôt que de poster un commentaire, ce sera beaucoup plus valorisant et efficace pour votre activité.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Thematiques Quartiers Libres par Thèmes
Archives des numéros