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« Restau du Cœur »

On continue ?

Les « Restaurants du Cœur » de Coluche ont fermé leurs portes le 21 mars, alors que les mesures d’urgence menées tout cet hiver par les sociétés caritatives ont pris fin les unes après les autres. Avec 7500 à 8000 repas par jour, ce fut la plus grande opération menée contre la misère à Paris, loin devant Emmaüs qui a distribué 900 soupes chaudes chaque soir (seulement pourrait on dire !) et le Secours Catholique qui lui fonctionne toute l’année et prépare 40 à 50 repas quotidiens.

À l’heure des premiers bilans, tout le monde s’accorde à dire que l’expérience a été plus que positive, grâce aux efforts sans limite et au dévouement anonyme des bénévoles qui se sont lancés dans l’aventure dès le mois de novembre.
Si on peut reprocher à cette action. son côté ponctuel, la plupart des membres de l’équipe ont tous travaillé sans aucune rémunération et sont prêts a poursuivre et à élargir le projet initial.

En effet, l’objectif de Coluche est maintenant d’assurer une distribution de repas gratuits sans interruption toute l’année. Il espère voir adopter son projet de loi qui lui assurerait un financement sans avoir à lancer régulièrement des appels à la générosité du public. Ce texte serait plus incitatif et surtout plus juste pour les donateurs : la réduction d’impôt actuelle limitée à 5% du montant du revenu imposable deviendrait directement proportionnelle aux dons effectués à une fondation des : « Restaurant du Cœur ». Ce projet qu’il a lui-même présenté à l’Élysée le 3 février, ne pourra être déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale qu’au cours des mois à venir. Nouvelle législature oblige !

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138 rue d’Aubervilliers

Le premier Restaurant du Cœur à Paris s’est installé 138 rue d’Aubervilliers dans le 19e, le 14 janvier et a fermé ses portes comme les autres le 21 mars.
Un chapiteau de cirque jaune et rouge, loué aux frais de Ricard se dressait au milieu d’un terrain vague prêté par la ville de Paris, entre des immeubles neufs
et une gare de marchandises SNCF.

Madame Dumas, responsable du centre "Aubervilliers" a commencé, avec l’aide de quatre à cinq personnes, la distribution de quelques 400 repas par jour pour arriver à la fin de l’opération à 4800 repas quotidiens !

Le centre "Aubervilliers" a été le plus important de la capitale car il offrait des possibilités de stockage et assurait l’emballage des repas pour les autres
centres parisiens (Balard, Vincennes, et St Merry près de Beaubourg) soit plus de 7000 par jour au total.

De 8h à 20h nous étions mobilisés…

De 9h à 11h, cinq "TUC" (travaux d’utilité collective), rémunérés par l’état, trois "TIG" (travaux d’intérêt général : peines de substitution à la prison pour
les jeunes de 20 à 25 ans) accomplissaient de petits travaux de manutention et préparaient les repas à cuire : viande ou poisson surgelés, légumes (pâtes, riz, pommes de terre etc … ), fromage et fruits, plus une portion de pain. Le tout était remis aux clients dans un sac en plastique. Un repas froid était prévu pour ceux qui n’avaient pas la possibilité de cuisiner : sans abris et jeunes chômeurs vivant en chambre d’hôtel. À 11h30 le centre ouvrait ses portes, et la distribution se poursuivait jusqu’à 14h.


Mais, précise Madame Dumas, pour les bénévoles, le travail ne s’est pas arrêté là : « De 8h à 20h nous étions mobilisés ; nous avons dû résoudre les problèmes de gestion, de ravitaillement, de stockage et d’assurances.
Je me suis occupée seule ou avec l’aide des bénévoles locaux de toute l’organisation matérielle du centre, depuis l’installation de l’électricité, d’un
chauffage (car cet hiver a été particulièrement rude), jusqu’au fonctionnement du centre proprement dit
 ».

Coluche a joué un rôle médiatique indispensable à l’origine de notre action…

Coluche a joué un rôle médiatique indispensable à l’origine de notre action ; son image publicitaire nous a permis de recueillir les fonds nécessaires, mais sur le terrain, confrontés à la réalité quotidienne, nous étions livrés à nous-mêmes".
Il fallait attendre les camions, les décharger, coordonner toutes les actions : il est même arrivé de voir repartir une livraison, faute de bras !

L’organisation s’est faite peu à peu. L’argent est rentré au coup par coup, rendant les prévisions budgétaires aléatoires, mais au fur et à mesure la
composition des repas s’est améliorée et on a vu apparaitre des gâteaux pour le dessert.

Une véritable usine !

La clientèle à "Aubervilliers" était essentiellement maghrébine. À l’ouverture des Restaurants du cœur, beaucoup de jeunes sont venus et même des personnes plus âgées. Très dignes, souvent mal à l’aise, ils s’avançaient les yeux baissés et se montraient extrêmement polis. Puis ils ont plutôt fréquenté le centre Balard, plus petit et plus humain (1200 repas), laissant la place aux Nord- africains, plus remuants et plus volubiles." Il faut préciser qu’“Aubervilliers” était vite devenu monstrueux : « une véritable usine ! » ajoute Mme Dumas.

« Nous n’avons jamais effectué aucun contrôle sur notre clientèle, respectant la volonté de Coluche de ne pas vexer ou culpabiliser des gens dont l’amour-propre était déjà mis à mal. Mais très rapidement, nous avons dû exiger le livret de famille pour les personnes qui réclamaient plus de quatre repas ; il nous fallait bien une justification, certains demandant jusqu’à douze repas. Nous voulions éviter un trafic de revente ».

La fraude a existé, naturellement, mais d’une façon marginale (quelques-uns ont même fait le tour des Restaurants du Cœur en taxi pour obtenir plusieurs repas !).

Coluche tient à conserver sa philosophie de non contrôle :

« Les pauvres volent les pauvres » répond-il aux critiques. « Nous n’avons jamais eu à déclarer de vols, les lieux étant clos, les stocks enfermés dans une petite maison ou dans des camions. On a pu simplement regretter quelques larcins, des boîtes de conserves dérobées par des chômeurs ou des "T U C", peut-être une faiblesse de la misère devant l’abondance des stocks, mais rien de grave. Par contre, nous avons été également témoins d’élans de générosité extraordinaire parmi les chômeurs ! » rapporte Mme Dumas.


À l’heure des premiers bilans

Bien que le bilan final ne soit pas encore établi, les dernières factures n’étant pas toutes réglées, on peut dire que la gestion a été remarquable. Les commandes ont été faites globalement, en masse (par tonnes) au niveau. national directement auprès des industries alimentaires, ce qui a permis de bénéficier de tarifs très bas ; mais en contrepartie, ces livraisons en grosses quantités ont exigé du personnel, un important travail de répartition et de conditionnement au niveau des centre locaux.
« Mais chaque repas a coûté 4,46F (5F si on tient compte des charges diverses), un prix de revient hors concurrence ! » précise Mme Dumas.

Pour l’ensemble de la France les Restaurants du Cœur ont eu à gérer plus de quatre milliards d’anciens francs. Avec l’argent qui est resté, Coluche a pu remettre un chèque de 150000F à l’Abbé Pierre.

Madame Dumas souhaite renouveler l’opération mais sous une formule légèrement différente. Les efforts consentis sur une durée limitée ne sont pas renouvelables à temps plein sur une année entière explique-t-elle. Un gros centre comme "Aubervilliers" ; devient vite inhumain ; il est nécessaire de multiplier les petits centres (1500 repas par jour maximum), afin qu’un contact puisse s’établir entre les membres de l’équipe et la "clientèle".

Il faut instituer un contrôle souple, humain, mais pour Mme Dumas, c’est une question de Justice avant tout, afin de ne pas léser ceux qui sont réellement dans le besoin : « Le laissez-faire amène des abus et ce sont les plus démunis qui en pâtissent ».

Pour le présent, le terrain de la rue d’Aubervilliers prêté par la ville de Paris, a été récupéré et les travaux d’aménagement de la cité artisanale prévue n’ont toujours pas commencé.

Il faudra redémarrer par la recherche d’un nouveau terrain d’accueil.

J.A.


Article mis en ligne par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en septembre 2013.

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