Un collectif au service des plus démunis

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Les Morts de la Rue

C’est au 2e étage d’un immeuble de briques de la rue d’Orfila dans le 20e arrondissement que siège le Collectif Les Morts de la Rue. Comptabiliser les morts, organiser des funérailles dignes pour ces exclus de la société, chercher et dénoncer les causes de ces morts souvent violentes, accompagner les personnes en deuil sont quelques-unes des priorités de cette association fondée en 2002.

Dans une petite pièce lumineuse qui surplombe une terrasse servant de terrain de jeux aux enfants d’une crèche, Cécile Rocca, coordinatrice et unique salariée du collectif, accepte de nous recevoir pour parler de son engagement.

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« Quand les gens appellent ici, souvent ils sont surpris, ils pensent qu’ils se sont trompés de numéro car ils entendent les cris des enfants, les bruits de la vie » explique-t-elle en indiquant la vue qu’elle a de sa fenêtre.

Entourée de photos et de tableaux de celles et ceux qui partagent le même combat qu’elle, cette femme discrète dont la voix douce ne révèle rien de sa révolte répond à nos questions.


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- Quelle est votre fonction au sein du Collectif ?

« Je suis la coordinatrice du Collectif et je travaille ici à plein-temps. J’engrange toutes les informations sur les décès des personnes de la rue pour les diffuser et interpeller la société. Je suis beaucoup au bureau pour coordonner, communiquer les informations à d’autres associations par le biais de différents réseaux de médias.
 
Par exemple, je peux recevoir les informations sur les personnes décédées dans la rue ou des morts isolés par l’Institut médico-légal, les services funéraires de Paris, des particuliers ou différents médias. Je fais circuler les noms dans les différentes associations pour savoir si ces personnes sont connues, si elles ont des proches.
 
S’il s’avère que ces personnes étaient réellement isolées, alors, on organise tout le travail d’accompagnement du défunt jusqu’à l’enterrement au cimetière de Thiais. On ne s’occupe pas de ceux dont on retrouve les familles.
 
On mène aussi tout un travail de réflexion et de soutien auprès des autres associations qui montent le même type de projet que nous. Hier par exemple, j’ai participé à une réunion à la Fondation de France dont le thème était la prise en charge de la douleur en fin de vie, du deuil de l’entourage de ceux qui meurent dans la rue.
 
On apporte des données, des détails techniques que d’autres n’ont pas. Mais ce qui m’a toujours intéressée, c’est d’être dans le symbolique, dans l’égalité, en organisant des vacances pour ces gens par exemple ».

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- Qu’est ce qui a motivé votre engagement auprès des gens de la rue ?

« Je suis au collectif depuis 2002, mais j’ai fait beaucoup de travail de rue pendant des années. Je trouvais juste ça insupportable que les gens meurent dehors.
 
Mon engagement a vraiment commencé il y a presque 30 ans, quand j’ai vu un homme d’une trentaine d’années qui avait tellement honte de faire la manche, qu’il se cachait le visage.
 
Ca a été d’une violence inouïe pour moi, je l’ai secoué, je lui ai dit qu’il ne pouvait pas faire ça. Et ça a été le début d’une amitié. Mais une fois, il est venu me réveiller en pleine nuit et là, je l’ai envoyé bouler et ça a été la fin de cette relation. Depuis, je ne l’ai plus jamais revu.
 
C’est je dirais, ce qui m’a mis en route, je me suis rendue compte que seul, on ne pouvait rien faire, j’ai donc rejoint le milieu associatif à ce moment là, c’était en 1984. »

- Que pensez-vous du terme SDF employé pour qualifier ces exclus ?

« C’est un terme qui me révulse, parce qu’il ne parle des gens que par ce qu’ils n’ont pas, qu’il les limite à une seule identité.
 
Malheureusement, nous sommes nous-mêmes obligés de l’utiliser dans les communiqués de presse pour le référencement internet par mots clés.
 
Mais ces personnes ont plusieurs identités comme vous et moi, être SDF ne les empêche pas d’être aussi des bénévoles, des fans de pétanque voire des aviateurs.
 
Il y a quelques mois d’ailleurs, les médias ont parlé d’un homme qui, aux commandes d’un petit avion avait largué au-dessus du Poitou-Charentes des tracts contre Ségolène Royal. Eh bien cet homme était un SDF de Paris ! »

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- Que répondez-vous à ceux qui vous disent que vous feriez mieux de vous occuper des vivants plutôt que des morts ?

« Il est vrai qu’il est souvent arrivé que les associations nous fassent cette critique mais au fur et à mesure de leurs actions, elles se sont rendu compte qu’elles étaient démunies face à la mort, et donc progressivement, elles ont pris conscience de l’importance de ce que nous faisions. En 2002-2003, on a organisé toute une campagne médiatique pour parler des morts de la rue, ce qui a énormément touché les « SDF ». Ils disaient : « C’est bien qu’on parle d’eux, ça prouve qu’on n’est pas des chiens. ».

Et puis, les personnes de la rue se sont tout de suite impliquées dans l’organisation des funérailles en apprenant par cœur des litanies pour les morts ou en écrivant les faire-parts, on sentait que c’était très important pour eux de participer ;. »


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- Que peuvent apporter ces êtres fragilisés à notre société qui fait tout pour les laisser de côté ?

« Je pense qu’il est important de trouver des combats et de faire acte de citoyenneté ensemble. Ce qui me révolte c’est de voir comment notre société se prive de ces gens qui ont de réelles compétences alors qu’on devrait les embaucher partout. Nous avons dans notre association des personnes de la rue qui se sont engagées à nos côtés.


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Au moment de l’organisation des enterrements par exemple, ils ont été les premiers à accompagner les morts au cimetière. A leur retour, ils ont demandé à ce que dans l’avenir les autres accompagnants ne viennent plus en jean, ne mâchent plus de chewing-gums, des choses auxquelles on ne faisait pas attention mais qui, eux, les avaient choqués.

Ils nous ont apporté ainsi des éléments, une sensibilité que nous n’avions plus.Ils nous aident à évoluer et ont beaucoup de choses à nous enseigner car le fait de vivre à la rue transforme, apprend et désapprend des choses, ces gens vivent avec le sentiment d’une mort imminente proche de celui des camps de concentration. »

- Pensez-vous que votre action permet de faire évoluer les mentalités ?

« Oui, doucement, le regard des gens évolue, il y a des répercussions inattendues. Un exemple concret de cette évolution s’est révélé suite à une invitation de notre association à une soirée d’une école de management autour du thème de l’utilité sociale des SDF. »

La personne invitante a compris qu’il était important d’inclure les gens de la rue dans les projets qui les concernaient. C’est ainsi qu’est née en collaboration avec les SDF, La Bagagerie Mains Libres des Halles qui permet à ces personnes de déposer leurs paquets durant la journée.

Dans le même quartier, des gens de la rue ont été embauchés pour faire et pour vendre des gâteaux bio tous les vendredi et ils sont excellents. Je pense que dans la tête des gens, ça a fait tilt. »

Le collectif les Morts de la Rue s’est implanté un peu par hasard dans le 20e, un des rares arrondissements de Paris qui a su garder une certaine forme de mixité, le trouvez-vous solidaire ?

« J’ai entendu dire qu’autour de la station Belleville, il y avait tout un réseau de solidarité de voisinage vis-à-vis des gens de la rue. Certaines boutiques domicilient des SDF pour qu’ils reçoivent leurs courriers, des épiciers installent des petites cagnottes à leur attention, une femme a même hébergé une famille pendant un an. »

- Vous habitez dans le 19e arrondissement, qu’est ce qui vous plaît dans ce quartier et quels sont les endroits où vous aimez vous rendre ?

Tout comme dans le 20e arrondissement, il y a un côté village, c’est très commerçant, on dit toujours trois petits bonjours en passant. C’est un quartier où il y a des points de vue, on ne se sent pas écrasé par la ville et puis on n’a pas peur de s’y balader le soir, c’est toujours très animé.

C’est aussi très mêlé, il y a encore des artisans, des ébénistes mais la boboîsation s’installe, le fossé se creuse de plus en plus entre les familles en très grande difficulté avec des gosses qui font n’importe quoi, et les gens plus aisés.



Ses lieux dans le 19e :

Le bassin de la Villette

« C’est là que je cours régulièrement, car c’est plat et l’eau change tout le temps, à toutes les heures du jour. On y voit des mouettes, des cormorans et même des hérons parfois ! C’est la nature en ville. Quand on y est, on se met en vacances tout de suite. Il y a des gens qui jouent à la pétanque sur les bords du canal, même des jeunes, un peu branchouilles. »

Ses lieux dans le 20e :

Bistrot 1929 :

Bon rapport qualité/prix - 49, Rue Orfila, 75020 Paris - Tel : 01 46 36 73 60
Brunch - Dimanche aussi - Musique live



- En savoir plus : http://www.mortsdelarue.org


Propos recueillis par Géraldine Bernard - Février 2010
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Réactions
par JACQUET LYDIA - le : 4 novembre 2016

Les Morts de la Rue

Bonjour,

Est-il possible de connaître les associations qui s’occupent des funéraires des gens sans domicile fixe en Charente Maritime et à Nantes car je souhaite m’investir ?
Merci pour votre réponse
Cordialement
Lydia Jacquet

Répondre à JACQUET LYDIA

le : 7 novembre 2016 par Salvatore en réponse à JACQUET LYDIA

Les Morts de la Rue

Bonjour,

Il existe des associations dont la principale est le Collectif Les Morts de la Rue, ils ont un site internet du même nom que vous trouverez facilement et ils doivent avoir un relai sur Nantes ou la région.

Cordialement.
Salvatore Ursini
La Ville des Gens
info@des-gens.net

par Cécile Rocca, collectif Les Morts de la Rue - le : 6 décembre 2016

Les Morts de la Rue

Il y a en effet une association à Nantes : De l’ombre à a lumière.
voici leur adresse postale. Nous n’avons pas mèl ni téléphone de leur association.

DE L’OMBRE A LA LUMIERE - ASS. D’ACCOMPAGNEMENT DES MORTS DE LA RUE

3, rue d’Aguesseau,
44000 Nantes

Répondre à Cécile Rocca, collectif Les Morts de la Rue

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