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Les "Allemands de La Villette"

Au 19ème et au début du 20ème siècles (suite 2)

Nous terminons la publication de l’étude historique réalisée par notre ami André Nicaud, parue dans les numéros 96/97 et 98/99. La guerre 39/45 a eu des conséquences graves pour les relations entre français et allemands de souche.


Au moment où le P.L.U. plan local d’urbanisme est en train de se mettre en place avec le concours des Conseils de quartiers, il nous a semblé amusant de rappeler le règlement du 27 juillet 1859.

Règlement du 27 juillet 1859, reprenant les principales dispositions de celui de 1784. Création d’une règle supplémentaire pour les voies de 20 mètres et plus. Son premier article accorde, pour la hauteur des façades des bâtiments bordant la voie publique : 11 m 70 pour les rues de moins de 7 m 80 de large ; 14 m 60 pour les rues de 7 m 80 à 9 m 75 ; 17 m 55 de hauteur pour les rues de plus de 9 m 75. Pour les voies publiques de plus de 20 m, cette hauteur peut être portée jusqu’à 20 m à condition de n’avoir pas plus de 5 étages au dessus du rez-de-chaussée.

Écoles. Lieux de cultes

Les premières écoles allemandes de Paris ont été fondées d’abord par les églises catholiques puis, après 1860, par les protestants.

La Mission allemande englobe toutes les actions des catholiques. Première église desservie par cinq prêtres jésuites et accompagnée de deux écoles pour garçons et filles regroupant environ 500 enfants fonctionnant grâce à des dons allemands.

Dès 1825 l’abbé Bervenger célèbre des messes à l’intention de ses compatriotes et propose ses services à l’Archevêché de Paris.

En 1837 l’abbé Axinger souhaite aider les ouvriers catholiques allemands, pauvres, par des "secours corporels" et pourvoir à leurs "besoins intellectuels".

C’est après la révolution de 1848 que le père Chable, originaire d’Alsace, décide de s’occuper de cette population de La Villette où il s’installe en 1850. Il s’agit de la "Petite Villette" délimitée par le quai de la Loire, la fin du quai de Valmy, le chemin de la Barrière de Pantin à Belleville et la rue de Crimée.

Là vivaient des travailleurs souvent sans papiers et sans domiciles, souvent contraints de coucher dans les carrières - dans la proximité des voyous et des vagabonds - employés dans les carrières de gypse et l’infecte Voirie de Montfaucon [1].

En dehors des deux rues principales : rue d’Allemagne - devenue l’avenue Jean Jaurès - et rue de Meaux, des passages, des impasses sont bordées de vieux logements insalubres mais peu à peu d’autres axes sont percés et des cités composées de logements économiques ayant plus de confort sont construites : la cité Lepage qui existe toujours en est un exemple. 300 familles d’ouvriers allemands habitent autour du 30 rue de Meaux. Une chapelle provisoire est inaugurée en 1850.

Une autre chapelle est inaugurée en 1851 près du quai de Valmy et du boulevard de La Villette. Puis l’église Saint-Joseph ouvre en 1866 grâce aux dons collectés à travers l’Allemagne et à de riches nobles français. 960 enfants, garçons et filles reçoivent gratuitement une instruction générale et religieuse. De jeunes employées de maison - il y a de plus en plus de "bonnes à tout faire allemandes, alsaciennes ou lorraines" - y trouvent aide et réconfort.

La Mission allemande, catholique, ne survivra pas à la guerre de 1870. Il en reste l’église paroissiale "Saint-Joseph artisan" au 214 rue La Fayette, et le siège de la Mission catholique belge flamande au 228 bis de la même rue.

L’église luthérienne, officiellement reconnue par Napoléon en 1809 n’est pas en reste. Elle fonde en 1840 la "Mission évangélique parmi les Allemands de Paris" qui crée deux paroisses, l’une aux Batignolles, l’autre rue de Crimée avec "l’école de la colline".

La guerre 1914/1918 perturba encore plus la vie de la "paroisse allemande du Christ à Paris" dont les biens - églises, écoles - sont vendus par l’État français.

L’actuelle église évangélique luthérienne située au 55 rue Manin, date des environs de 1914. Le temple luthérien, terrain et bâtiments du 93 rue de Crimée, a été acheté en 1924 par une association d’émigrants russes orthodoxes qui y a implanté l’Institut théologique et l’Église Saint-Serge.

En 1930 une nouvelle école allemande - due à l’initiative privée - s’est fondée à Paris.

Tels sont les bâtiments qui restent actuellement de ces aides allemandes à leurs compatriotes parisiens. Qu’en est-il des rares descendants de ces ouvriers ?
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Photo © Michel Brunet - 2003.

Sur une même image, dix huitième, dix neuvième, vingtième et vingt et unième siècles… Prise de la passerelle qui double le pont levant de la rue de Crimée, cette vue donne une idée de l’importance du Bassin de La Villette que Napoléon eut l’idée de faire creuser. Une fameuse idée, pour une fois ! Au loin, se laisse apercevoir la rotonde de La Villette, survivance de l’enceinte des Fermiers Généraux, due à Ledoux… et l’on devine la présence d’une passerelle qui n’a pas, et de loin, l’élégance de sa devancière.


Journellement, les médias nous apportent à domicile, plus ou moins abondamment, des informations diverses en rapport avec l’émigration et l’immigration.

Ce que nous venons d’évoquer, nous laisse en droit d’émettre des doutes sur la possibilité qu’à l’échelon planétaire le mondialisme économique libéral (en pleine lutte pour sa survie et son développement, en constantes variations sinusoïdales) puisse être volontairement ou non, la panacée inhibitrice des flux migratoires que d’aucuns favorisent et que d’autres refusent véhémentement.

Les super enjeux financiers sont si énormes qu’il devient de plus en plus difficile, aux multiples gouvernements de tous les pays de "tous bords politiques confondus", d’assurer équitablement l’incontournable régulation de l’émigration pour éviter les drames qu’engendre la "clandestinité", sous toutes ses formes.

Toutes les rodomontades [2] dont certains, hypocritement, nous rebattent les oreilles ne peuvent nier l’évidence que l’émigration est bien un problème d’actualité qu’il faut gérer constamment dans la justice et l’équité, sous peine de troubles graves pour l’équilibre social, présent ou à venir.

A qui sert-il de jouer les "Gribouilles [3]" ?

Pour preuve il n’est pas nécessaire d’aller bien loin, en sortant d’ici, juste en sortant de chez nous, il nous suffit de regarder pour voir, autour de nous, d’écouter et de comprendre.

Mais il nous faut surtout : " Voir avec nos yeux, entendre avec nos oreilles, comprendre avec notre cœur ! "

Une population plus ou moins quantifiable de ces "Allemands de La Villette" s’est, peut-être, intégrée, mais il est évident que, par la force des choses, elle s’est, inéluctablement, désintégrée, certains de ses représentants, devenus français, ont fait souche dans notre XIXème (siècle et arrondissement confondus).

En fonction des aléas de la conjoncture, tout au long des décennies, d’innombrables émigrés, allemands ou d’autres nationalités et d’autres ethnies, sont venus et les ont remplacés.

Inéluctablement d’autres sont appelés, un jour ou l’autre, à venir prendre leur place. Parmi eux, certains s’intégreront et eux aussi, à leur tour, se désintégreront, après avoir fait, ou non, souche dans l’arrondissement.

La "roue de la vie" peut conduire à ce que dans le paysage, la couleur de la peau peut changer, les langages aussi, mais le "sol", lui, demeure.

C’est un truisme de prétendre que les habitudes de vivre se modifient dans le temps, matériellement, intellectuellement et spirituellement, en fonction des révolutions positives ou négatives bénéfiques ou maléfiques que tout progrès implique.

Les motivations fondamentales, profondes, et incontournables de l’émigration : qu’elles soient : économiques, politiques ou religieuses ne changent pas et ne sont sûrement pas près de le faire, car !’"Homme" reste !"’homme".

C’est seulement l’apparence, l’expression plus ou moins médiatique du phénomène, qui changent.

Quel spécialiste en prévision ou prétendu tel peut nous affirmer que, demain, en ce début de XXIème siècle, qui se devrait d’être celui de la spiritualité, selon les dires présumés d’André Malraux, ou bien dans un changement radical de tendance est appelé à intervenir ?

C’est aux causes, plus qu’aux effets, qu’il faut s’attaquer pour espérer remédier à la situation.

Faut-il encore, pour les classes dirigeantes mondiales en reconnaître l’impérieuse nécessite et mettre en action leur superpuissance ?

Pour nous, il est évident que le traitement s’avère de plus en plus du domaine de l’amont que de l’aval.

Notre déformation grégaire d’ "Ancien du 19e arrondissement" nous conduit à penser que lorsqu’on se sent bien chez soi on aspire rarement à venir habiter chez les autres, hormis par l’attrait de l’inconnu qui transforme la notion négative de migration en celle positive de tourisme.

A la fin des années 1860, Paris (intra et extra muros) a pu être considérée, avec ses 100 000 ressortissants germaniques, alsaciens et lorrains confondus, comme la première ville allemande après Berlin et Hambourg.

Ce qui nous semble souhaitable, à nos jours, c’est que Paris, capitale de la France, continue à être considérée, en Europe, et dans le monde entier, comme la "première ville française" riche et forte de ses "exceptions" et de ses "mondialismes".

A quoi nous servirait-il de savoir combien, exactement, de nationalités, d’ethnies diverses, cohabitent à la Villette (Petite ou Grande) et dans le totalité de l’arrondissement si ce n’était pour une valorisation par le meilleur plutôt qu’une dévaluation par la recherche systématique du pire ?

Ce que nous savons ou croyons savoir, n’est qu’un "état de fait", qu’on le veuille ou non, nul ne peut le nier, La Villette est devenue en 180 ans, cosmopolite, le mélange de ses diversités constitue une incontournable globalité qui en fait un arrondissement parisien de plus de 173 000 habitants, de l’importance d’une ville comme Grenoble ou Rennes.

Cette ville dans la Ville, si elle veut s’assurer la pérennité d’un constant développement, se doit de conjuguer au pluriel plus qu’au singulier : son passé, son présent, et son avenir, dans un langage commun afin de gérer au mieux des intérêts de ses habitants, à travers des inévitables contradictions, souvent difficilement "gérables".

En ce qui concerne "Solidarité 19", et nous même, nous sommes en droit de penser que c’est à quoi nous nous employons.

Nous savons que c’est aussi à quoi s’emploient efficacement nos élites. Nous n’avons qu’à les remercier, et nous en réjouir.

Tant qu’il y aura des femmes et des hommes, harmonieusement confondus dans le terme générique d’ "hommes de bonne volonté" il restera toujours des raisons d’espérer.


André NICAUD


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Photo © Michel Brunet - 2003.

Rencontre de l’ancien et de l’actuel. À quelques pas de la Cité des Sciences et de l’Industrie, se dresse cette tourelle de pierre, porteuse de quatre horloges, survivance des Abattoirs qui furent construits entre 1865 et 1868 et occupèrent tout l’espace, entre l’actuelle avenue Corentin Cariou et l’avenue Jean Jaurès. Cette architecture de métal rouge est, elle, récente, et rappelle les "fabriques" essaimées dans l’actuel parc de la Vil/lette.

Lire aussi les 2 articles précédents :


Article mis en ligne en novembre 2014.

Quartiers Libres, le canard de Belleville et du 19ème (1978-2006) numérisé sur le site internet La Ville des Gens depuis 2009.

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[1Voir livre de Denise François : "La voirie de Montfaucon".

[2Rodomontade n. f. litt. (surtout au plur.) Fanfaronnade.

[3Gribouille -personnage imaginaire, symbole de la maladresse brouillonne. Prov. Il fait comme Gribouille, il se jette à l’eau par peur de la pluie. Loc. am. La politique de Gribouille, qui aboutit à la situation catastrophique qu’elle prétend éviter. Dictionnaire français Hachette.

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Réactions
par LAURENT Danièle - le : 31 mai 2016

Les "Allemands de La Villette"

Je voudrais simplement remercier "La Ville des gens" et André Nicaud pour son livre "Les Allemands" de la Villette.
Je viens seulement de découvrir, à 67 ans (!), à l’occasion du commencement de mon arbre généalogique, qu’une partie de ma famille descendait directement de ces Allemands de la Villette !
Leur assimilation a été si parfaite (arrivés dans les années 1860 de Moselle et surtout de Sarre), que le souvenir des origines n’a quasiment pas été transmis sauf allusion extrêmement floue…
C’est avec beaucoup d’émotion que je me "connecte" à ce petit peuple du Belleville ancien.
Mes ancêtres travaillaient à l’usine à gaz de la Villette, aux abattoirs…étaient commerçants, artisans et notamment dans le "polissage des métaux".
Je n’ai pas encore trouvé d’où vient ce métier, d’aucuns disent que c’est allemand.
En tout cas ma famille a installé dès les années 1860 une sorte de "petite tribu" du polissage à Belleville : le dernier atelier était situé au 46, rue de Tourtille.
Il s’est éteint définitivement je crois, avec la retraite de mon grand-père dans les années 1950/60.
Avez-vous des informations sur cette activité du polissage sur acier et métaux dans le
Belleville ancien ?
Merci encore de nous permettre de soulever un coin du voile de l’histoire des "gens sans Histoire"…
Danièle LAURENT

Répondre à LAURENT Danièle

le : 1er juin 2016 par Salvatore en réponse à LAURENT Danièle

Les "Allemands de La Villette"

Bonjour Madame,

Je vous remercie pour votre message que j’ai validé sur le forum de l’article sur les Allemands de la Villette.

J’ai transmis ce message à Mr André Nicaud qui a écrit cet article et bien d’autres choses sur l’histoire du 19ème, ainsi que Mr Bezzolato qui lui a succédé à la tête du Conservatoire Historique d’Études et de Recherche du 19ème arrondissement (CHER19).

Je pense que vous pourrez peut-être obtenir d’autres renseignements auprès d’eux.

CHER 19 - Mr Bezzolato : patrickbezzolato@gmail.com / Mr Nicaud : nicaud.andre@orange.fr

Cordialement.
Salvatore Ursini - Responsable de La Ville des Gens

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