La ville des gens : 18/mai

Urbanisme dans le 19e : un état des lieux


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La SFP aux Buttes Chaumont, le 147 rue de Crimée au bassin de la Villette, la Porte des Lilas : quelques uns des "dossiers chauds" du 19e. Mais où en est la politique urbaine dans l’arrondissement ? Quartiers Libres a voulu faire le point en ce début 1997.


Les points chauds du 19e

Éclaircie sur les quais : la ZAC [1] du bassin de la Villette et le 147 rue de Crimée

De cette ZAC dispersée sur les rives du bassin (un millier de logements prévus depuis 1987 sur 20 hectares) et presque achevée, deux des derniers chantiers en cours sont contestés : 103 logements au 147 rue de Crimée, et 122 au 43 avenue jean-Jaurès. Le problème, comme dans toute la ZAC : la densité et surtout le manque d’équipements (6 000 nouveaux habitants au total). La pression exercée par l’association du Bassin de la Villette (occupations matinales du chantier d’octobre à décembre 96) et l’appui actif du maire d’arrondissement ont enfin conduit la Mairie de Paris à la négociation, en janvier 97 : suppression ponctuelle d’un étage, école, crèche de 20 lits et halte-garderie de 10 lits, 150 m’ de locaux d’animation, et reconstitution du terrain de sports rue Tandou. Des besoins légitimes reconnus, mais après quels efforts…

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Panne de scénario : la SFP [2] aux Buttes Chaumont

Le grand îlot de 2 hectares qui accueillait les studios de la SFP au sud du parc fait l’objet depuis 1995 d’un projet de Stim Bâtir, filiale de Bouygues. Le même îlot accueille déjà 237 logements (sur les anciens Réservoirs), et avec les 714 prévus, on approcherait le millier de logements, dans un bâti très dense de 7 à 11 niveaux, plus 3 000 m2 de commerces (dont une grande surface), 30 lits de halte-garderie et une école.

Sur-densité, sous-sol à risque, manque d’équipements, perte de toute animation : les riverains, consultés sur le projet par la mairie d’arrondissement en octobre 95 ont dit non à 85%. La nouvelle association, Vivre aux Buttes Chaumont, a déposé 11 recours et des demandes précises : écrêtement général, 60 lits de crèche, un local associatif, un gymnase et un équipement culturel (un centre d’art contemporain). Les multiples pressions semblent agir : le promoteur accepterait de dé-densifier un peu, d’introduire 40% de logement social, de réserver 800 m2 pour un local d’animation. Mais si le projet d’école avance (concours jugé en novembre 96), pour le reste, la Mairie de Paris, qui voit là une simple opération privée, ne veut pas négocier. Le chantier pourrait être lancé dans quelques mois, après la vente du terrain au promoteur.

Triste issue pour la SFP (pas encore privatisée), qui a marqué si fortement l’identité du quartier. Un banal terrain à bâtir, comme dit la Mairie de Paris, ou une belle occasion manquée pour redonner vie à ce quartier ?

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Le périph. ou la vie ? : la ZAC de la Porte des Lilas.

A la Porte des Lilas, un hôpital, les Archives, une caserne, donnent sur le périphérique. Mais des logements… Entre périph. et banlieue, une ZAC acrobatique en prévoyait 750 en 1994, avec 30 000 m2 de bureaux, 25 000 m2 d’activités, une station de métro, et pour toute protection phonique l’écran des immeubles industriels…

Les maires des deux arrondissements (19e et 20e) ont en vain demandé la couverture du périph. et se sont opposés au premier projet : 350 logements sociaux sans aucune protection. L’association ASEPL proteste aussi, contre le bruit (80 décibels en façade), la densité, le manque de parking, et demande en bref qu’on ne "reproduise pas les erreurs du passé" (parfois très récent, voir la Porte d’Aubervilliers !). Un carrefour a été aménagé, mais le dossier est au point mort : la Mairie de Paris découvrirait -elle les risques, dans un site si peu propice, d’une construction à tout prix ?



Trente ans de densification

Dans les années 1960-80, le 19e, arrondissement industriel et ouvrier, a bien failli, au départ de ses entreprises, devenir une vraie banlieue-dortoir intra muros, avec les "rénovations-bulldozer" et leurs tours rue de Flandre et place des Fêtes, ou les ensembles HLM de la rue Curial.

Le Plan-Programme de 1983 [3] sur l’est parisien a introduit un ré-équilibrage avec le grand pôle culturel de la Villette, des programmes de bureaux (hélas souvent vides) et un hôtel industriel. Outre le pôle de la Villette, le Conservatoire et quelques grands équipements, des espaces publics ont été rénovés (la place de Stalingrad en 1989, celle des Fêtes en 92, la rue de Flandre, dont la seconde tranche des travaux d’aménagement vient de repartir pour un an entre la rue du Maroc et le rue Mathis).

Ces opérations sont souvent de qualité, mais reste la brutalité des rénovations antérieures…

Et la densification continue. Concentrées entre Villette et Jaurès, les ZAC (plus de 4 000 logements et 50 000 m2 de bureaux prévus en 1983) sont plus morcelées, plus urbaines, mais toujours denses. S’y s’ajoutent nombre d’opérations privées portées par l’embellie des marchés jusqu’en 90, et les équipements et espaces de proximité n’ont pas suivi.

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Débat ancien, nouveau cadre

Le 19e arrondissement, dont beaucoup d’habitants sont récents, cherche encore son identité. Le risque est que la construction massive de logements se poursuive sans supports suffisants pour la vie de quartier et sans nouvelles activités structurantes. Fait nouveau : les associations portent aussi cette quête d’identité collective.

La politique urbaine de la Mairie de Paris, centralisée, peu concertée et très liée aux lois du marché, est peu sensible à ces mouvements. Mais la situation change :

- la crise de l’immobilier depuis 1990 fragilise les opérations et permet de négocier à la baisse avec les promoteurs (sur les 3 "points chauds", à l’OCP, etc),

- l’arrivée de la gauche a brisé l’unanimisme parisien, conforté l’arrondissement comme échelon de démocratie locale ; l’affluence aux conseils de quartier révèle une vraie attente.

Comment arriver à négocier ? la question est ardue, que ce soit dans les opérations privées (voir la SFP) ou même en ZAC, procédure publique : l’arrondissement n’est pas une instance de décision. Le rapport de forces et l’élargissement du débat public [4] sont la seule voie pour infléchir des opérations.

Que négocier ? Personne ne veut garder le "trou" de la SFP, mais pour une mairie d’arrondissement laissée sans moyens d’étude [5] et pour des bénévoles associatifs, souvent récents dans le 19e, établir des propositions précises ou même des contre-projets (que faire à la Porte des Lilas ?) est très difficile, et peser sur les réflexions initiales l’est encore plus (une université à la SFP, suggérait en vain le maire d’arrondissement), alors que ce débat sur les fonctions nouvelles à insuffler au 19e serait d’intérêt public.

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Le paysage du 19e, composite, dispose d’une armature urbaine (grandes avenues, parcs et canaux) qu’un bâti d’une certaine échelle peut rendre lisible (c’est le cas sur les bassins), mais à la condition que la construction dans le tissu urbain soit moins dense.

C’est la faiblesse d’une politique centralisée, axée sur les grandes opérations, mais qui délaisse les enjeux à l’échelle du quartier et laisse le privé y suivre sa propre logique (SFP00.). Visiblement, à Paris, tout cela intéresse de plus en plus les habitants.

Bientôt dans Quartiers Libres une autre facette du même débat : le logement.


Martine LIOTARD



Article mis en ligne en mai 2015.

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