La ville des gens : 9/septembre
Histoire

Le mariage dans le 19ème


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Religieux ou profane, le mariage est une fête ; il s’inscrit dans des rituels auxquels nous nous proposons de consacrer ce dossier. Le premier article s’attachera a recenser un certain nombre de traditions et de pratiques rituelles, caractérisant le mariage à la "française" ; dans le second, nous ferons revivre leur mariage a deux couples de notre quartier, incarnant deux générations différentes. Bien sûr, nous n’avons pas prétention à être exhaustif !

Ce dossier a été écrit à l’aide de : "Amours et Mariages de l’Ancienne France" de Martine Segalen ; et avec le précieux concours de Françoise Morier, Anna Sapolski et Michèle… de la cellule voisinage et de la Maison de la Villette.



Mariage « à la française » :
traditions et pratiques rituelles

Un mariage parmi tant d’autres

Le mariage est un passionnant révélateur de la permanence ou de l’évolution des traditions. Nous avons choisi aujourd’hui de privilégier la pratique la plus ancrée dans notre arrondissement en optant pour le mariage "à la française". Bien entendu, la diversité ethnique de nos quartiers pourrait également donné lieu à des recherches fructueuses : comment se marie-t-on à Paris, dans le 19ème arrondissement quand on est d’origine asiatique, africaine, berbère ?… Comment se réalise le mélange de ces traditions, parfois millénaires et les rites français ? Nous y
reviendrons un jour…


L’amour a parfois un prix

Il est fréquent de trouver la trace de rituel, bien avant la cérémonie. Aussi, les fiancés sont tenus de remplir un certain nombre d’obligations ; l’une d’entre elles consiste, bien évidemment, à acheter les alliances. Aujourd’hui, il est courant que le prétendant se rende seule chez le bijoutier et choisisse (bien sûr !… ) en fonction des prix. Il revient ensuite avec sa fiancé afin qu’elle essaie et voit, parmi les alliances pré-sélectionnées, celle qui lui convient.

La femme devra bien essayer les différents modèles proposés car on rapporte que lorsque l’époux passera l’anneau nuptial au doigt de sa femme, celle-ci sera maîtresse, s’il ne parvient pas à aller au delà de la seconde jointure ; au contraire s’il enfonce l’anneau facilement jusqu’à la base du doigt, il sera maître absolu. Bien sûr, vous conviendrez que la mariée a alors soin de plier son annulaire pour s’opposer à ce l’anneau continue son avance.

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L’habit ne fait plus le moine

Le jour de la cérémonie, le marié troquera son bleu de travail ou son jean pour un costume-cravate, voire une queue de pie. En ce qui concerne la mariée, la robe longue, blanche ou de couleur pastel, continue de s’imposer. En substituant à la couronne et au voile la capeline, les jeunes mariées d’aujourd’hui, accordent inconsciemment symboles et pratiques : couronnes et voiles étaient, en effet, le signe d’une virginité que les jeunes ne revendiquent plus et la capeline est l’affirmation de leur féminité. La tradition veut que le fiancé ne voit pas la robe avant la cérémonie. Sans doute, là encore de curieuses superstitions !


Dites-le avec des fleurs

Il est convenu que c’est au marié d’offrir le bouquet de fleurs. La jeune fille se rend donc chez le fleuriste, avec un morceau de tissu de sa robe. Autrefois, il arrivait que le fleuriste aille chez la mariée, le matin ; dès qu ’elle était habillé, il se mettait au travail, et composait le bouquet devant elle. Vous vous doutez bien que la composition du bouquet était soumise à certaines règles : la fleur d’oranger représentait la chasteté, le lys blanc, la pureté. Dès lors, il était légitime d’interpréter l’absence de fleurs d’oranger par, probable ment, une "bêtise", commise par la mariée. Allez-donc savoir de quelle bêtise, il pouvait s’agir ?

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Publicitaire sans le savoir

Le cortège nuptial à pied a disparu, comme se sont arrêtés les coups de fusil et les cris ; néanmoins, vous admettrez volontiers que le mariage était et demeure une occasion de braver l’ordre public. Aussi, il est évident que le fétichisme contemporain autour de l’automobile s’inscrit parfaitement dans la tradition qui veut que les cortèges
soient parés pour se démarquer du quotidien, et de ceux qui ne sont pas de la noce. La sociologue Martine Ségalen estime que "klaxonnant sans cesse, sans peut-être savoir qu’ils écartent ainsi les dangers latents qui entourent le couple, les conducteurs de ces modernes chars décorés continuent d’assurer la publicité du mariage…"


Le rite de la jarretière

Il prend place à un moment précis de la journée : le repas de noce. La lutte pour l’obtention de cet attribut vestimentaire est toute symbolique. L’épousée s’y attend et lorsque le garçon d’honneur s’approchera, elle saura pousser le cri rituel. La jarretière sera extirpée de dessous la table, mise aux enchères adjugée, et distribuée à tous par petits bouts. Chacun accrochera à sa boutonnière ce morceau de jarretière, comme pour une participation symbolique à la consommation sexuelle de la jeune épousée.


Intimité perturbée

Autre rite important, celui de la rôtie ; il prend place lorsque les époux se retirent le plus secrètement possible afin de gagner la chambre nuptiale celle-ci est souvent connue à l’avance. Le cortège force donc bruyamment l’entrée et apporte un breuvage salé ou sucré, que les époux arrivent consommer de force. Ensuite toute la noce y goûte dans un récipient détourné de ses fonctions premières.

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Plus qu’un simple souvenir

La photographie de noce a connu un succès immédiat, dés la fin du XIXème siècle et son usage s’est répandu depuis M. Ségalen reconnaît qu’elle est devenue " l’accompagnement obligé des rites de passage et en particulier du mariage. S’insérant dans le circuit des dons et des contre-dons, une épreuve du groupe de noce étant donnée à chaque famille qui la conservait parmi ses trésors familiaux… "

Cette technique moderne s’est très vite intégrée dans les pratiques rituelles et même dans les croyances puisqu’un folkloriste a relevé que la jeune fille ne devait pas se faire "tirer son portrait" avec son fiancé sous peine de n’être jamais marié avec lui. C’est l’idée qu’un peu de soi-même part avec la photographie et qu’il ne faut pas brûler les étapes…


La fête est finie

On raconte qu’autrefois on faisait beaucoup plus la fête, lors des mariages. Parfois, aujourd’hui, il y a encore l’accordéoniste et le bal musette à Ménilmontant Belleville mais vous n’ignorez pas que le nombre des célébrations de mariage diminue. Avec elles, se sont les traditions et les rites auxquels nous avons consacré cet article qui disparaissent, entrant par la même, dans le dom aine du folklore.

Dommage…


Philippe Roussel


Nous remercions Monsieur Philippe pour nous avoir autorisé à publier ses photos. (Studio Philippe, 7 rue de Meaux Paris 19ème )


Le mariage : tout ce qu’il faut savoir avant de dire… oui !

Le mariage, moment intense dans la vie d’un couple. voilà ce que je vous propose de découvrir ou de revivre à travers le témoignage de deux couples de générations différentes : Monsieur et Madame Mirand, mariés en 1929 et Monsieur et Madame Mallat, mariés en 1986. Ce qui semble intéressant c’est que malgré les années… écoutons-les plutôt !


La rencontre

Parlons tout d’abord de la rencontre sans laquelle rien n’aurait eu lieu. Premier regard, premier sourire échangés. Attention célibataire votre âme sœur fait peut-être la queue dans la même boulangerie que vous, car pour nos protagonistes le lieu de prédilection s’est avéré être leur propre quartier c’est à dire le vôtre.

« On s’est connus dans le 19ème, chez des amis, avant c’était surtout par le voisinage, par connaissance » nous dit Madame Mirand

Cela est toujours valable comme l’explique Monsieur Mallat :

« On se connaissait depuis longtemps mais on s’était perdu de vue depuis trois ans. On s’est retrouvé à l’occasion du Forum des Aumôneries qui a eu lieu dans le 19ème et on a discuté… ça s’est fait tout simplement. »

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Avec le journal "L’auvergnat de Paris",
on avait une réduction

Ça y est vous êtes décidés, vous allez vous marier. Mais pour se faire il y a tout un protocole a respecter, alors écoutez :

Premièrement il y a l’achat des alliances. Autrefois, c’était chacun pour soi, explique Madame Mirand :

« Je crois que chacun avait acheté la sienne, c’était au "Carillon d’Or" qui existe toujours avenue Secrétan. Les propriétaires étaient auvergnats, comme ma belle-famille, si on arrivait avec le journal "L’Auvergnat de Paris", on avait une réduction. »

Les choses ont légèrement changées. A présent l’alliance, tout comme la bague de fiançailles, est offerte par l’époux, non sans quelques précautions, avouons-le, concernant le prix à ne pas dépasser.

« J’avais été voir un bijoutier, j’avais choisi plusieurs alliances, et puis près ma femme est venue avec moi pour essayer et voir celle qui lui plaisait », raconte Monsieur Mallat.

En deuxième position vient l’achat d’un costume neuf pour l’heureux élu et de la traditionnelle robe de mariée. La symbolique de la robe reste identique même si aujourd’hui avec l’imagination des stylistes, comme le reconnaît Madame Mallat, on a un peu l’impression de se déguiser.

Bien sûr, il ne faut pas oublier l’éternel bouquet. Sa forme et sa composition varient selon l’époque mais il est toujours présent à chaque cérémonie, tel un témoin privilégié de cette journée.



C’était ma belle-mère qui s’en est occupée

« Mon bouquet, se souvient Madame Mallat, était en fleurs naturelles. C’était ma belle-mère qui s’en est occupée. Il y avait un peu de muguet, des roses, des œillets. Je l’ai fait sécher. »
 
« Moi, explique Madame Mirand, j’ai préféré le lancer à une des jeunes filles présentes, pour lui porter bonheur. On dit même que c’est elle qui se mariera la prochaine. »

Après la célébration du mariage, vient un des instants tant attendu des invités, n’est-ce pas, c’est à dire le moment où il faut se rendre à la fête en formant un cortège.

« Une fois sortie de l’église, toutes les voitures ont formé un cortège jusqu’au bois de Boulogne les voitures étaient décorées, on klaxonnait, mon frère et ses amis jouaient de la trompette », raconte Monsieur Mallat.
 
« On a connu les chars à bancs, tirés par des chevaux, explique Monsieur Mirand, mais on avait loué un bus. On avait rendez-vous devant la porte de la mariée. Le bus nous emmenait à la mairie, puis à Nogent pour danser et il nous ramenait. »

Nous avions 2 à 300 invités

Une fois le tour d’honneur terminé arrivent les réjouissances. Pour Monsieur et Madame Mallat, leurs invités ont eu droit à un magnifique buffet suivi de la traditionnelle pièce montée, et du champagne à profusion. Ils n’ont pas lésiné sur le nombre d’invité.

« Nous avions deux à trois cents invités, des amis de notre âge, du quartier, des amis de nos parents. Et puis, il y avait la famille, une partie qui habite le 19ème, d’autres en province », se rappelle Monsieur Mallat.

Le mariage a beaucoup évolué dans ce sens ; c’est à dire qu’il est passé d’une petite fête de famille, où seuls quelques intimes étaient conviés, à une grande occasion qui
permet de réunir le plus de gens possible.

Pour Monsieur et Madame Mirand, le repas de noce s’est déroulé dans un restaurant à l’angle de la rue de Crimée et de la rue Meynadier, qui a disparu depuis.

« L’après-midi, nous disent-ils le car nous emmenait à Nogent pour danser. On mangeait des petits gâteaux, on buvait du mousseux. Il y avait beaucoup de guinguettes, des sociétés de canotage. Le soir on est revenu dîner au restaurant. Il fallait réserver longtemps à l’avance. Il y avait beaucoup de cafés dans le 19ème qui avaient des salles. Ils faisaient le repas de noce, et des consommations tard dans la nuit. »

Rester à table pendant 2
ou 3 heures

Pour avoir de plus amples informations sur ce qui se fait de mieux dans l’art de préparer un festin pour cette cérémonie, je vous conseille de lire ce qui suit.

« Je crois, estime Monsieur Duthill, pâtissier-traiteur, Rue de Meaux, que dans le temps, on faisait beaucoup moins appel à un traiteur pour faire une réception de mariage. Aujourd’hui, surtout à Paris, on va plutôt au restaurant, ou bien on loue une salle. Il y a beaucoup de gens qui font par eux-mêmes, et qui n’ont besoin du pâtissier que pour la pièce montée. Mais il y a une autre intervention qui fait davantage appel au métier de traiteur, c’est la réception complète. D’ailleurs,on fait de moins en moins de repas et de plus en plus de ce que l’on appelle les buffets dînatoires. Les gens aiment cette formule parce qu’on peut se promener sans être tenu de rester à table pendant deux ou trois heures. Il s’agit le plus souvent d’un repas froid avec quelquefois un plat chaud. »

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C’est peut-être moins guindé aujourd’hui

Viennent ensuite les photos de noce.

« L’après- midi, nous confie Monsieur Mirand, après le repas, on a été chez le photographe à Belleville. Il y avait une cour, tout le monde s’installait sur les tréteaux, et il était là, le photographe,avec son appareil à soufflet et sa toile noire. On avait les photos huit à quinze jours après. »

« On a fait des photos au bois de Boulogne, parce que, malheureusement les Buttes-Chaumont n’étaient pas accessibles ce jour-là. C’était des photos "posées" mais le photographe professionnel qui les a prises a aussi suivi la cérémonie civile, la bénédiction, la fête », raconte le couple Mallat.

Il serait là aussi intéressant d’avoir l’avis d’un professionnel. Ce que je m’empresse de vous communiquer. Monsieur Philippe, photographe, officiant Rue de Meaux, nous parle de son métier.

« Sur le plan technique, il y a beaucoup d’évolution mais les poses des mariés, çà n’a pas tellement changé c’est peut-être moins guindé aujourd’hui. Et puis il y a la partie reportage, c’est-à-dire prise sur le vif sans que l’on demande la collaboration des mariés pour la photo. On demande toujours des photos de groupe posées, dans la mesure où les gens ont de la famille, des parents. Cette formule est moins intéressante pour moi, mais c’est une occasion unique pour les gens d’avoir une photo où ils sont tous réunis. »

Enfin, après le mariage et toutes les festivités que cela entraîne, arrive le quotidien et l’irrésistible belle-famille. Ce qui a été le plus difficile pour nos jeunes mariés, c’est de trouver la façon dont il faut appeler ses beaux-parents. Là, toutes les générations se retrouvent devant cet éternel problème.

Monsieur et Madame Mallat s’arrangent pour ne pas les appeler.

« Je ne sais pas comment dire ! », avoue Monsieur Mallat. « Ma belle-mère m’a proposé de l’appeler maman, c’était un peu gênant pour moi, parce que je n’ai qu’une seule mère, quoi… », intervient son épouse.
Quant à Madame Mirand, « c’était dur d’appeler les beaux-parents "papa", "maman", mais on été obligés ; et d’ailleurs on ne les tutoyait pas, ça ne se faisait pas. »

En général, les distances s’estompent dès la naissance du premier enfant qui crée des liens. Les petits enfants rapprochent les familles, le tutoiement est mieux accepté ainsi que les surnoms.

Et c’est ainsi qu’une nouvelle vie commence, mais ça, c’est une autre histoire…


Nathalie. P Journo



Article mis en ligne en septembre 2015.

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