La ville des gens : 13/novembre

Les Guignols des Buttes-Chaumont


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Aux petits et aux grands, voici l’histoire des deux castelets de Guignol des Buttes-Chaumont…

Dans sa forme classique ou selon des adaptations modernisées, le théâtre de Guignol vit tout le long de l’année en deux places au cœur du parc des Buttes-Chaumont. Pour l’art de la marionnette, c’est une richesse unique à Paris. Et ça ne date pas d’aujourd’hui !



Le théâtre de Guignol a, chacun le sait,
des racines lyonnaises

Elles sont liées à un marchand forain, Laurent Mourguet (1769-1844), qui, tout en vendant des articles de ménage, exerçait l’art de l’arrachage de dents et donnait des spectacles de marionnettes. A l’origine, il montrait une variante de Polichinelle. Le premier personnage qu’il inventa ne fut pas Guignol, auquel il donna ses propres traits, mais Gnafron. Le génie de Mourguet a été d’ancrer ses saynètes drolatiques et satiriques dans les évènements de l’actualité.


Ainsi les pièces de son théâtre ambulant jouaient-elles aussi le rôle de gazette. Ce qui explique sans doute le succès que Guignol rencontra assez vite*. Dès les années 1810, Mourguet eut des émules. Sur les Champs-Elysées, à Paris, Pierre Guentleur créa en 1818 un castelet de marionnettes guignolesques. A partir de 1836, Pierre Dumont, lyonnais comme Mourguet, lui fit concurrence en ouvrant un théâtre sur l’autre bord des Champs-Elysées, presque en face. Dans les années 1860, Anatole Cressigny, successeur de Dumont, donna à ce second castelet le titre de Vrai Guignol.



Le Guignol Anatole et le Guignol de Paris

Outre les Champs-Elysées, Guignol (mais aussi d’autres formes de l’art des marionnettes) investit plusieurs sites de Paris au cours du19e siècle, notamment les jardins publics. En 1892, un éminent montreur à la lyonnaise, M. Gauthard, fit bâtir deux castelets dans le parc des Buttes-Chaumont, l’un au Sud, près de l’entrée faisant face à la Mairie du 19e arrondissement, l’autre au Nord, au bord de l’allée parallèle à la rue Botzaris, à 100 mètres de l’entrée sur l’avenue Simon-Bolivar.


Pour celui du Nord, il reçut bientôt l’assistance d’un jeune et brillant confrère, Emile Labelle (né en 1859). Ce dernier marionnettiste s’occupait parallèlement de deux Guignol des Champs-Elysées, le Patagonia et, depuis 1903, le Vrai Guignol, qui, à la mort de Cressigny – sans doute au cœur des années 1890 –, était resté quelque temps inactif.


En hommage à Cressigny, Labelle rebaptisa ce castelet Théâtre Guignol Anatole. Vers 1910, il le ferma et transféra ses activités ainsi que son titre au castelet du Nord des Buttes-Chaumont. A cette date, il en avait certainement acheté la propriété à Gauthard. Ce dernier, dès 1897 délégua la direction du castelet du Sud à son ami le prestidigitateur René Legris, qui travaillait avec Georges Méliès au théâtre Robert-Houdin (musée Grévin). Il baptisa le castelet Grand Guignol.


Depuis longtemps, il y alternait des représentations de Guignol avec des séances de prestidigitation auxquelles concourait parfois Georges Méliès qui se fit un nom encore plus glorieux comme pionnier du cinématographe. En 1912, Gauthard se retira et la propriété du théâtre de marionnettes passa à l’un de ses collaborateurs, Alexandre Cony, connu dans le métier sous le nom anagrammatique de Yonc. Il donna à son castelet le titre de Grand Guignol de Paris.



Ces deux théâtres sont encore en activité de nos jours

Emile Labelle anima le Guignol Anatole pratiquement jusqu’à sa mort, en 1943. En 1947, sa veuve vendait en viager le castelet à Emile Debru, qui se faisait appeler Embreudile. Roland Wagner prit son relais dans les années 1970. A 66 ans, ce dernier eut à subir la terrible épreuve de la tempête de décembre 1999, un arbre, abattu par le vent, venant détruire le toit du castelet Anatole (et forcer à l’arrêt des représentations).


Le coup faillit être fatal mais Wagner, résigné à prendre sa retraite, eut le bonheur de transmettre, en 2003, le feu sacré à une nouvelle équipe, Les Petits Bouffons de Paris (liée au Théâtre de Guignol des Chanteraines, de Villeneuve-la Garenne), que dirigent Pascal Pruvost et Bernard Willeme. Elle est parvenue à restaurer le castelet et à renouer le fil cassé de sa carrière.


Quant au Guignol de Paris, il n’a pas quitté les mains de la famille Cony tout au long du 20e siècle. En 1928, Gaston Cony (1891-1983) succéda à son père, Alexandre, et, lorsqu’il décéda à son tour, très âgé, c’est son propre fils Gérard (né en 1922) qui saisit les rênes. Il avait eu le temps de se former puisque, dès l’âge de sept ans, il participa aux représentations et partagea à compter de 1945 les responsabilités de la marche du castelet. Gérard eut à son tour une longévité exceptionnelle puis qu’il n’a pris sa retraite qu’en 2008, donc tout récemment. On peut dire que, la marionnette, ça conserve ! Lui aussi, comme son confrère Roland Wagner du Guignol Anatole, il est parti avec la chance de remettre la clé de son théâtre à un digne successeur, Baptiste Rank.


Celui-ci a également été plongé dans le bain des marionnettes dans la petite enfance sous la coupe de son père, Michel-Henri, animateur du théâtre de Guignol du parc Montsouris depuis 1982. Les Marguet, les Cony, les Rank…, décidément, Guignol, c’est une histoire de familles.


Maxime Braquet
Article mis en ligne en juillet 2009


* Laurent Mourguet fonda en 1808 le Théâtre de Guignol dont on a célébré en 2008 le bicentenaire avec solennité à Lyon.



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