La ville des gens : 26/mars

Sortir : quelle bouffée d’air !


Photo Agnès Fama.

"Certains jours, il faut (savoir) sortir de son intérieur" pense-t-elle…

Ainsi ce jour, elle tourne en rond tant par l’esprit que par le corps, dans son petit studio, et puis, elle souffre de claustrophobie dans cette ville étouffante. Heureusement, elle a trouvé un point d’horizon à deux pas de chez elle : le point culminant de la capitale, paraît-il. Les montmartrois n’ont qu’à bien se tenir !

Elle emprunte les escaliers de la rue Levert puis la rue des Envierges aux multiples cafés - bistrots. Enfin, juste au-dessus de la Maison de l’Air, elle respire à nouveau. Son tripalium quotidien n’aura pas sa peau !

Elle reste là à contempler l’infini et l’absolu… Elle s’amuse avec les nuages… Son ami horticulteur, par passion et par misanthropie, lui apprend que le parc de Belleville est souvent premier au concours interfloral des jardins de Paris. Elle quitte alors le ciel pour la terre et admire aujourd’hui un parterre pastel de fleurs champêtres. Les chemins, les plantations, les haies de lauriers-tins dessinent des courbes.

Un crissement de pneus mais pas de choc. Une voiture immatriculée à Milan s’arrête devant la terrasse de "Rital - Courts Métrages". Trois adolescents sortent et retrouvent leurs congénères immuablement implantés à l’entrée de la villa Faucheur. Sur une porte de garage, le bonhomme blanc de Mesnager joue au basket avec un panneau signalétique. Ces silhouettes que l’on rencontre dans le quartier et jusqu’à Barcelone.

JPEG - 77 koElle amorce une douce descente à travers cette nature apprivoisée. "Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics, bancs publics… ". Selon les régions du parc, les bancs sont différemment habités : lecteur solitaire, observateur sociologique, photographe Doisneauiste, congrégation féminine. Six femmes, six visages, un panel d’âge partagent une même assise. Qui dit mieux ? Elle sort par la rue des Couronnes direction le boulevard de Belleville. Trois" cafés - salons de thé turcs" se suivent. La vitrine de l’un d’eux est décorée par un jeu de vagues : une mer de légumes colorés : maïs, pois-chiches, grains de café, lentilles, oranges… Discrètement à travers les vitres, elle aperçoit des hommes, et uniquement des hommes, fumant le narguilé assis sur de petits tabourets ou de grandes banquettes."Peut-être les compagnons des congrégations féminines entrevues au parc ?". Sur le boulevard de Ménilmontant, les terrasses des cafés sont prises d’assaut par des parisiens en quête de soleil. Difficile même d’y retrouver un ami s’il ne fait pas de grands signes ! Elle délaisse le bruit et la foule pour la terrasse plus retirée et légèrement plus intimiste du Lou Pascalou, rue des Panoyaux. Elle remonte la rue où se côtoient immeubles murés (destruction ou réhabilitation ?), squatt coloré et immeubles récents dont elle ne saluerait pas l’architecte. Juste en face d’un bloc d’habitations bien grillagées se tient un bâtiment aux allures de construction stalinienne agrémenté d’une grande double porte métallique digne d’un centre de recherche "high tech" . En fait c’est un collège, le collège Robert Doisneau. Outre cette plaque dénominative et une photographie d’enfants (encore) souriants, rien ne laisse penser que c’est un lieu éducatif. La bâtisse est mastoc ; un bloc posé auquel on aurait rajouté quelques petites fenêtres. "Alors que la vue du ciel est si nécessaire à l’étude". La nuit, le sentiment d’oppression est encore plus sensible. Elle contourne le bâtiment par la rue des Amandiers, traverse la fosse aux lions mécaniques de la rue de Ménilmontant et se retrouve dans le havre de paix de la rue de la Mare. Un joli pont enjambe les rails de l’ancienne petite ceinture. Sur ces voies désaffectées deux hommes marchent en direction d’un tunnel. Ils disparaissent et la pluie commence à tomber. Elle suit la pente de la rue. Certains volets en bois verni sont éternellement fermés. Au terme de sa montée vers la rue des Pyrénées, un vieil hôtel semble échappé d’une bande-dessinée de Loustal. Juste à coté, sur des fenêtres parpinées, Mesnager a emprunté quelques animaux à Noé. "C’est ça… Mon quartier, c’est l’Arche de Noé ! ! ".

Elle rentre les vêtements légèrement humides, les poumons un peu plus encrassés mais l’esprit aéré. Elle s’assoit à son bureau et joue avec les nuages…

Agnès Fama
Photos (1,2,3) © Agnès Fama
Photo (4) © Laure Pouget.


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Photo © Agnès Fama.


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Photo © Agnès Fama.


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Photo © Laure Pouget.


Article mis en ligne en 2010 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en janvier 2014.

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