La ville des gens : 26/mars
Roman de Marc Tardieu

Belleville-Apache


Publié par le Sémaphore en 1998, ce roman peut intéresser, bien sûr, les lecteurs du journal de Belleville et du 19e. Comme le titre l’indique aussi, l’histoire se déroule au début du siècle, exactement en 1906 et 1907, à l’époque où les truands nommés apaches par le journaliste Arthur Dupin dans le Matin, pour la première fois peut-être en 1902 [1], sévissaient là et ailleurs dans Paris, quand Manda, le nouvel amoureux de Casque d’Or (Simone Signoret dans le film de ]acques Becker de 1952) tua l’ancien amant de la belle pierreuse. [2]

" … bancal devant la vie, un petit brin d’herbe pour amuser le vent" (p.67) … ainsi pourrait on qualifier chaque personnage, aussi bien Bassot que son frère Polyte, ]ulot l’asperge ou la Bougnate, Margot, et même Léo l’avocat, fils d’éditeur. La rude équipe d’écumeurs de portefeuilles et de manieurs de surins pressent dès le début que La Grande Veuve ou Cayenne mettront un terme à leurs aventures de plus en plus violentes.

JPEG - 99.7 koDe la mort de mam à la mort de leur âme, les deux frères et leur bande n’ont que quelques pas à faire, de chez le père Louis - cordonnier puisque l’usine ne lui a pas permis de rester artisan-bottier - à la Vielleuse, du concert Vermer à la rue Henri Chevreau où les anarchistes rêvent encore de la Commune.

"Belleville, ça se raconte pas, ça se respire."" Car on peut suivre rues après rues les pérégrinations de ces jeunots de moins de vingt ans qui gagnent et perdent leurs vies sans états d’âme, avec parfois une cruauté difficile à supporter et assez peu vraisemblable.

Vocabulaire argotique intéressant qui a retenu l’attention d’Alphonse Boudard, style riche en trouvailles diverses, mais psychologie sommaire, documentation très sérieuse certainement qui crée une vie de quartier pittoresque, construction rigoureuse, tels sont les qualités et les défauts de ce livre qui se lit avec plaisir, surtout une deuxième fois.


Jacqueline Herfray



Entretien avec : Marc Tardieu, un jeune romancier
entre tendresse, douleur et colère.

Q.L. : Vous faites balader le lecteur dans tous les recoins de Belleville. Y avez-vous vécu ?

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Photo Laure Pouget.

MT : ]e suis du Bas-Belleville. Je vivais chez mes grand-parents bougnats, rue Bisson. J’y ai passé ma petite enfance puis j’étais à Saint-Fargeau de vingt à trente ans. Et même si je n’y vis plus, une grande partie de moi y est restée.

Q.L. : Qu’est-ce que cet attachement ?

MT : C’est un lien de proximité entre les habitants qui dépasse le lien des races entre elles. Il y a à Belleville un climat chaleureux qui n’existe nulle part ailleurs dans Paris.
Là, pas besoin de police ! Et c’est un quartier sûr et paisible qui est constamment protégé par les gens qui y vivent. Vous pouvez être certain que derrière chaque volet, il y a des yeux pour en assurer la paix.

Q.L. : Mais alors, pourquoi cette violence dans votre livre ?

MT : J’ai beaucoup lu sur cette époque du début du siècle et c’était réellement beaucoup plus dur que maintenant. Les gosses avaient vraiment du mal à se nourrir. Mes inspirateurs ont été Jean Richepin avec ses Nouvelles de la fin du siècle dernier, Stanley Kubrick avec son film Orange Mecanique, Camus et l’Etranger ou Céline.

Mais je me suis aussi souvenu de mon adolescence en banlieue nord où je fréquentais la jeunesse ouvrière délinquante (entre guillemets). Ce sont aussi mes racines. J’ai eu très mal de voir mes copains de classe primaire, des
gamins avec de grandes qualités morales, se retrouver en taule à dix huit ans. Alors j’ai voulu montrer et écrire l’humanité de tels petits criminels. Ça, c’est une chose. L’autre, c’est que je regorgeais de révolte envers le milieu de l’édition très fermé et bourgeois.

J’avais fait une biographie de Péguy et l’éditeur m’avait pressé comme du
bétail puis relégué aux oubliettes. Il fallait que j’expulse tous ces sentiments.

Q.L. : Avez-vous des projets ?

MT : Je prépare actuellement un livre sur les bougnats et je m’occupe de ma propre maison d’édition Mille et un jours.


Recueilli par Laure Pouget


Article mis en ligne en 2010 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens. Actualisé en janvier 2014.

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