La ville des gens : 27/novembre
Sur le Tour, la vie est belle

Les Compagnons Charpentiers des Devoirs du Tour de France


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Tour de France ? Il ne s’agit nullement ici de vélo, mais d’une tradition qui remonte à loin ; depuis le Moyen-Age pour le moins. Les Compagnons se chargent d’enseigner aux jeunes qui le souhaitent un travail dans toute sa beauté à travers l’apprentissage par le voyage, la multiplicité de l’expérience et un esprit de famille.


JPEG - 114.7 koAvenue Jean Jaurès on s’assied à la terrasse d’un restaurant, et on peut remarquer les symboles de la façade : l’équerre et le compas. Ce n’est pas seulement un restaurant, mais aussi la salle à manger des jeunes apprentis et itinérants des Compagnons Charpentiers des devoirs du Tour de France à Paris. [1]

Tout un chacun y est invité, entrée libre ! Le lapin aux champignons de Paris et petits lardons et autres plats bien français sont à l’affiche.

Ces jeunes hommes qui dînent à vos côtés sont les héritiers de savoirs très anciens qui se transmettent à travers un voyage qui peut durer des années, en général une à deux villes par an (été/hiver)… « Il n’y a nul besoin de se presser pour être admis au port du ruban bleu d’aspirant, car comme le répète Yann Josse, Compagnon reçu : sur le Tour, la vie est belle. ».



Faire des hommes intègres

En général, les jeunes commencent leur apprentissage vers 16 ans, pour passer le CAP/BEP. Puis, ils se mettent à suivre des cours du soir en plus de leur travail et commencent leur périple à travers la France. Bien sûr de nos jours ils partent en train ou en voiture, il ne s’agit plus de marcher à travers tout le pays (même si souvent une étape est encore faite à pied).

Ils sont soutenus au cours de leurs aventures et dans la ville d’accueil par la famille des Compagnons, et même une « mère », femme de Compagnon elle-même qui veille sur eux. A Paris, Madame Granet a longtemps occupé ce rôle et a vu défiler plusieurs générations de jeunes, avant que Madame Daniel prenne la relève. Ils ont même un saint patron, Saint-Joseph pour les charpentiers.


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Ici donc, ils ont non seulement le couvert, mais leurs ateliers de travail, dans la cour derrière le restaurant. Au-dessus se trouvent les dortoirs, des chambrées simples mais avenantes. C’est qu’ils ont de longues journées, et font un travail physique qui demande non seulement effort, mais concentration et application.

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Quelques épures dispersées sur les bureaux nous montrent bien le goût du travail soigné ; et les équerres, règles, compas, plus que des symboles, sont leurs vrais outils de travail. Dans ces ateliers il y a des maquettes à divers stades de finition : travail méticuleux, amoureux, du bois, du détail : maintes et maintes charpentes et autres travaux sont exposés en vitrine. Car on mise à créer son chef-d’œuvre et un jour devenir Compagnon Reçu.


JPEG - 91.7 koEn introduction, Yann montre l’outil particulier et emblématique du Charpentier : la bisaiguë. Cet outil a deux fonctions : une extrémité sert à creuser le bois ; l’autre (la bédane, une sorte de ciseau à bois) à racler et tailler les assemblages. De la bisaiguë sont nés d’autres outils, et avec eux des œuvres singulières.


Derrière le restaurant, il y a le petit musée des chefs d’œuvre. Petit ne veut pas dire négligeable. Car les créations que l’on voit ici font tourner la tête : des centaines d’heures de travail pour la moindre pièce.

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JPEG - 96 koL’une en particulier accroche le regard. Nommée d’après son créateur, gracieuse, mystérieuse, haute de plus de 4 mètres se dresse le « Mazerolles » : 10 années de travail, un temple avec mille détails, pas deux pièces identiques, chacune unique. Des spirales virevoltent vers le haut du temple, de l’intérieur, envolées d’escaliers ludiques… on se demande comment une telle technique est possible, et l’a été depuis des siècles.


JPEG - 118 koPuis, d’autres pièces encore, consacrées à leur thème favori, le Temple de Salomon. Autant de défis aux lois physiques, de géométries qui relèvent de l’art. Ces secrets sont transmis aux Compagnons au long de toute une vie consacrée au travail au-delà du concevable. Avec rigueur, amour, savoir-faire. Certains Compagnons, même, refusent qu’on les regarde travailler ; non pas tant pour protéger ces secrets, mais par modestie, discrétion et fierté mêlées.

Secrets, rites, symboles… on a parfois rapproché les Compagnons des Francs-Maçons. Similitudes dans l’emploi du symbolique : l’équerre, les outils, les devises secrètes et initiations, la transmission sacrée de la connaissance. Mais Yann est clair : « La maçonnerie est plus ésotérique, spéculative. Nous on est surtout là pour épauler et transmettre le savoir-faire et l’aide : recevoir, puis transmettre. »



A présent le restaurant s’est rempli de jeunes revenus du travail et prêts à dîner avant encore quelques heures d’étude dans leurs ateliers. Le passé et le présent se rejoignent en harmonie, la tradition continue dans cette salle à manger, sous le regard des trois fondateurs légendaires et de certains Compagnons illustres.

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Dehors, en partant, sur le mur, une devise, pas secrète celle-là :

Ne pas se servir, ne pas asservir, mais servir.

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SGD

Cet article est une interview réalisée par "La Ville des Gens" en 2006 ; les compagnons qui tiennent le restaurant changent régulièrement. Article actualisé en 2014.

Contacts : Aux Arts Et Sciences Réunis - 161, avenue Jean Jaurès - 75019 Paris - Téléphone : 01 42 40 53 18