La ville des gens : 4/septembre
De l’entrepôt aux lofts,

Le garde-meuble ODOUL change de peau


La famille Odoul s’installe à Belleville dès 1875, rue Bichat. L’activité du garde-meuble et du déménagement est alors en pleine expansion, et très vite, l’entreprise éprouve le besoin de s’agrandir. Une parcelle est achetée rue de l’Atlas, elles Odoul font appel aux architectes modernes Beaudouin et Lods, qui conçoivent un bâtiment parfaitement fonctionnaliste.

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Le garde-meuble en 1933.

Ainsi, en 1933, la silhouette massive du garde-meuble Odoul émerge et surplombe un quartier d’artisanat et de petites industries. Le bâtiment, visible de loin, fait la publicité de l’entreprise Odoul, avec son enseigne monumentale, et affiche sa modernité.

Le garde-meuble est vite considéré comme emblématique des théories fonctionnalistes portées par les architectes du mouvement moderne, Le Corbusier en tête. En effet, Beaudouin et Lods ont cherché à adapter au mieux le bâtiment à sa fonction de garde-meuble. La structure en béton armé a permis de libérer l’espace au rez-de-chaussée, destiné à servir de garage pour les camions de déménagement, et de le cloisonner dans les étages, de manière à construire un maximum de « cases », les pièces à l’intérieur desquelles sont conservés les meubles. Dans ce même souci fonctionnaliste, les architectes ont fait appel à la société Jaspar pour créer un monte-charge hors du commun. Supportant une charge de huit tonnes, il permettait de monter les camions pleins dans les étages, ce qui réduisait les manutentions de moitié. La qualité des espaces imaginés par Beaudouin et Lods a permis à l’entreprise Odoul d’utiliser ces locaux pendant plus de 70 ans sans y effectuer de modifications.

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Vue du quartier en 1933.

L’esthétique de ce bâtiment en briques a contribué à donner une image moderne à la société Odoul. Ses lignes dépouillées et sa façade à gradins ajoutent à la fonctionnalité de l’édifice des qualités plastiques indiscutables. Aussi, il est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 2003, quand la famille Odoul décide de se séparer de son garde-meuble suite à une cessation d’activité.

Les projets de réhabilitation doivent donc tenir compte de la protection des façades et de la toiture. Rapidement s’impose la solution la plus rentable : transformer ce local industriel en lofts. Cette nouvelle fonction implique des modifications majeures du bâtiment. Les baies en bandeau au Sud et au Nord sont élargies de manière importante de façon à éclairer les logements, bouleversant le rythme des façades. Les acquéreurs des lofts, livrés brut de gros œuvre, profiteront des vastes espaces lumineux du bâtiment, et d’une vue sur tout Paris de leurs terrasses orientées plein Sud.

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Mais, pour les habitants du quartier, le garde-meuble Odoul constituait un témoignage du passé industriel de Belleville. Nombreux sont ceux qui font part de leur émotion à le voir ainsi éventré, passage inévitable avant que le bâtiment trouve une nouvelle vie. Ce sont d’ailleurs les habitants du quartier qui avaient alerté la mairie des risques que courrait le bâtiment avant que des mesures de protection soient prises.

Peut-être aurait-il été souhaitable que cet édifice remarquable prenne une fonction collective (musée, lieux de vie…) dans un quartier qui manque d’équipements. Au lieu de cela, ils assistent à la naissance d’un nouvel îlot fermé dont ils seront exclus. Cependant, la mairie du 19e arrondissement a réservé 385 m2 jusqu’à la fin de la mandature actuelle, et l’on peut espérer qu’elle les utilise au mieux par la suite.


Édith LAUTON
Texte et photos


Article mis en ligne en septembre 2014.

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