La ville des gens : 4/novembre

Belleville fermera-t-il boutiques ?


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© Conseil de quartier B. Belleville.


Qui arpente la rue de Belleville en la remontant est frappé par la différence architecturale entre le côté gauche : 19e arrondissement et le côté droit 20e arrondissement. Dans les années 1970, le côté gauche a été détruit au profit d’un immobilier "discutable". Cet article écrit par l’association "La Bellevilleuse" pour le journal du Conseil de Quartiers Bas-Belleville 20e ne concerne que ce secteur de Belleville. Côté 19e pratiquement plus de commerces, hormis quelques restaurants et les rues alentour ont perdu artisans et commerces.

Boutiques fermées ou transformées en logements, le phénomène s’accélère. Or la présence de commerces et d’autres activités au rez-de-chaussée des rues est essentielle pour la vie économique et sociale des quartiers.


Depuis peu, la Ville de Paris a mis en œuvre deux outils pour lutter contre ce phénomène, notamment pour prévenir la transformation de locaux en logements. L’un, le Plan Local d’Urbanisme (PLU), passe par la réglementation, alors que la mission confiée à la Société d’Économie Mixte d’Aménagement de l’Est parisien (Semaest) propose une intervention directe. Ces outils seront-ils suffisants pour maintenir et développer la vie dans nos rues ?


Le Plan Local d’Urbanisme (PLU)

Principal dispositif du PLU en ce domaine, l’interdiction de transformer en logements, de manière absolue dans certaines rues, et sous certaines conditions ailleurs, les locaux commerciaux en rez-de-chaussée sur rue. Un outil efficace en soi, mais qui ne servira guère en fait. La Ville, défendant la liberté des propriétaires de ces locaux, a en effet limité l’usage de ce dispositif au minimum : dans un premier temps, 15 % des rues parisiennes, pour la plupart, non concernées par ce processus étaient visées ; les Champs-Élysées ou la rue de Rivoli seraient-ils menacés ?

Plus près de nous, seules les quatre voies commerçantes dynamiques qui délimitent le quartier de Belleville (rue des Pyrénées et de Ménilmontant, rue et boulevard de Belleville), auraient été protégées. Les plus petites rues du quartier semblaient abandonnées à leur sort, alors que c’est là que l’activité décline chaque jour, et que la transformation progressive des locaux d’activité en logements est constatée. Depuis lors, notre insistance a fini par payer, puisque certaines parties de voies ont été rajoutées au PLU ; mais, de nombreuses rues pourtant très fragiles du point de vue économique sont encore laissées à l’écart : haut de la rue de la Mare et abords du carrefour Cascades-Envierges, place Maurice Chevalier et rue Étienne Dolet, bas de la rue des Couronnes, etc…

Effets direct sur l’économie de ces transformations, et indirect pour les commerces restants - chaque commerce qui disparaît diminuant d’autant le passage de clients - mais aussi accélération du délitement de la vie sociale du quartier. Cette liberté laissée au marché immobilier ne peut qu’entraîner une importante inflation du prix de ces locaux, mettant en péril la viabilité des activités existantes ou potentielles : le prix du mètre carré d’un logement dépasse traditionnellement celui d’un commerce au rez-de-chaussée, et tout propriétaire avisé misera sur cet écart pour en tirer le plus grand profit à la première occasion.

Baisse de la clientèle locale associée à une forte pression foncière : les commerçants ainsi pris en tenaille ne pourront plus à terme que tirer le rideau.


Le mission Semaest

Aux grands maux, les grands remèdes, et l’on peut féliciter la Ville d’avoir donné en 2004 à la Semaest la mission d’agir pour le maintien et l’accueil de nouvelles activités économiques dans six secteurs de la capitale, dont Belleville-Amandiers et La Fontaineau-Roi. La Semaest a associé à ses travaux, élus, techniciens, bailleurs sociaux, associations, commerçants, ainsi que les Conseils de quartiers concernés. Elle tente de retrouver, pour des locaux disponibles, des entrepreneurs aptes à apporter une plus-value au quartier ; mais l’action de cette mission porte surtout sur l’acquisition et la rénovation de locaux. Affecté de manière à préserver la quantité et la diversité de l’activité économique dans notre quartier, ceux-ci sont destinés à retrouver à terme le marché. Ce processus doit s’autofinancer, et la Semaest retrouver à la fin de la convention les sommes investies.

S’affrontent alors des logiques contradictoires, notamment celle d’une rentabilité financière rapide qui s’oppose parfois à un investissement à long terme dans le tissu social du quartier. De même, certains voient la mission Semaest comme étant réservée aux seuls commerces. D’autres, dont la Bellevilleuse, voient plus large : des commerces, oui, mais lesquels, et pas exclusivement. Toutes les activités sont concernées : professionnels indépendants ou entreprises, artisans, artistes, associations.

Il s’agit donc de décisions politiques, et on doit déplorer que la Semaest et la Ville de Paris n’aient pas encore créé des outils permettant d’évaluer les opérations pour mieux investir dans un projet de quartier qui réponde aux besoins des habitants, en préservant la diversité économique, et en pérennisant les activités créées ou maintenues. On peut regretter le manque de vision d’ensemble des interventions possibles sur Belleville-Amandiers et il faut dénoncer le refus systématique des représentants de la Mairie de Paris de voir le lien évident entre PLU et mission Semaest. Si les dispositions du PLU ne protègent pas plus largement les locaux de rez-de-chaussée de la spéculation immobilière, la mission de la Semaest est vouée à l’échec : dotée d’un budget limité, cette mission devra intervenir sur un marché foncier artificiellement dopé, réduisant d’autant son champ d’action.

Il n’est jamais trop tard pour intervenir, comme le démontrent les avancées récemment obtenues de la Ville de Paris sur les rues qui bénéficieront de protections favorisant l’exercice d’activités économiques. A défaut d’une protection générale - pourtant souhaitable, mais dont la Ville ne veut pas entendre parler - il faut au moins élargir encore le champ du dispositif et le redéployer là où il sera vraiment utile en matière de développement économique, d’animation urbaine et sociale dans le quartier de Belleville et ailleurs.

Que les Champs-Elysées soient protégés, soit ; à condition que ce ne soit pas au détriment des rues de Tourtille, de la Mare ou des Envierges, là où les Bellevillois réclament leur droit à une véritable vie de quartier.


Association LA BELLEVILLEUSE



Article mis en ligne en novembre 2014.

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