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Bons goûts…

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Autour du thé à la menthe


Il est des parfums qui vous ont naturellement un petit air de fête. Il est des lieux qui respirent la vie. Je veux dire ici les marchés de nos quartiers et les mille et une odeurs d’épices, herbes et aromates qui s’y attachent. Du marché de Belleville à celui de Joinville fleurent bon cumin et karvi, raz el hanout et romarin, safran, coriandre et basilic, comme autant d’invites au voyage…

Le profane ne s’y retrouve pas toujours facilement, mais il est à coup sûr une odeur qu’il sait entre toutes nommer : celle de la menthe, odeur simple et forte, odeur sucrée, odeur dominante de la menthe fraîche. Composante indispensable des foyers africains - et principalement maghrébins- de nos quartiers, la menthe sert essentiellement à composer la boisson -mais, on le verra, c’est bien plus qu’une boisson : le thé à la menthe.

Nous avons demandé à Mariem, Mauritanienne de naissance et de culture, Bellevilloise d’adoption, de nous parler du thé à la menthe tel qu’en sa terre on l’honore…

« La cérémonie pour le thé à la menthe - en fait ça n’est pas vraiment une cérémonie - correspond un peu à l’apéritif en Europe, Les gens ne buvant pas d’alcool, chaque fois que quelqu’un arrive, on lui fait le thé à la menthe. C’est très important sur le plan de l’ hospitalité. Et cela aussi bien dans le désert que dans les villes. Quand un nomade qui a gardé toute la journée son troupeau de chamelles et de chameaux rentre fatigué le soir ou quand un autre revient après trois ou quatre jours de recherche de sa bête perdue, épuisé de fatigue, de faim et de soif, la première chose qu’il demande et qu’il prend, même avant l’eau bien souvent, c ’est le thé.

C’est nécessaire d’abord parce que le thé à la menthe est un stimulant mais de plus parce qu’il coupe la soif. Cela paraît absurde est pourtant le thé à la menthe très chaud dans les pays très chauds, coupe la soif.

On ne peut pas prévoir une discussion, une réunion, un mariage sans thé à la menthe, ou même sans menthe parce que dans le désert on n’a pas toujours la menthe. Parfois même il arrive qu’on manque d’eau. Alors on fait le thé avec du lait de chamelle ou du lait de chèvre et du sucre, mais pas de menthe alors.

On sert traditionnellement trois verres de thé en Mauritanie. Trois thés pourrait-on dire car le premier est assez fort et plutôt amer, le second moyennement et le troisième plus sucré. Chez les nomades on remplissait complètement le verre parce qu’on ne le buvait qu’une ou deux fois par jour, on avait peu de thé, il fallait donc l’économiser. Aujourd’hui tout le monde ou presque est sédentarisé et dans les villes où on boit le thé 20 fois dans la journée, on sert le quart d’un petit verre.

J’ai appris à faire le thé à 12 ans. D’abord pour ma mère qui a mal à la tête quand elle ne le boit pas à l’ heure. Puis pour les amis. C’est très important pour une jeune fille mauritanienne de savoir faire le thé. Dans certaines régions du nord et du centre du pays, les hommes aiment bien le thé fait par les femmes. Donc les femmes ont intérêt à bien savoir faire le thé et bien savoir parler en plus (Mariem rit.. ). Aujourd’hui j’ ai tellement l’ habitude, je le fais au pif.

Il faut que la théière et les verres soient bien propres - des petits verres à thé que je dispose sur le plateau. Je mesure le thé selon le nombre de personnes : on compte un demi verre pour six personnes. Je fais bouillir l’eau dans une bouilloire spéciale. Je mets le thé dans la théière, je le rince avec de l’eau bouillante deux fois et je jette ces deux eaux, ceci pour laver le thé, limiter son goût amer et le faire gonfler.

Puis je remplis la théière en fonction du nombre de personnes. Je la mets sur le feu pour le premier thé mais je ne le laisse pas bouillir. J’ajoute la menthe et le sucre, je laisse reposer. Quand le sucre est fondu je verse le mélange dans tous les verres de façon à ce qu’ ils soient tous chauds et moussants. Il faut qu’un petit collier de mousse demeure au fond des verres quand je reverse leur contenu dans la théière pour le réchauffer et l’infuser davantage.
Il faut verser le thé de haut afin qu’il mousse.

Pour le deuxième thé je reverse de l’eau et cette fois je le fais bouillir. Je rajoute de la menthe et du sucre, au besoin quelques feuilles de thé si l’ensemble me parait trop clair. C’est un peu comme la cuisine il faut une certaine habitude.

Le moment du thé doit durer le plus longtemps possible. Enfin à Paris c’ est assez difficile où nous sommes toujours pressés mais pour prolonger le plaisir d’être réunis avec des amis il faut faire durer la préparation et le partage du thé Si tu le fais trop vite en cinq minutes c’ est pour dire à ton hôte de partir…

On offre toujours quelque chose à manger avant le thé, ce qu’on appelle le " tajine" - qui n’est pas ce qu’ on nomme "tajine" au Maroc. Nous en Mauritanie, c’est de la viande sèche ou grillée ou des cacahuètes ou du pain et des amandes. Même si dans le désert on ne le faisait pas toujours, il est plus indiqué de prendre le thé après des repas, surtout de la viande : le thé aide à la digérer. Quand il y a pénurie de thé en Mauritanie c’est une catastrophe !

C’est très important pour moi, le thé à la menthe. Je le fais toujours sur le "kanoun" (petit brasero en terre cuite) au charbon de bois, je ne l’aime que comme ça. Tu me dis que c’est difficile pour ceux qui n’ont pas été "initiés", eh bien, ceux-là, qu’ils viennent me voir ! »


Quartiers Libres



Article mis en ligne en avril 2012 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en septembre 2013.

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