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Histoire de « La Vielleuse »

Par Denis Goguet


Mise en ligne : 25 février 2022. Ce texte, rédigé en 2018, a fait l’objet d’une première publication sur le site Web Paris Est Villages, rubrique « Histoires du père Denis », la même année. Comme il a été évacué entre-temps, nous le reprenons ici en ligne tel quel avec l’accord de son auteur.



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PREMIÈRE PARTIE

Le mercredi 10 août 1774 [1] comparaissait, à l’hôtel de la prévôté de Belleville, Jean Oursel dit Martin, vacher âgé de 48 ans ou environ, demeurant au bas de la butte Chaumont, près la Chopinette. Il dépose que, la nuit de samedi à dimanche dernier, vers les une heure du matin ou une heure et demie, il était couché dans sa chambre, qui est au premier étage de la maison qu’il tient à loyer de la dame Renard. Il a vu alors passer une flamme au-devant de la croisée de sa chambre, ce qui l’a beaucoup effrayé. Aussitôt, il est descendu de son lit et est allé à la fenêtre qu’il avait laissée ouverte pour voir ce qui se passait. Au même instant, il s’est fait entendre un bruit comme un coup de canon, qui partait du bas de la maison, dont il a vu la lueur, à la faveur de laquelle il a aperçu trois particuliers qui ont à l’instant pris la fuite, un desquels lui a paru beaucoup plus grand que les autres, sans qu’il n’ait pu distinguer ses vêtements, et un autre qu’il a reconnu pour être le nommé Betesta, lequel avait un tablier devant lui, lui paraissant vêtu d’une veste de peau, qu’il a crié après lui mais qu’il n’a fait aucune réponse. Que ce qui lui a persuadé que c’était le dit Betesta, c’est qu’à différentes occasions, ce dernier lui a fait des menaces, ainsi qu’à sa fille, sur le motif du refus de la lui donner en mariage.


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Descendu par la suite dans la salle où dorment sa fille et sa domestique, il voit beaucoup de fumée, quelques flammes, et remarque qu’un battant du châssis de la croisée, ainsi que le volet du dedans sont brisés. Une partie du volet a atterri sur le lit de sa fille enflammant habits et linge. Une grande terrine est cassée et le lait qu’elle contenait est renversé sur le sol. Il ramasse, pour le montrer au greffe de la prévôté, les morceaux de carton du pétard déchiqueté. Sa fille Marguerite, âgée environ de 19 ans, ainsi que la domestique Marie, font une déclaration similaire, indiquant avoir été horriblement effrayées par l’explosion du pétard.
Jean Noël, âgé de 27 ans, compagnon maçon qui, s’étant attardé à son ouvrage samedi soir, n’était pas rentré à son domicile parisien et avait accepté l’hospitalité de Jean Oursel dit Martin, fait aussi une déclaration identique au greffier de la prévôté.


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Vaches sur le versant occidental des Buttes-Chaumont vers 1900. On remarque à gauche le vacher et son chien.


François Joseph Agut dit Betesta. Cet homme est un tailleur pour femmes qui a acquis, au moins depuis l’année 1769 [2], une maison à Belleville située face au couvent des franciscains. Il achète également dans les années qui suivent un grand nombre de terrains ici et alentours (voir entre autres [3]). Jaloux sans doute de la présence du compagnon maçon Jean Noël dans la maison de Jean Oursel dit Martin, il échafaude cette aventureuse sortie pétaradante.


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Le point rouge sur le plan ci-dessus indique l’emplacement de la maison de Nicole Drancy, veuve du plâtrier Renard, louée en cette année 1774 à Jean Oursel dit Martin.


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Ci-dessus, la voici © représentée en 1782 ; le deuxième bâtiment, la cour et le jardin, notés (F) et (H), ont été construits entre les années 1774 et 1782 [4]. Le chemin sur lequel ils se trouvent était dit «  de Belleville à Saint-Laurent » (actuelle rue Rébeval). Le bâtiment que louait Jean Oursel dit Martin, dans lequel retentit le pétard dévastateur de Betesta, se trouvait très exactement au niveau de l’actuelle cité Jandelle, ancien chemin permettant l’accès à la carrière du plâtrier Renard puis de sa veuve, comme on peut le lire sur le chemin situé en bas à droite de l’image ci-dessous :


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A droite, grossissement du bord inférieur droit.


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Le jaloux Betesta avait eu du flair car, un peu plus d’un mois après cet événement, le 12 septembre de la même année 1774, le compagnon maçon Jean Noël épousait Marguerite Oursel dit Martin en l’église Saint-Jean-Baptiste de Belleville. Ils pouvaient compter pour agrémenter leur noce sur la somme de 100 livres que dut donner Betesta pour mettre fin aux poursuites [5].


Détail du tableau La Laitière, de Jean-Baptiste Huet, peint en 1769, qui habita enfant avec son père Nicolas dans leur maison de villégiature de Ménilmontant (musée Cognacq-Jay) :

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Jean Noël et Marguerite Oursel dit Martin sont nés, lui au Bourget le 14 mars 1748, elle à Gambais, généralité de Paris, diocèse de Chartres le 9 juillet 1754, et se marient donc à Belleville le 12 septembre 1774 [6]. Il n’a pas été fait de contrat de mariage. Un acte de notoriété du 12 avril 1806 [7] nous informe du réel nom de baptême du marié. Jean Noël, autrement dit Léonard, a été porté sur les fonts baptismaux sous le nom de Léonard Nadaud. C’est bien lui, Jean Noël, et non un frère ou un cousin dénommé Léonard, qui épouse Marguerite Oursel à l’automne 1774. Le 10 août 1774, il est dit avoir 27 ans ou environ, il a en fait alors 26 ans et presque 5 mois. Marguerite a alors 19 ans ou environ, car née le 9 juillet 1754 (elle vient en fait d’avoir 20 ans le 9 juillet 1774). Noël, comme Martin, dont s’affublent Jean Oursel et à sa suite sa fille Marguerite, ne sont que des surnoms.
Le 31 octobre 1776, les époux Noël [8] acquièrent la nue-propriété de 15 perches de terre des époux Bardou, qui souhaitent en conserver l’usufruit jusqu’au 11 novembre 1779, jour de la Saint-Martin d’hiver. Cette pièce de terre se situe au lieu-dit Le Petit Beauchamp.


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Cette parcelle de terre de 50 perches, les époux Bardou l’avait achetée, le 27 décembre 1750 [9], des héritiers de Pierre Bonière et de Simone Faucheur, sa femme, qui elle-même l’avait héritée pour la plus grande part d’Alexandre Faucheur, son père. Elle borde le chemin de Paris à Belleville (actuelles rue du Faubourg-du-Temple et de Belleville).


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La première apparition de ce Bello Campo, de ce Beauchamp, intervient dans les Archives en 1215 (apud Savies in territorio de Bello Campo). Ici, près du clos d’Agnès la Cortaise, le chapitre de Saint-Merry et les religieux de Saint-Lazare étaient conjointement propriétaires d’un pressoir dit « de Beauchamp ». Par la suite, on différencia le Grand Beauchamp pour les terrains se trouvant à gauche en montant le chemin de Paris à Belleville et le Petit Beauchamp pour ceux se situant du côté droit.



Beauchamp en Courtille


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Ci-dessus, un plan [10] de la seconde moitié du XVIIIe siècle en deux images — celle du bas constituant un agrandissement de la partie centrale de l’autre. Il figure les différentes seigneuries présentes alors à Belleville, à la Courtille et à la Folie Regnault. De gauche à droite de la rue de la Haute-Courtille ou rue de Belleville à Paris, coloriés en rose clair, les terroirs du Grand Beauchamp (à gauche donc) et du Petit Beauchamp (à droite). La seigneurie représentée de cette couleur est celle de l’Archevêché. En bas du plan, la rue Saint-Maur, dite ici « rue chemin de Saint-Maur à Saint-Denis », puisqu’elle permettait de relier, depuis des temps immémoriaux, les deux puissantes abbayes.


Le grand chemin de Paris, au centre, et à la verticale du plan, part de la rue Saint-Maur et retrouve, tout en haut à sa gauche, le chemin de Belleville à Saint-Laurent (actuelle rue Rébeval pour une plus grande partie) et, à sa droite, un chemin qui va devenir l’actuelle rue Piat. Des deux côtés de la rue, la Courtille et, depuis le milieu du sc>XVIIe siècle, ses nombreux cabarets. Du côté droit, celui du Petit Beauchamp, au-dessus du rectangle rose représentant les biens de l’Archevêché, un petit rectangle mauve avec les deux lettres (N) et © : se trouvaient là des terres du chapitre de Notre-Dame ou de l’Eglise de Paris pour son fief du Cens commun.



Sur le terrier ci-dessous, établi par le chapitre de Notre-Dame de Paris à la fin des années 1750 [11], les parcelles de terre et de vignes orientées en lanières d’est en ouest se situent entre, au nord, la rue de la Haute-Courtille (actuelle rue du Faubourg-du-Temple) et, au sud, la rue de l’Orillon (actuelle rue du même nom).

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La dernière parcelle, cerclée de rouge, est la propriété de François Bardou, numérotée 36 sur l’agrandissement suivant. Elle est mitoyenne, au nord, de la rue de Belleville à Paris, au sud, à Pierre Houdart, à l’ouest (vers Paris), à François Faucheur et, à l’est, à une sente.


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Ce sont les tenants et aboutissants de la parcelle de 15 perches acquise le 31 octobre 1776, et ensaisinée (c’est-à-dire enregistrée par le seigneur des lieux suite au paiement des droits de mutation) le 20 décembre suivant par le chapitre de Notre-Dame [12].


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Mais, alors que l’acte de vente indiquait les noms de Léonard Noël et de Marguerite Martin, l’acte d’ensaisinement indique Léonard Noël et Marguerite Meurlier. Il est vrai qu’elle signa le 31 octobre 1776 « marguerite marlen », Léonard déclarant ne savoir ni écrire, ni signer.


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Pour résumer, Léonard Noël, alias Jean Noël, alias Léonard Nadaud, compagnon maçon et nourrisseur de bestiaux, et sa femme Marguerite Oursel dit Martin, alias Marguerite Meurlier, alias Marguerite Martin, acquirent donc ici, fin 1776, 15 perches (environ 510 m2) de terres à prendre dans la largeur de 50 perches, plantées en vignes et en asperges au terroir de Belleville, proche la Courtille, lieu dit le Petit-Beauchamp. Ils en sont propriétaires et usufruitiers le 11 novembre 1779.


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DEUXIÈME PARTIE
Par Denis Goguet

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Rôle de la taille et impositions accessoires


Les minutes du rôle de la taille pour la paroisse de Belleville en l’année 1777 furent arrêtées le 3 décembre 1776 [13]. Parmi les nombreux contribuables figurent « Jean Hoursel dit Martin », vacher laitier locataire de sa maison, imposé à 6 livres…


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…et « Jean noël », compagnon maçon et sa femme vachère, locataires qui sont imposés également de la somme de 6 livres, 3 pour leur commerce et 3 pour la maison qu’ils tiennent en location.


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Le rôle de la taille pour l’année 1782 [14], dont les minutes furent arrêtées le 6 février 1782 (les rôles des années 1780 et 1781 sont incomplets, ceux des années 1778, 1779 sont en déficit) mentionne « Noël Jean, compagnon maçon, cabaretier et laitier ».


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Il est taxé pour la maison dont il est propriétaire, pour son industrie (certainement la vente du lait de ses vaches) et pour 21 muids de vin, soit 5 880 litres. L’expression « vin de débit » indique que ce vin n’est pas issu de ses vignes et qu’il l’a donc acheté pour le revendre. La mention « ppte de la Maison… déduit », pour laquelle il est taxé.


L’année 1783 [15], « Noël jean », compagnon maçon, et sa femme, laitière et cabaretière, sont taxés à hauteur de 19 livres 8 sols. Ils n’ont débité cette année que 18 muids de vin, soit 5 040 litres.


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Les années 1784 et 1785 sont en déficit, nous retrouvons en 1786 [16] « Jean Noël, cabaretier à La Vache noire  » (c’est là la première mention de cette enseigne, soit le 8 novembre 1785, date de l’arrêté du rôle de la taille), et sa femme laitière.


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Ils ont débité 26 muids ¼ de vin (à multiplier donc par 280 pour connaître le volume en litres). Sa femme laitière est taxée pour son industrie (la vente du lait) à 3 livres. L’imposition totale est de 23 livres 16 sols. Alors qu’il n’était pas présent sur les rôles des années 1782 et 1783, nous retrouvons en 1786 « Hoursel Jean dit Martin ». Il est dit « nourisseur », pour nourrisseur, de bestiaux, soit éleveur de vaches. Il est de plus locataire d’un certain Martin.


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L’année 1789 [17] – dernière année dont nous possédons, évidemment, les très riches et enseignants rôles de la taille de la paroisse de Belleville – Jean Hoursel dit Martin a disparu, mais sont toujours présents : « Noël Jean cab(artier) à La Vache noir(e) et sa femme laitière ».


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Le jeune Chavignol solidaire. Quelques 25 muids de vin, mais surtout plus de 105 muids d’eau de vie (soit 29 400 litres), pour lesquels ils sont imposés à 89 ivres 1 sol. Ah, la vache !



Le mur des Fermiers-généraux


Alors que le rôle de la taille de cette année 1789 s’écrivait (mois de janvier), le parcellaire du plan de la fin des années 1750 était fortement chamboulé, comme tout autour de Paris, par la construction du mur des Fermiers-généraux, intervenue ici principalement en l’année 1788.


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A gauche des deux images ci-dessus, le chemin de Belleville à Paris, à droite la ruelle de l’Orillon (actuelle rue de l’Orillon), en haut une sente qui va devenir la rue Denoyez. Entre le chemin de Belleville à Paris et la ruelle de l’Orillon, des parcelles de terre parallèles en lanières ; près de la ruelle de l’Orillon (parcelles 63 à 66 du plan des Fermiers-généraux), les lanières font place à des parcelles plus larges.


Sur les 15 perches acquises par Léonard Noël et sa femme, le plan de droite nous montre un terrain bâti numéroté 37. Il est noté 5 sur le plan suivant, qui lui est contemporain :


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Les matrices cadastrales qui correspondent aux deux plans, nous apprennent qu’elle est la propriété d’un certain sieur Noël.


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Obligations


Nous retrouvons seize années plus tard, le 14 et le 15 thermidor an XIII, soit les 2 et 3 août 1805 [18], Léonard Noël, marchand de vin traiteur, et Marguerite Martin, sa femme, pas encore débaptisés et rebaptisés de leurs vrais noms de baptême – Léonard Nadaud et Marguerite Oursel (12 avril 1806) – et nous apprenons qu’ils demeurent à Belleville, grand-rue dudit lieu près la barrière numéro 321 avec leur fille Henriette, encore mineure mais émancipée par son mariage avec François René Gahery.


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Tous, ils empruntent ce jour la somme de 2 400 francs au sieur Delorme. Ils hypothèquent alors « pour plus de sûreté » une « maison, bâtiment, jardin et dépendances sis à l’entrée de Belleville près la barrière du faubourg du Temple portant pour enseigne La Vache noire ».


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L’acte d’obligation se poursuit en décrivant la maison et en énumérant les titres de propriété.


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L’acte d’obligation précise que la maison comprend deux corps de logis dont l’un anciennement construit et l’autre tout nouvellement par le dit Leonard Noël. Le premier corps de logis décrit ci-dessus est certainement celui qui fut construit par le maçon Léonard Noël alias Jean entre le 11 novembre 1779, date à laquelle les époux Noël (Nadaud) deviennent pleinement propriétaires de la parcelle de 15 perches, et le 6 février 1782, date à laquelle le rôle de la Taille de la paroisse de Belleville mentionne Jean Noël alias Léonard, propriétaire de la maison à l’enseigne de la vache noire. Léonard Noël, qui a appris à écrire, signe « L Noel », Marguerite Martin, « mmartin » et leur fille, « h noel ep(ouse) ( ?) Gahery ».


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Rebelote le 8 fructidor an XIII (soit le 26 août 1805). Cettefois-ci, les époux Noël, François René Gahery et sa femme, Henriette, s’obligent à rembourser à Marie Clothilde Denainville, la somme de 6 600 francs [19].
De nouveau, on hypothèque ses biens, soit la maison portant pour enseigne La Vache noire où ils demeurent, tenant le tout d’un côté aux boulevards extérieurs de Paris, d’autre côté à Pierre Dormois, d’un bout sur la grand-rue de Belleville et d’autre bout à M. Desnoyer.


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Jean-Claude Desnoyer


Les 9 000 francs furent-ils trop lourds à rembourser ? Quoi qu’il en soit, le 26 septembre 1811, soit un peu plus de six ans après avoir contracté ces emprunts et, surtout, après avoir perdu son mari, Léonard Nadaud dit Noël, qui mourut entre le 26 août 1805 et le 26 septembre 1811, soit entre les âges de 57 et 63 ans, Marguerite Oursel et les héritiers Nadaud abandonnaient par une procédure d’adjudication du tribunal de première instance de la Seine à Jean-Claude Desnoyer « une maison et jardin y attenant situés à la haute courtille grande-rue et commune de Belleville n° 321 ayant pour enseigne La Vache noire » [20]. Nous apprenons à travers cet acte qu’Henriette eut une sœur prénommée Louise Sophie Justine, femme de Louis François Gaillon, et que « cette adjudication faite sur la saisie immobilière à la requête de M. Charles Jean Marie Alquier, baron de l’Empire demeurant à Versailles, rue des Bourbonnais, n° 47 […] ».


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L’histoire ne dit pas comment l’avocat, magistrat, homme politique et baron de l’Empire Charles Jean-Marie Alquier acquit la dette du maçon, « nourisseur de bestiaux » et « cabartier » Léonard Nadaud dit Noël.



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Charles Jean-Marie Alquier vers 1795. Dessin et gravure anonymes. Il sera baron sous l’Empire.


Presque douze années plus tard, le 8 janvier 1823, par devant Victor Levert, notaire royal à Belleville [21], Henriette Victoire Dauvergne, veuve de Gilles-Joseph Desnoyer, demeurant à Belleville rue de Paris n° 2, vendait à Charles Gillet le fonds de commerce de marchand de vin traiteur qu’exploitait avec elle le défunt Gilles-Joseph Desnoyer, ayant pour enseigne La Vielleuse, établi dans une maison sise à Belleville rue de Paris n° 2, près la barrière, et lui donnait le droit de prendre le titre du successeur de M. Desnoyer l’aîné. Par le même acte et le même jour, Jean-Claude Desnoyer, propriétaire et chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur, demeurant à Belleville boulevard des Couronnes n° 3, donnait à loyer pour « faciliter au sieur Gillet l’exploitation de son commerce », pour neuf années entières débutant le 1er janvier de cette année 1823, la totalité de la maison sise à Belleville rue de Paris n° 2 où s’exploite le dit fonds de commerce ayant pour enseigne La Vielleuse.


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Suit un descriptif détaillé du fonds de commerce : cuisine et cabinet au rez-de-chaussée, où se trouvent tous les ustensiles de cuisine, vaisselles et tourne-broches ; une petite salle de 14 tables aussi au rez-de-chaussée, avec chacune 2 bancs, 4 becs de quinquet et un jeu de Siam complet (pour l’histoire de ce jeu, on consultera utilement le blog Grande(s) et petites histoires de la Thaïlande.


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Bec de quinquet (vers 1820) et jeu de Siam.


Au fond de la salle, un cabinet où couchent les domestiques. Puis un garde-manger, dernière pièce du rez-de-chaussée. Au premier étage, un grand salon de 15 tables garnies de bancs de différentes grandeurs un orchestre à double fond et à colonnes, supporté par 2 fortes barres en fer, et un escalier pour y monter.


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Bal Callot (vers 1809), situé en face du cabaret La Vielleuse.


Un grand salon sur le derrière avec 26 tables de différentes grandeurs, garnies chacune de 2 bancs, un grand orchestre portant 37 colonnes, un poêle en fonte et, autour de la pièce, 82 patères pour les chapeaux. Au deuxième étage, un nouveau salon, 12 tables et 84 chaises, un poêle de « fayence », 38 patères pour les chapeaux, puis 4 cabinets privés de différentes tailles. Ensuite, le salon de Bellevue, auquel on accède par un corridor. Au grenier, un débarras hétéroclite, puis la chambre de Mme Desnoyer et celle de ses deux filles. Des caves, un caveau et le jardin.

« En (y) entrant à droite par la cuisine existe une construction en bois formant bucher et loge du chien dans laquelle est la boite renfermant les cordages du tourne broche, cette boite porte une enceinte en bois sur laquelle est monté un double treillage en losange de bois où est renfermé l’enseigne de la Vielleuse. »


Epilogue
Gilles-Joseph Desnoyer, frère aîné de Jean-Claude, qui acquit en septembre 1811 le cabaret de La Vache noire, mourut en janvier 1820. Il est fort probable qu’il ait tenu le cabaret après que son frère le lui a loué, de l’automne 1811 à son décès en 1820, et qu’il soit avec sa femme, Henriette Victoire Dauvergne, l’inventeur du nom et de l’enseigne La Vielleuse.




Cette joueuse de vielle, bien que sous de nouveaux atours, est toujours présente au 2, rue de Belleville.

D’ailleurs après avoir conté la préhistoire et la naissance de l’établissement de boisson, nous passons maintenant le relais, sans quitter le site de La Ville des gens : https://www.des-gens.net/Histoire-de-La-Vielleuse-la-modernite?, à notre cher confrère et néanmoins ami Maxime Braquet pour raconter l’histoire, on dira « moderne », de La Vielleuse, de 1820 jusqu’à nos jours.

[1Arch. nat., Z/2/274/B.

[2Arch. nat., MC/ET/XXXVII/107.

[3Arch. nat., S//537 et S//2515/2.

[4Arch. nat., MC/ET/LXXV/805.

[5Arch. nat., MC/ET/XXXVII/115.

[6Arch. nat., MC/ET/XXVI/647

[7Idem.

[8Idem.

[9Arch. nat., MC/ET/XXVI/455.

[10Arch. nat., S//1184/A.

[11Arch. nat., N//II/Seine/151/6.

[12Arch. nat., S//537.

[13Arch. nat., Z/1g/372/A.

[14Arch. nat., Z/1g/398/A.

[15Arch. nat., Z/1g/404/A.

[16Arch. nat., Z/1g/423/A.

[17Arch. nat., Z/1g/444/A.

[18Arch. nat., MC/ET/XXIV/1104

[19Idem.

[20Arch. nat., MC/ET/XXXVII/38820.

[21Arch. nat., MC/ET/XXXVII/310.

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