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BAS-BELLEVILLE, suite de l’enquête d’utilité publique.


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Le Commissaire-enquêteur impose le relogement sur place

Le Commissaire-enquêteur a rendu à la mi-avril son avis sur le projet de zone d’aménagement concerté projeté sur le Bas-Belleville. C’est là l’aboutissement de l’enquête publique qui s’était déroulée du 17 octobre au 9 décembre derniers.

Le Commissaire-enquêteur a décidé de rendre un avis favorable à ce projet, à la condition que la Ville-de-Paris lève plusieurs réserves qui modifient, en profondeur et dans le sens souhaité par les habitants, l’intervention municipale. Depuis la Ville ne cesse de tergiverser sur la levée de ces réserves, multipliant des déclarations contradictoires.

D’un côté, il y a le Maire du 20e, M. Didier Bariani, qui, soucieux de sa réélection lors des élections municipales des 11 et 18 juin, affirme qu’il ne s’opposera à aucune des conditions posées par le Commissaire-enquêteur. " Vous êtes de Belleville, vous resterez sur Belleville, je m’y engage personnellement ", a-t-il assuré aux habitants en ajoutant que la Forge serait conservée, sa vocation culturelle maintenue et que ses occupants ne seraient pas expulsés cet été…

De l’autre, il y a le Maire de Paris qui, en réponse à une question orale posée au Conseil de Paris du 22 mai, déclare qu’il entendait "examiner avec le plus grand soin les observations recueillies pendant l’enquête et les réserves formulées par le Commissaire- enquêteur" et que "ce n’est qu’à l’issue de cet examen qu’il sera possible de prendre position sur les suites qui leur seront données".

Bref, il est urgent d’attendre… que les municipales soient passées avant de prendre une décision qui ne sera pas forcément dans le sens recommandé par le Commissaire-enquêteur.

La principale faiblesse du projet, soulignée par l’association la Bellevilleuse lors de l’enquête publique, étaient les risques de profond renouvellement de la population du Bas-Belleville et d’exclusion des populations les plus fragiles qu’il comportait. Les réserves du Commissaire-enquêteur visent surtout à combler ce déficit social. Le parti urbanistique adopté par la Ville n’est par contre pas remis en cause, malgré son coût élevé et la disparition de l’essentiel des activités du quartier qu’il provoque. L’abandon de la rue nouvelle qu’il est prévu de construire en cœur d’îlot passait en effet par un avis négatif et le Commissaire-enquêteur a estimé que le quartier, compte-tenu de la stratégie de pourrissement engagée par la Ville, ne survivrait pas s’il était laissé encore plusieurs années à l’abandon.

Il a donc pris l’option d’encadrer fortement le projet actuel, notamment en imposant le maintien sur place de la population, une grande première à Paris si la Ville venait à lever cette réserve. C’est là une victoire importante, qui doit désormais faire jurisprudence dans chaque opération d’urbanisme à Paris.


Deux remarques cependant :

- La démocratie locale est si déficiente à Paris que nous en sommes réduits à considérer comme une victoire le fait d’obtenir, après six années de lutte acharnée, ce qui relève pourtant de l’évidence : une opération d’urbanisme respectueuse des habitants et soucieuse de répondre à leurs besoins !

- Le détournement scandaleux de la préemption par la Ville a meurtri, de manière indélébile, notre quartier.

La préemption a en effet eu pour objectif principal d’accélérer et de rendre irréversible le processus de dégradation : relogement hors de Belleville ou expulsion des familles, fermeture des activités après indemnisation ou expulsion, la Ville vidant ainsi le quartier de ses habitants ; murage, après dégradation - toits et planchers défoncés, canalisations et électricité arrachées, etc. - des biens rachetés. Pour éviter le squat, dit-on du côté municipal… Ce qui n’a pas empêché la mort de 3 S.D.F. ; démolition avec ou sans permis de démolir ; patrimoine occupé laissé à l’abandon, etc.

Cet acharnement a permis à la Ville de faire d’une pierre trois coups : justifier a posteriori la démolition-reconstruction qu’elle a toujours préconisée ; décourager les propriétaires du quartier d’entretenir leur patrimoine qui, leur disait-on, était appelé à disparaître ; et pouvoir ainsi le préempter à bon compte. Le Bas-Belleville est sorti très affaibli de ces années d’agression permanente. Les réserves du Commissaire, si elles sont respectées par la Ville, et si les habitants restent vigilants, devraient cependant permettre de préserver une partie essentielle du quartier et de réduire le traumatisme inhérent à ce type d’opération. Nous espérons aussi qu’elles s’imposeront aux opérations d’aménagement à venir ailleurs dans Paris.


Ces réserves portent sur :

1. Le relogement : tout le monde doit être relogé "quelle que soit la confusion de sa situation locative" et un phasage précis est imposé à la Ville pour assurer le relogement sur place "du plus grand nombre possible d’habitants à l’exception de ceux qui demandent expressément à être relogés ailleurs". Le programme de logements PLI (Programme de Logements Intermédiaires) est réduit de moitié. Par contre, le nombre de logement PLA (Prets Locatifs Aidés) très sociaux n’est pas augmenté malgré les demandes de la Bellevilleuse en raison des critères d’attribution extrêmement restrictifs adoptés par la Ville ;

2. L’accompagnement social : une structure spécialisée devra être mise en place pour suivre le relogement en raison de la très grande fragilité de la population des immeubles prévues à la démolition. Rappelons que la Bellevilleuse demandait depuis des années que le quartier bénéficie d’une démarche de Développement Social Urbain (DSU) et que cette demande a enfin été satisfaite en février dernier ;

3. La réduction du champ des démolitions : plusieurs bâtiments que la Ville prévoyait de démolir doivent désormais être conservés. C’est le cas notamment de la Forge. Surtout, les droits à construire dans le règlement du PAZ (Plan d’Aménagement de Zone) sont réduits au programme de construction annoncé alors que la Ville s’autorisait une importante marge de manœuvre qui laissait la porte ouverte à de nouvelles démolitions.

Sans en faire des réserves, le Commissaire-enquêteur formule également dans son avis plusieurs recommandations extrêmement importantes sur :

4. La réhabilitation du patrimoine conservé : l’Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH) prévue début 1996 devra être "volontariste" et "veiller à ses conséquences sur la composition sociale de ce quartier populaire",

5. Le sous-sol : "durant la phase opérationnelle, les caractéristiques du sous-sol et la fragilité du bâti existant devront faire l’objet d’une vigilance de tous les instants.

Toutes les mesures préventives ration montre que seuls 20% qui demandent expressément à devront être prises".



Les modifications demandées par le commissaire-enquêteur

Les réserves à la Déclaration d’Utilité Publique (celles portant sur le relogement et l’accompagnement social principalement) devront être levées par la Ville, sans quoi elle devra renoncer à son projet. Il lui reste un recours cependant : faire appel auprès du Conseil d’Etat pour tenter d’obtenir l’annulation des réserves, une procédure de deux ans environ alors que la Ville a, à maintes reprises, accusé la Bellevilleuse de retarder l’opération.

Les réserves au Plan d’Aménagement de Zone (celles portant sur la préservation de certains bâtiments et la modification du PAZ) ne s’imposent pas à la Ville. Mais si celle-ci décidait de passer outre, toute association ou personne ayant "un intérêt à agir" aurait alors la possibilité d’engager un recours devant le Tribunal administratif. Il y a alors des chances sérieuses pour que celui-ci "surseoie à statuer" et gèle l’opération en attendant un jugement sur le fond, ce qui aurait aussi pour conséquence de retarder l’opération de deux ans.

Reste donc aujourd’hui à savoir si la Ville souhaite permettre à l’opération de se dérouler rapidement et dans de bonnes conditions en levant l’ensemble des réserves du Commissaire-en-quêteur, ou si, soucieuse d’éviter un précédent sur Paris ; elle préfère prendre le risque de bloquer ce réaménagement. Les premières victimes d’une telle décision seraient alors bien évidemment les mal logés de notre quartier.


1. Le relogement :

La façon dont la Ville a géré ces dernières années le relogement des occupants des logements préemptés dans le Bas-Belleville faisait craindre le pire : que de nombreux foyers ne soient pas relogés du tout, en raison des irrégularités de leur statut locatif ; et que les autres soient systématiquement réinstallés en dehors du quartier.

a) L’étude d’impact de l’opération montre que seuls 20% des foyers à reloger disposent d’un bail écrit. "Les autres (hormis 10% de squatters) ont des accords verbaux, sont en procédure de régularisation, sous-locataires ou sans titre".

La Ville s’était engagée à reloger "les occupants de bonne foi". Mais jusqu’à présent, dans le cadre de la gestion du patrimoine municipal préempté, tout foyer qui ne disposait pas d’un bail en bonne et due forme, quelles qu’en soient les raisons, était considéré comme n’ayant pas droit à un relogement, la Ville optant souvent pour les voies judiciaires…

La Bellevilleuse avait donc demandé que "la règle soit le droit au relogement".

Le Commissaire-enquêteur, estimant que cette situation locative constituait l’un des symptômes des difficultés que rencontre le quartier, déclare que "la Ville doit faire face à ses obligations dans ce domaine" et que "l’utilité publique du projet sera conditionnée par sa capacité à reloger l’ensemble de la population présente sur le site, quelle que soit la confusion de sa situation locative".

b) Dans l’exposé des motifs (page 11) accompagnant les délibérations du 11 juillet 1994 portant sur la création de la ZAC (Zone d’Action Concertée) du Bas-Belleville, la Ville écrivait que "cet aspect de l’opération, à savoir le maintien sur place des habitants qui le désirent, répond à une attente forte de la population qui sera prise en compte".

Mais lorsque l’on en venait au phasage, qui est la seule façon de parvenir à cet objectif, la Ville se gardait bien de prendre le moindre engagement (bien que la demande de mettre en place ce dispositif ait été formulée depuis des années par notre association). "Le phasage n’est pas entièrement prévisible a priori car il faut connaître plus précisément les difficultés sociales et techniques à résoudre", écrivait la Ville dans l’étude d’impact (page 90).

Le Commissaire-enquêteur a décidé d’imposer "la mise en place d’un principe de phasage permettant le relogement sur place du plus grand nombre possible d’habitants à l’exception de ceux qui demandent expressément à être relogés ailleurs". Il exige pour cela :

- la réhabilitation "prioritaire et préalable au relogement des habitants" du patrimoine préempté dans les bâtiments conservés (cinq immeubles et une soixantaine de lots vides rachetés en diffus dans les copropriétés du Bas-Belleville) ;

- le lancement des travaux d’extension scolaire seulement après "que les relogements qu’ils imposeront pourront être assurés sur place ou à proximité très immédiate" ;

- le report à la fin de la phase opérationnelle du programme des logements intermédiaires (PLI), ceux-ci ne correspondant pas aux besoins de la population à reloger ;

- le lancement du programme de logements très sociaux seulement après "que les besoins de relogement sur place auront été satisfaits".

c) Le Commissaire-enquêteur réduit de moitié le programme de logements intermédiaires (90 logements) "car il ne correspond pas aux besoins de peuplement qu’il faut favoriser" à Belleville.

En revanche, le nombre de logements PLA très sociaux n’est pas augmenté bien que les besoins qui ressortent de l’étude sociale réalisée en mai 1994 par la Ville-de-Paris portent sur 100 PLA insertion quand seulement 30 logements de ce type sont actuellement prévus…

Cette décision s’explique par la nature extrêmement restrictive des critères d’attribution adoptés par la Ville. Leur attribution ne dépend pas en effet des seuls critères de revenus, comme le prévoit la loi, mais "d’un ensemble de critères cumulatifs parmi lesquels celui du suivi d’un processus de réinsertion professionnelle", explique le Commissaire-enquêteur.

JPEG - 32.6 koCes critères d’attribution, qui "expliquent pourquoi plusieurs milliers de prêts ne sont pas consommés tous les ans", nous paraissent poser un problème de légalité et la Bellevilleuse a fait part de ses interrogations sur ce point au Maire de Paris, M. Jacques Chirac, dans un récent courrier.

Le Commissaire-enquêteur, pour sa part, se contente de laisser les perspectives ouvertes et affirme que "s’il s’avère qu’un nombre plus important de logements de ce type est nécessaire soit en raison de la modification des critères d’attribution ou parce que la population qui peut y prétendre est plus nombreuse, le programme sera adapté. Dans le cas contraire, il sera limité aux prévisions initiales".


2. L’accompagnement social :

La réalité sociale de la population du Bas-Belleville qu’il est prévu de reloger, c’est :

- 42,1% des chefs des familles - aux trois quarts des ouvriers et des employés - qui n’ont pas d’emploi ;

- 83% des familles qui disposent de revenus annuels inférieurs à 110 000 FF et 40% d’entre elles, de revenus annuels inférieurs à 50.000 FF.

Malgré cela, l’accompagnement social de l’opération soumise à enquête publique était inexistant, au point que dans le bilan prévisionnel des recettes et dépenses de l’aménageur, aucun poste n’était prévu pour le suivi de la procédure de relogement, bien que tous les professionnels s’accordent sur le fait que cette étape constitue l’une des clés de la réussite de toute opération dans un tissu urbain fragile.

La Ville espérait peut -être continuer de laisser le tissu associatif et caritatif assurer le suivi des familles les plus fragiles de notre quartier…

Le Commissaire-enquêteur écrit en conséquence que "l’ensemble des opérations de relogement fera l’objet d’un accompagnement social par le biais d’une structure spécialisée mise en place à cet effet et installée sur le site ou à proximité immédiate".

Il recommande par ailleurs que "cette structure s’appuie sur les réseaux existants qui organisent déjà le tissu social" et qu’un "soin tout particulier" soit "apporté aux tâches quotidiennes : prises de rendez-vous, appels téléphoniques, lettres… ainsi qu’aux actions qui nécessitent une action médiatrice : recherche de compromis ou de régularisation des situations, coordination des intervenants… "

Bien que la Ville, le 26 septembre 1994, ait encore déclaré en réponse à une question orale posée au Conseil de Paris que "compte-tenu de la superposition de ces trois procédures (création de la ZAC, déclaration d’utilité publique, OPAH), dont d’ailleurs aucune ne porte sur le même périmètre (sic), la Ville-de-Paris n’a pas prévu le lancement d’une procédure supplémentaire de Développement Social Urbain (DSU)", elle a finalement, non sans mal, opté en février dernier pour une démarche de Développement Social Urbain (DSU) sur Belleville.

L’accompagnement social de l’opération paraît ainsi désormais assuré

3. La réduction du champ des démolitions :

Plusieurs bâtiments que la Ville prévoyait de démolir doivent désormais être conservés. C’est le cas notamment de la Forge. Surtout, les droits à construire dans le règlement du PAZ sont réduits au programme de construction annoncé alors que la Ville s’autorisait une importante marge de manœuvre qui laissait la porte ouverte à de nouvelles démolitions. Par contre le parti urbanistique pour lequel la Ville a opté n’est pas remis en cause malgré son coût et ses conséquences désastreuses sur les activités du quartier.

a) Le Commissaire-enquêteur demande la conservation de plusieurs bâtiments prévus à la démolition :

- la cour du 33, rue Ramponeau : "la qualité des réhabilitations qui y ont été conduites, la qualité de la vie sociale qui s’y déroule et le témoignage architectural qu’elle constitue me font estimer qu’elle doit être préservée", lit-on dans son rapport ;

- le 114, boulevard de Belleville : sa conservation est demandée en raison de "la qualité de son bâti", "de l’harmonie des façades qu’il offre avec le 112, bd de Belleville", de "la fragilité du tissu bâti environnant" et enfin de "la fragilité du pôle commercial" dans ce coin du quartier ;

- la Forge : "le projet devra strictement maintenir l’ancienne usine. Sa qualité architecturale et sa reconversion en direction des milieux artistiques l’exigent".

Le Commissaire-enquêteur ajoute que le projet socio-culturel proposé par l’association Artclef "trouve particulièrement sa place dans le cadre d’une opération de développement social urbain. ( … ) L’encadrement des ateliers par des artistes qui travaillent à proximité constitue un atout dont il convient de ne pas négliger l’impact. Grâce à cette proximité, l’activité artistique peut être perçue par les enfants ou les adolescents en difficulté comme étant une valeur dans laquelle ils se reconnaissent et un moyen de retisser des liens distendus. Les éducateurs de rue utilisent ce moyen" ;

- le 22 bis, rue Dénoyez, qui abrite l’entrée de l’Hôtel Dénoyez. Cet hôtel, selon le Commissaire-enquêteur "a une fonction d’hébergement très importante et les imbrications du bâti conduisent de toute façon à exclure du périmètre de la DUP (Déclaration d’Utilité Publique) les locaux qui sont nécessaires au fonctionnement de l’hôtel" ;

- le 49, rue Ramponeau : le Commissaire-enquêteur recommande fortement, sans toutefois que cela constitue une réserve, de conserver l’immeuble sur rue de cette copropriété que la Ville prévoit de démolir pour l’agrandissement d’une cour d’école. "Si l’intérêt d’une cour de récréation confortable est incontestable, celui de préserver une vingtaine de logements ne l’est pas moins", souligne-t-il.

b. les droits à construire dans le règlement du PAZ sont réduits au programme de construction annoncé :

Il n’est nulle part précisé dans le Plan d’Aménagement de Zone, que ce soit dans le règlement ou sur sa représentation graphique, si tel ou tel bâtiment est conservé, réhabilité ou démoli… Seules des zones "principalement affectées à l’habitation, et aux activités en rez-de-chaussée" ou "de constructions basses principalement affectées aux activités et à l’habitation" apparaissent, sans autres précisions.

Pis, le règlement du PAZ autorisait la construction dans le périmètre de la ZAC de 30 000 m2 HON (Hors OEuvre Nette) de surface de plancher à usage d’habitation et 7 000 m2 HON de surface de plancher· à usage d’activité et divers, alors que le programme soumis à enquête publique ne prévoyait que la construction de 21 . 500 m2 HON de logements et de 5 700m2 de commerces et activités. Un dépassement de l’ordre de 40% pour-le programme de logements et de 23% pour celui des surfaces d’activité !

La Ville s’autorisait ainsi une très importante marge de manœuvre qui laissait prévoir de nouvelles démolitions…

Le Commissaire-enquêteur demande donc que les droits à construire autorisés par le règlement du PAZ soient réduits au programme annoncé, un dépassement de 5% étant prévu.

c. le parti urbanistique pour lequel la Ville a opté n’est pas remis en cause :

Le principe du percement d’une rue nouvelle entre les rues de Tourtille et Dénoyez est toléré par le Commissaire-enquêteur :

- bien que "la nécessité d’une telle desserte n’est pas établie". "Les solutions alternatives préconisées par le public permettent aussi d’assurer les fonctions de desserte", lit-on dans le rapport ;

- bien qu’elle "bouleverse l’organisation parcellaire et le tissu d’activités du quartier" ;

- et malgré son coût excessivement onéreux (35 millions de francs) alors qu’elle ne permet de construire qu’un maximum de 30 logements supplémentaires.

Mais il revient au Commissaire-enquêteur de juger un projet d’aménagement, et non de proposer une alternative. Et comme nous l’avons vu, il a préféré encadrer le projet présenté par la Ville plutôt que de prendre le risque de voir la Ville poursuivre sa politique de pourrissement.

Sans que cela constitue des réserves, le Commissaire-enquêteur formule également dans son avis plusieurs recommandations extrêmement importantes sur :


4. La réhabilitation du patrimoine conserve :

JPEG - 58.7 koLa Ville a déclaré qu’une Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH) serait mise en place début 1996 (page 90 de l’étude d’impact). Mais "si les mesures concernant les moyens mis à la disposition des réhabilitations, par le biais des OPAH, ne peuvent pas faire, ici, l’objet de réserves, cela n’exonère en rien la responsabilité du projet dans ce domaine", précise le Commissaire-enquêteur dans son rapport.

Lequel, dénonçant le flou des intentions de la Ville en matière de réhabilitation, souligne que "la crédibilité du projet aurait été renforcée par l’énoncé d’objectifs qualitatifs précis, de thèmes d’intervention et de moyens matériels et financiers".

Il ajoute que les motivations de la ZAC - parmi lesquelles "la mise en valeur des immeubles en mauvais état mais qui peuvent être conservés grâce à des actions d’amélioration de l’habitat ancien" - "réclament que les aides mises à la disposition de la réhabilitation soient d’un niveau suffisant pour, assurer la réalisation des objectifs dans ce domaine. Tout défaut à ce sujet ira à l’encontre des objectifs de la ZAC. Il y a incontestablement une obligation de résultat vis-à-vis du parc ancien". L’OPAH prévue par la Ville devra donc :

- être "volontariste", "veiller aux implications des réhabilitations sur les loyers afin de ne pas provoquer de mouvement brutal de population" et prévoir pour cela "des mesures de conventionnement des loyers" ;

- aider les copropriétés dégradées. "L’équipe opérationnelle qui sera mise en place à l’occasion de l’OPAH sera un outil précieux à ce propos et devra disposer de moyens humains et financiers adaptés pour intervenir sur ce thème. Pour être efficace, son intervention au sein des copropriétés en difficulté devra être prévue et s’étendre au diagnostic gratuit et à l’assistance de gestion" ;

- lutter contre le saturnisme. La Bellevilleuse avait demandé la mise en place d’une OPAH "complexe", ciblée sur les copropriétés dégradées. Les recommandations du Commissaire-enquêteur vont dans ce sens.


5. Le sous-sol :

La fragilité du bâti conservé et la nature du sol du Bas-Belleville - présence de gypse dans les marnes et caillasses et existence éventuelle d’anciennes carrières de gypse souterraines ou à ciel ouvert et depuis remblayées - devraient créer des contraintes fortes quant au mode d’intervention sur notre quartier.

"Le bâti ancien( … ) compte tenu de ce qu’il est fondé dans les remblais de carrières ( … ) est particulièrement sensible aux modifications de contraintes que pourraient créer les aménagements futurs", avertit d’ailleurs la Ville (page 96 de l’étude d’impact).

Mais cette réalité paraît n’avoir jamais été prise en compte pour décider de la conservation ou de la démolition de tel ou tel bâtiment et également pour décider de la création de voiries nouvelles alors que cette option risque de fragiliser encore davantage le bâti aujourd’hui annoncé comme conservé.

Le Commissaire-enquêteur écrit en conséquence dans son avis que "durant la phase opérationnelle, les caractéristiques du sous-sol et la fragilité du bâti existant devront faire l’objet d’une vigilance de tous les instants. Toutes les mesures préventives devront être prises".

Elle demande en particulier à propos des chantiers de démolition que les techniques employées soient "particulièrement prudentes et circonspectes" et recommande à cet égard :

- "une désolidarisation manuelle des bâtiments contigus lorsque l’un d’entre eux doit être conservé" ;

- des démolitions "entièrement manuelles" lorsque cela s’avère nécessaire ;

- enfin "le recours systématique à un référé préventif permettant d’établir, avant le début des travaux, une description impartiale et contradictoire des constructions mitoyennes".


Conclusion :

Les ZAC dans la capitale sont aujourd’hui à un tournant.

La politique de la rénovation lourde (démolition-reconstruction) a vécu et le Commissaire-enquêteur ne dit pas autre chose en affirmant dans son rapport que "le projet (d’aménagement du Bas-Belleville) s’appuie sur une démarche novatrice qui s’articule autour de deux volets qui doivent se dérouler conjointement. Une rénovation du tissu urbain d’une part et une action en faveur du tissu existant grâce à la mise en place d’incitations à l’égard des propriétaires privés".

Cette nouvelle approche, qui s’explique par le coût tant social, financier que politique de la rénovation lourde appliquée jusqu’à présent par la Ville, est aujourd’hui partiellement mise en œuvre sur le Bas-Belleville. Mais la mue ne sera complète que lorsque les opérations d’urbanisme de la capitale auront pour préoccupation de maintenir les populations des quartiers réaménagés.

C’est ce que demande le Commissaire-enquêteur en exigeant le relogement sur place des futurs évincés et la mise en œuvre d’une OPAH à contenu social.

Reste aujourd’hui à la Ville à prouver que c’est aujourd’hui également son choix en levant les réserves du Commissaire-enquêteur et en suivant ses recommandations.


Raoul DUBREUlL



Article mis en ligne en juin 2015.

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