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Cinémas de quartier ou quartiers de cinéma ?

Réflexions et propositions sur le cinéma dans le Paris des quartiers

À propos de l’opération de rénovation urbajne dite ZAC-FLANDRE SUD, de l’éviction du cinéma Rialto-Bananas qui en découle, et des effets de la crise du cinéma sur la vie quotidienne dans les quartiers périphériques de la capitale.

L’audiovisuel, comme on dit, explose. Les télévisions par câble, par satellite, par voie hertzienne, privées, publiques, semi-publiques, culturelles, généralistes, thématiques, déferlent ou vont déferler. Canal Plus ; cinquième chaîne Seydoux-Berlusconi, magnétoscopes, vidéo-disques, transforment ou vont transformer notre façon de consommer les images.

Du coup, le bon vieux cinéma en prend un coup. Les télévisions vont consommer du film à tout va, et les salles de cinéma vont avoir la vie dure. Et pourtant, rien ne vaut un grand ’écran pour voir un film ! Après une première vague de disparitions de salles de cinéma (les plus grandes, notamment) que nous avons connue durant les trente dernières années, une deuxième vaque se prépare qui va toucher les salles les moins rentables, mais peut-être aussi les plus courageuses.

Déjà raréfié, le réseau de salles de ciné dans les quartiers périphériques de Paris va encore se réduire. Si rien n’est fait pour contrecarrer cette tendance, la vie de tous les jours dans les quartiers se fera plus tristounette, plus grise. Moins d’épiceries, de restaurants, de cafés, moins de librairies et de cinémas. Il faudra transhumer vers les méga-pôles engorgés de la consommation de masse que sont devenus les Halles, les Champs-Élysées, etc. A plus d’une heure de métro aller-retour, à plus d’une heure d’embouteillages ou de recherches d’un parking, pour aller s’écraser mutuellement les pieds, faire la queue une heure, etc.

Mais y-a-t-il quelque chose à faire ?… Prenons l’exemple du 19ème arrondissement, l’un des plus peuplés, l’un des plus jeunes (du point de vue de sa population).

Alors qu’on y comptait naguère beaucoup de salles de cinéma (rue de Flandre et avenue Jean-Jaurès, notamment), il n’en reste plus que deux, qui fonctionnent de façon permanente : les Trois-Secrétan et le petit Rialto-Bananas, ce dernier étant le seul qui puisse satisfaire l’amateur de V.O. et de cinéma de qualité(mentionnons pour mémoire le Cinéma Présent du Parc de la Villette, toujours plus ou moins en relâche).

Prenons donc l’exemple du Rialto-Bananas, pour voir les relations possibles entre une salle de cinéma et son environnement, entre Paris et ses salles de cinéma.

L’exemple du Rialto-Bananas

Au départ, une petite équipe de cinglés, de cinéma rachète le fonds du Rialto, au bord de la fermeture, ré-aménage l’endroit, le transforme en quelque mois en un lieu , vivant, chaleureux, en une véritable petite cinémathèque de quartier, grâce à une programmation de qualité, abondante, des tarifs attractifs, un système d’abonnements, des horaires adaptés à la vie des habitants du quartier, des nuits du cinéma, des festivals, des cycles, du cinéma pour les enfants, pour les scolaires des environ, un lieu ouvert aux associations locales.

Leur bilan, au bout de trois ans : plus de 100.000 spectateurs (dont 20.000 enfants), près de 500 films programmés, 2.000 cartes d’abonnement vendues. Bref, tout,un travail qui a redonné vie (culturelle) à ce coin du 19ème, à la limite du 10ème.

Eh bien, tout cet acquis est menacé par la démolition prochaine du quartier c’est incroyable ! Tout doit être fait pour que ce cinéma soit reconstruit sur place, si possible en mieux. La rénovation d’un quartier insalubre ne doit pas se traduire, simultanément à un assainissement de l’habitat , par un recul de l’ animation urbaine, de la convivialité d’un quartier.

Une autre menace pèse sur un cinéma comme le Rialto-Bananas : la crise actuelle du cinéma français, et donc celle de l’exploitation cinématographique. De grands groupes cinématographiques (Gaumont, Para-france) eux-mêmes ont de graves problèmes. C’est dire que la poignée de salles de cinéma qui se battent courageusement pour un cinéma de qualité dans Paris ne tiennent que par la passion de leurs animateurs et vivent dans des difficultés permanentes.

Le Rialto-Bananas n’y échappe pas. Son originalité c’est que, bien que parisien,
il fonctionne comme beaucoup de salles municipales ou associatives de banlieue ou de province, programmant des films selon des critères qui ne sont pas toujours étroitement économiques, mais sans aucune subvention de fonctionnement !

On dira : malheur à ceux qui n’ont pas les moyens d’être rentables ! Mais il y a rentabilité et rentabilité : ainsi, une équipe de trois salariés, avec des salaires nets
mensuels de 5 à 6.000 francs, réussit à présenter, au bout de trois ans, le bilan
que nous venons de voir.

Initiative privée, le Rialto-Bananas fait le travail d’un service public, c’est un
équipement culturel de qualité qui accomplit un travail culturel de qualité, avec
un manque à gagner (son déficit) de 100 à 200.000 francs par an, conséquence de cette obstination dans la qualité.

Rêvons un peu

Oui. Pourquoi la ville de Paris n’aiderait-elle pas une petite dizaine de salles
de cinéma bien réparties dans des quartiers périphériques, en échange de la conclusion avec ces salles d’un contrat d’animation (activités en direction des scolaires, des personnes âgées, ouverture aux associations à certaines conditions, etc.), contribuant ainsi à préserver l’animation locale et la qualité de la vie de nos quartiers, surtout le soir, et à rééquilibrer un peu la vie culturelle et sociale hors des centres surpeuplés ?

La dépense, relativement modique (un ou deux millions de francs par an), aurait des effets immédiats sur la vie locale, et n’aurait rien à voir avec ce que coûtera au budget municipal, dans quelques années, la reconstruction de ce type d’équipements collectifs (cinémathèques ou ,vidéothèques d’arrondissements), car quand l’équipement en bibliothèques et discothèques publiques sera achevé, il est sûr que de nouveaux besoins d’équipements tels que ceux-ci verront le jour.

Le besoin urgent d’une politique du cinéma, dans le cadre de la politique de l’audiovisuel, se fait sentir, pour ne pas voir se détruire à tout jamais le tissu cinématographique d’une grande partie de la capitale pour conserver à Paris ce qui la rend unique, entre autres choses : la ville qui est le paradis incontesté des cinéphiles du monde entier.

Pourquoi ne pas inaugurer et expérimenter une telle politique avec le 19ème arrondissement, avec le Rialto-Bananas ?

ARRÊT SUR IMAGE

PÉTITION

Nous, spectateurs du RIALTO-BANANAS (7 rue de Flandre, Paris), habitants et usagers des quartiers environnants, demandons :

1* qu’une aide soit rapidement accordée à cette salle de cinéma, de la part des collectivités locales, pour encourager l’équipe qui l’anime à poursuivre le travail culturel entrepris depuis 3 ans,
2* que, s’il est nécessaire de procéder à l’expropriation du RIALTO-BANANAS dans le cadre de la rénovation de la ZAC Flandre-Sud, son relogement sur place soit prévu et que des facilités lui soient faites pour permettre la continuation et le développement de son activité d’animation de la vie culturelle dans ce nouveau cadre,
3* que, dans les rez-de-chaussée autour du nouveau RIALTO-BANANAS, soient rassemblés, non pas des activités ou commerces qui font, le soir ou le week-end, fuir le passant (exemples : banques, caisses d’épargne, officines de travail temporaire, assurances… ), mais au contraire des commerces
ou activités de types culturel, ludique ou convivial (exemples cinémas, librairies, discothèques, restaurants, cafétérias… ) afin de constituer un mini-pôle culturel susceptible d’améliorer grandement les conditions de la vie locale.

Nous demandons que cette requête soit transmise aux autorités locales, ainsi qu’au commissaire chargé de l’enquête d’utilité publique ouverte au sujet de la ZAC - FLANDRE-SUD.



Stalingrad : la ville à prendre

Le réaménagement de la rue de Flandre va s’accompagner d’une profonde rénovation des quartiers environnants. Ces derniers meurent à petits feux. Les logements se dégradent et les commerces disparaissent. L’âme de ce secteur bâti autour des abattoirs s’enfonce progressivement dans les ténèbres.

1960 : 3 cinémas - 1975 : 2 - 1985 : un seul - Demain :O ?
En 1975, le soir les cafés fermaient après 23h, en 1980 c’était 22h et aujourd’hui 20h.


Maintenant le dimanche, il faut remonter toute la rue de Flandre pour trouver un tabac ouvert. Il n’existe plus de lieu convivial le soir ; bientôt notre arrondissement ressemblera à une commune de banlieue ; un dortoir relié par le métro à la métropole. Les gens resteront bien sagement à regarder la télévision chez eux à partir de l9h. Seuls quelques uns auront le courage de participer régulièrement aux activités de danse, yoga ou autres à la MJC nommée Centre Mathis.

L’enjeu de la rénovation de la rue de Flandre est de savoir : pour qui rénove-t-on ? Pour les promoteurs, ou pour redonner vie aux quartiers ?

- Si on construit des bureaux, la rue s’animera à 9h et 18h du lundi au vendredi.
- Si on bâti des logements du type des chefs d’œuvres de la Place des Fêtes, un rituel peuplement des trottoirs s’établira à 7h en direction des bouches avaleuses de la Metropolitan Corporation (RATP), et inversement le soir à l9h.

Dans ces deux cas de figure, les quartiers ne revivront pas réellement. Alors, que faut-il ? Pourquoi pas un centre commercial ?

Par exemple : On ouvre un super-marché (appelé Hot-Market… pourquoi pas, c’est mieux chébran !) pour faire ses courses, un bureau de banque, une agence de voyage, un tabac et un commissariat de police, car parait-il ce dernier est indispensable. Et voilà le tour est joué, chacun y retrouvant de quoi ne pas mourir de faim en rentrant chez soi.

C’est une solution que l’on retrouve notamment Place des Fêtes (toujours elle !), avec sa grande surface et une agence de la fée EDF. Mais les centres
commerciaux des cités de banlieue n’ont rien à lui envier.

Une autre possibilité est peut-être à côté de ces services fonctionnels, de développer des lieux destinés aux loisirs, à la détente, d’un accès libre et non règlementé, donc autre chose qu’une MJC donnant à tous la possibilité de pouvoir sortir le soir, le week-end sans l’angoisse des transports en commun, la possibilité de rencontrer ses voisins, moyen de battre en brèche à long terme l’isolement des parisiens, et également lieu de vie pour les adolescents errant dans un univers rachitique et moribond.

Une telle solution suppose non pas un centre de commerce ou d’activité enfermé dans un igloo sous une tour de bureaux ou d’habitations mais au
contraire un urbanisme tourné vers l’extérieur.

Tout centre ville qui se respecte dispose au moins d’une rue avec front bâti et petits commerçants au rez de chaussée, allant du boucher à la pharmacie, en passant par le marchand de fringues et le cordonnier ; à côté de la boulangerie on trouve des cinémas, des cafés avec terrasses (pour rêver sous le soleil aux Baléares), des restos, des librairies des discothèques … et même un théâtre.

Alors on se retrouve au troquet, après le "shopping" et on choisit selon notre humeur entre le cinoche ou le resto chilien ou turc, ou alors pourquoi pas le tout à la fois.

Que l’on développe des commerces, des services administratifs ou des loisirs, rue de Flandre, on défini l’avenir de l’arrondissement. Sans devenir le Quartier Latin ou Montparnasse, Stalingrad peut être un nouveau pôle d’activités pour les habitants de l’Est Parisien, qui quoi qu’en pensent messieurs Chirac et Lang ne se satisferont pas des apports culturels des monstres nationaux de La Villette et de la Bastille.

Alors Messieurs les Architectes et Politiques avant de rebâtir la rue de Flandre, réfléchissez à vos actes, la vie ou la mort d’un quartier est en jeu. Si vous choisissez le fric nous aurons compris, les promoteurs et les banques seront contents. Si vous respectez l’éthique de votre mission, tout est permis.


Bernard.


Article mis en ligne par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en septembre 2013.

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