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Du pavillon de jardin à l’habitat collectif


Au début du XIXe siècle, le 20e arrondissement de Paris n’existe pas encore. Charonne et Belleville sont de paisibles villages de banlieue entourés principalement de vignes et de cultures. La plupart du territoire est découpé en de petites parcelles de terrains appartenant à des parisiens qui viennent y passer leur dimanche voir même y prendre leur retraite dans de modestes pavillons de jardin. Chacun aménage l’espace à sa guise, traçant un nouveau chemin pour accéder à son terrain sur lequel est construite une petite maison, sans aucune règle d’urbanisme ou d’alignement. Bon nombre de ces ruelles ne font qu’un a deux mètres de large et charrient en leur milieu les eaux usées du jardin et de l’habitation !

Lorsque ces communes sont rattachées à Paris, en 1860, la physionomie des lieux a bien changé et beaucoup de terres cultivées ont cédé la place à de petits immeubles sans lendemain abritant des logements de une à deux pièces destinés à héberger une population ouvrière croissante. Entre ces immeubles, de vastes tau dis se développent pour abriter les moins fortunés, voir toute une population venue de province et même de l’étranger. C’est ainsi que se côtoient des habitations misérables et d’innombrables petits ateliers travaillant le métal, les cuirs vernis ou les toiles enduites, ainsi que des fabriques d’allumettes chimiques ou la grande usine à gaz de Charonne.

Dans les années 1900 les maisons individuelles sont de plus en plus rares dans le 20ème et celle-ci, bâtie par la famille Delacroix en toute fin du XIXème siècle ou au début du XXème, reste une énigme aujourd’hui. Elle a probablement disparu, mais certains s’en souviennent peut-être et pourraient nous aider à la situer, éventuellement rue des Prairies ou des Rasselins, voir même rue Stendhal ou Boyer, là où sont indiquées les constructions de pavillons dans leurs archives.

Dans les années 1870, la percée de grands axes comme la rue des Pyrénées, l’avenue Gambetta et la rue Belgrand commencent à donner au 20ème arrondissement sa physionomie actuelle. De beaux immeubles, « comme on en fait à Paris » sont construits le long de ces voies, attirant une population plus bourgeoise, d’autant que le métro arrive place Gambetta créant ainsi un lien direct avec le centre de la Capitale.

C’est à cette époque qu’un jeune architecte, brillamment diplômé de l’école des Beaux-Arts, arrive dans ce quartier en pleine mutation. Charles-Jean Delacroix installe son cabinet dans un immeuble tout neuf qui vient d’être construit au 2 de la place des Pyrénées (future place Gambetta). Certes les premières années sont un peu difficiles car on ne lui confie la construction que de quelques pavillons, hangars ou ateliers. Mais progressivement il fait ses preuves, bâtissant bon nombre d’immeubles de rapport de deux ou trois étages voir même cinq à six étages pour ceux des rues de Pelleport, de la Justice ou des Prairies. En une trentaine d’années, de 1877 à 1907, il aura déposé pas moins de 130 permis de construire dans le 20ème ! On lui doit deux constructions qui marquent encore l’arrondissement de Paris de leur empreintes : la crèche situé place Martin Nadaud, construite en 1899, et le temple de Béthanie situé au 185 de la rue des Pyrénées, bâti en 1904. Il est membre du Conseil d’Hygiène du 20ème et architecte de la commune des Lilas. Lors du décès de sa femme, née Marie-Louise Lorieux, le 22 juin 1906, plus de 1500 personnes suivent le cortège funèbre de cette dame « attachée à toutes les bonnes œuvres du 20e arrondissement, ayant le double don de la bienfaisance et de la charité ».

Décédé lui-même prématurément en 1907, à l’âge de 53 ans, c’est son fils Charles-Louis qui reprend le cabinet et poursuit brillamment son œuvre. A peine diplômé de l’École des Beaux-Arts, il enchaîne les constructions d’immeubles et d’hôtels meublés rue Orfila, rue de Buzenval et rue de la Bidassoa.

Charles-Louis Delacroix est l’un des premiers à construire quelques maisons rue Jules Siegfried et rue Irénée Blanc, dans ce quartier joliment nommé « La Campagne à Paris ». Malheureusement la Première Guerre mondiale interrompt totalement l’activité du cabinet durant presque dix ans. Démobilisé en 1919, il reprend progressivement ses activités, poursuivant la construction de pavillons rue Irénée Blanc et d’hôtels rue de la Bidassoa, rue de la Réunion et rue des Pyrénées. Au moins deux de ses bâtiments furent cités par la presse de l’époque comme faisant partie des plus révolutionnaires de leur temps ! Il s’agit de l’hôtel particulier situé au 40 de la rue Fontarabie et de l’imposant immeuble composé de 96 appartements situé le long du Rond-point Saint-Charles, de la rue des Cévennes et de la rue Lacordaire dans le 15ème arrondissement de Paris.

L’espace est-il devenu trop étroit dans le 20ème pour la famille Delacroix ? Toujours est-il que le petit-fils, Henry Delacroix, qui reprend le cabinet familial toujours situé au 2 de la place Gambetta dans les années cinquante, poursuit de grands projets immobiliers dans et hors Paris durant une vingtaine d’années encore, dont l’immeuble situé à l’angle de la rue des Pyrénées et de la rue Stendhal, au dessus du Franprix. Il est architecte en chef de vastes ensembles conçus pour l’Office des HLM de la Ville de Paris dans la proche banlieue dont la fameuse et tristement réputée Cité des 4000 à La Courneuve.

Si vous avez quelques témoignages, documents ou photographies concernant la vie, les jardins et les constructions dans le 20ème arrondissement entre 1870 et 1970, cela nous intéresserait beaucoup d’en prendre connaissance afin d’enrichir une biographie illustrée de cette famille et du quartier dans lequel elle a vécu et s’est beaucoup impliquée.


Patrice GUERIN


Article mis en ligne en juin 2014.

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