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La Maison des métallos et le bas Belleville


Sous la direction de Thomas Le Roux - éditions Créaphis

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Après l’excellent recueil de souvenirs Belleville, Belleville (1994) et le non moins brillant ouvrage La Bellevilloise, une page du mouvement ouvrier français (2001), les éditions bellevillophiles Créaphis ont encore lancé l’année avant-dernière ce troisième livre tout à fait remarquable : La Maison des métallos [1].

La parution de cette collection est révélatrice de l’intérêt nouveau qui, dans la société, s’est fait jour au cours des deux ou trois dernières décennies pour la mise en mémoire des sites usiniers du XIXème siècle, des paysages urbains forgés par la révolution industrielle et de la "civilisation ouvrière" que celle-ci a engendrée.

A cet égard, la partie du 11’ arrondissement qui, de façon géographique et historique, se rattache à Belleville : c’est-à-dire le quartier entre les rues du Faubourg-du-Temple et Oberkampf sur un axe, le boulevard de Belleville et la rue de la Pierre-Levée sur l’autre, ce pays de notre colline, donc, appelé aujourd’hui "Bas Belleville" fut de 1835 environ à la fin des années 1970 un vaste chantier industriel. Il renfermait, disséminés dans toutes les rues, un nombre considérable d’ateliers, de manufactures et d’usines de taille moyenne surtout voués aux productions métallurgiques et aux métiers de l’imprimerie.

De cette ruche, les alvéoles de travail ont presque toutes disparu avec les dernières poussées de la rénovation urbaine et du passé, ne témoignent plus guère en 2005 qu’une dizaine d’hôtels industriels toujours debout. Encore ont-ils été reconvertis à des activités non fabricantes distribuées entre plusieurs sociétés locataires.

Au cœur de la cité bellevilloise des métiers du fer, du bronze, du cuivre et de l’acier, au n° 94 de la rue Jean-Pierre-Timbaud figura une adresse hautement emblématique. Après avoir accueilli de 1859 à 1881 les scieries et hangars du charpentier Alfred Pelletier, elle abrita jusqu’en 1936 une importante unité de fabrication d’instruments de musique en métal ou bois appartenant à l’entreprise familiale Gautrot puis au célèbre facteur Couesnon, dont les produits sont encore vendus dans le monde entier de nos jours et notamment appréciés des jazzmen.

De 1936 à 1997, c’est le syndicat CGT des métallurgistes qui logea ses bureaux, ses salles de réunion ou de fête, dans l’immeuble commercial et, derrière celui-ci, sous la verrière du long atelier de fabrication qu’avaient érigé les industriels. Changeant ainsi d’affectation, tout en demeurant arrimé à l’univers de la métallurgie, le "94", comme on disait, ne perdit en rien sa notoriété car il devint l’un des foyers les plus actifs de la militance ouvrière dans Paris. Maison syndicale, bien sûr, mais aussi maison du peuple, avec une librairie-salle de lecture (sur la rue), des patronages, des banquets, des concerts, des représentations théâtrales, des projections de films, etc.

A la "maison des métallos" se rattachent le souvenir de combattants volontaires pour la République espagnole antifranquiste [2] et celui de résistants à l’occupation de la France par les armées allemandes. Au nombre de ces derniers, Jean-Pierre Timbaud, qui fut le secrétaire régional du syndicat des métallos avant de tomber sous les balles d’un peloton d’exécution ; en 1945, la mairie de Paris donna son nom à la rue précédemment nommée d’Angoulême. La Maison des métallos fut aussi connue comme l’administratrice de la clinique ouvrière des Bluets (ouverte vers le lycée Voltaire) qui, après la guerre, joua un rôle majeur dans les techniques d’accouchement sans douleur ainsi que dans la lutte pour le droit à l’avortement [3].



Livre d’histoire mais aussi de militance

Avec brio, le livre de l’équipe rédactrice de M. Thomas narre dans le détail l’épopée du lieu. Il brosse en passant le portrait d’un "patron de gauche" assez singulier, Amédée Couesnon, qui fut député radical-socialiste, donna certains avantages sociaux à ses ouvriers, qu’ailleurs, les travailleurs obtiendront plus tard, et ouvrit dès 1891 une dépendance de la fabrique à des causeries politiques. Autour de cet établissement, les auteurs parviennent à reconstituer le vieux maillage industriel du bas Belleville tout en livrant une étude documentée des architectures. Leur ouvrage est plus que l’accomplissement d’un devoir de mémoire ; il constitue aussi un compte rendu de lutte, celle qu’un regroupement d’associations, justement appelé Comité Métallos [4], a menée de 1999 à 2002 afin de soustraire la Maison des métallurgistes aux opérations de promotion immobilière après que le syndicat eut mis en vente sa propriété pour gagner le nouveau siège confédéral de la CGT à Montreuil. Ce combat associatif, âpre et difficile, a finalement payé puisque la Ville de Paris a racheté les locaux et fait classer les constructions industrielles aux Monuments historiques. Elle a aussi confié au Comité l’administration du "94", qui, pour la plus grande satisfaction des amoureux du quartier, est devenu une "maison des savoirs et des cultures de l’Est parisien". Elle organise et accueille depuis lors de nombreuses manifestations.


Maxime BRAQUET


Article mis en ligne en 2010 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens. Actualisé en octobre 2014.

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[1Nous n’avons que des compliments à adresser à la politique éditoriale de Créaphis et néanmoins un regret à lui exprimer aussi, sous forme de question, sur la diffusion de ses produits : comment se fait-il que, mis à part Belleville, Belleville, on ne les trouve que très difficilement sur le marché des librairies, et même dans les bibliothèques publiques ? Ils sont pourtant d’une valeur documentaire de premier ordre. Contacts : creaphiseditions@wanadoo.fr ou 04 75 62 74 89.

[2voir photo dans Q. L. 78/79

[3v. Q. L. 98/99 l’article sur le Dr Lamaze

[4Dont font partie les amis de Quartiers Libres. L’Union fraternelle des métallurgistes (UFM) a également participé au combat.

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Réactions
par ROBERT VINCENT POUR Monsieur PYTEL - le : 19 janvier 2017

La Maison des métallos et le bas Belleville

Bonjour,
je suis à la recherche des pages 22-23 et 36-37 de l’ouvrage La Maison des métallos et le bas Belleville
comment puis-je me les procurer en copie et scanner en retour
Merci d’avance

Répondre à ROBERT VINCENT POUR Monsieur PYTEL

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