Nos vieux cafés

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La Vielleuse et Le Point du jour

Destins parallèles de deux instiitutions bellevilloises

Rédaction révisée par l’auteur, Maxime Braquet, au 17 novembre 2020. [1]

Avertissement : les astérisques qui, dans notre texte, apparaissent ça et là, renvoient à la bibliographie en fin d’article.
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Les cafés sont avec les pharmacies et les boulangeries les commerces qui se perpétuent le plus longtemps à la même adresse. La lecture des annuaires le démontre. Ces boutiques changent de propriétaire – ou de gérant – et de décor, bien sûr, mais leur type d’activité demeure. Parfois même, leur enseigne se transmet.
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Entrée de la rue de Belleville en 1905. © Coll. de l’auteur

La paire de cafés dont nous suivrons l’histoire ici est aussi ancienne. L’un de ceux-ci est très connu, La Vielleuse, bien en vue à l’angle des boulevard et rue de Belleville ; l’autre, Le Point du jour, campé en face, au coin du boulevard de la Villette, l’était aussi naguère, jusqu’à ce que, en 1973, la rénovation du quartier ne le condamne à la démolition. L’urbanisme rompait ainsi la symétrie qui fit un jour dire à l’écrivain indigène Clément Lépidis que ces deux bistrots populaires formaient les piliers d’une entrée solennelle dans Belleville. 


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Vers 1960, les deux cafés toujours en miroir. © Coll. de l’auteur



Ces maisons de bouteille, comme l’on disait autrefois, illustrent un phénomène historique qui, à Belleville et dans d’autres banlieues de la capitale [2], s’est caractérisé par une progressive aliénation des propriétés agricoles tout au long du XVIIIe siècle à partir de la fin du règne de Louis XIV, cela surtout dans les basses parties occidentales en ce qui regarde notre pays montueux. Les demeures de campagne de riches bourgeois en profiteront de manière particulière ainsi que les commerces de vin, ces derniers étant souvent ouverts par des paysans reconvertis.
Tel dut être le cas des ancêtres de nos deux maisons de boisson. En tout état de cause, c’est la plus exacte façon de désigner leur activité car il ne s’agissait pas et ne s’agira jamais vraiment de cabarets champêtres, les fameuses guinguettes, qui abonderont dans le bas de Belleville à partir de la Révolution française. Les guinguettes, en plus de servir boissons et repas, offraient au public l’agrément d’un jardin et d’un parc, avec des aires pour les jeux et la danse. Leur registre était donc plus ample.

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La barrière d’octroi de Belleville en 1819, vue du côté de Paris. Passant devant les bâtiments de douane conçus par le célèbre architecte Nicolas Ledoux, le chemin de ronde intérieur, amorce des futurs boulevards de la Villette et de Belleville. Dessin de Jean-Louis G.-B. Palaiseau. Comme on le voit, le secteur est encore un peu campagnard à cette date. © BNF/Gallica

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C’est l’un des points de rendez-vous usuels pour les Parisiens qui ont à faire à Belleville. S’il a tant soit peu l’humeur exploratrice, le visiteur qui pénètre de nos jours dans La Vielleuse par la porte du côté de la rue de Belleville, où se tient un stand à crêpes, ce visiteur, donc, avise tout de suite à gauche, accroché au mur, un singulier élément de décoration : un rectangle de miroir encadré, zébré d’une profonde fêlure et orné de l’effigie peinte d’une joueuse de vielle à roue. « Voilà donc la déesse tutélaire de la maison », commence par se dire le curieux, établissant le rapport avec le nom de l’enseigne.

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« Fanchon la Vielleuse » en scène. L’instrumentiste au centre. © BNF/Arts du spectacle

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La vielleuse, imperturbable sous la fêlure, actionne toujours la manivelle de son instrument en 2020. Le dessin est manifestement de style ancien. © M. Braquet


Mais une question germe presque simultanément dans sa tête. Pourquoi exposer un bout de miroir fêlé ? Un tel étonnement dénote l’ignorance de l’état des lieux trente ans plus tôt. En effet, la mise en scène de la musicienne était alors bien différente car sa peinture trônait au centre d’une glace qui, face à l’entrée, courrait tout du long et à l’arrière du comptoir. L’encadré qui se voit de nos jours n’en constitue donc qu’une petite découpe. La glace, en 1982, était déjà fêlée mais une inscription portée au-dessus, et qui a disparu aujourd’hui, donnait l’explication de l’intrigante ornementation. On lisait : « Malgré la Grosse Bertha qui la blessa le 9 juin 1918, elle [la musicienne] n’a jamais cessé de jouer l’hymne de la victoire. » Ainsi le miroir zébré et décoré se veut-il le rappel d’un évènement survenu à la fin de la Première Guerre mondiale, quand la glace pâtit du souffle de l’explosion d’un obus tiré par un canon allemand de longue portée et tombé près du café [3]


Vers 1978 : la fameuse glace fêlée et l'inscription patriotique. © DR



De « La Vache noire » à « La Vielleuse »
Mais La Vielleuse, à l’époque, était déjà une dame plus que vénérable. Elle avait bien entendu connu diverses expériences et changé plusieurs fois d’aspect au cours de sa très longue existence. C’est autour de 1780 qu’il faut remonter pour trouver les origines. En ce temps, le commerce de boisson se nommait La Vache noire, appellation héritée de la désignation antérieure d’une ferme agricole, reconvertie [4]. En 1811, elle devenait la propriété de l’illustre famille des Dénoyez, qui possédait un véritable empire cabaretier dans toute la Courtille [5]. L’enseigne de La Vielleuse, c’est Gilles-Joseph Dénoyez ou son frère cadet Jean-Claude qui la substitua à La Vache noire. Le changement ne corrigeait pourtant en rien le décalage entre la désignation de l’établissement et la nature de son activité.
Pourquoi Vielleuse, peut-on en effet interroger ? Nous ne sommes pas en mesure de l’assurer mais l’hypothèse vient assez bien d’invoquer un écho du succès populaire exceptionnel rencontré depuis 1803 dans les salles de théâtre par une comédie-vaudeville : Fanchon la Vielleuse, de Jean-Nicolas Bouilly et Joseph-Marie Pain [6]. Une explication plus directe découlerait simplement du fait qu’une joueuse de vielle à roue conduisait le petit bal qui était donné le dimanche dans l’établissement. C’est la raison qu’avance du moins un journaliste, Emmanuel Patrick, au sein de l’article qu’il consacre à La Vielleuse dans la sortie du 8 avril 1888 de l’hebdomadaire Le Courrier français [7]. Ce journaliste se montre encore plus intéressant quand il nous informe de l’origine d’une statuette à l’effigie de l’instrumentiste qui, très longtemps — bien après que M. Patrick put la voir de ses propres yeux vers la fin du XIXe siècle — orna, sur la rue, le dessus de l’entrée du cabaret, figurant en quelque sorte son fétiche. La version primitive, en terre cuite, aurait été mise en place en 1822.


La bougeotte de la statuette
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La sculpture de la vielleuse a changé de place au fil du temps. La photo de gauche, en haut, date des années 1900 et la suivante, du milieu des années 1930. Quant à celle du bas, prise dans les années 1970, elle donne à constater le retrait pur et simple de l’effigie. © Coll. de l’auteur et DR




Au temps des Dénoyez

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1842 : le départ du cortège de la descente de la Courtille à la barrière d’octroi de Belleville (tableau de Célestin-François Nanteuil). « La Vielleuse » est cachée par le bâtiment de la douane. Apprécier le changement d’aspect du coin en comparant avec la gravure de Palaiseau incrustée plus haut. © Musée Carnavalet

La famille Dénoyez constitue à elle seule le symbole de la grande époque bellevilloise des guinguettes de la Courtille, quartier où se situaient Le Point du jour et La Vielleuse. Entre 1800 et 1848, au sein d’un paysage d’où s’effacèrent progressivement les derniers vestiges campagnards, les cabarets Dénoyez et quelques concurrents telle la maison Favié, au 13 de la rue de Belleville, attireront sur la pente occidentale de la côte de Belleville des foules de Parisiens en goguette, avec un pic de liesse aux heures du carnaval annuel [8]. Moins impliquée que sa sœur du 8, rue de Belleville : les Folies-Dénoyez, La Vielleuse ne trouva pas moins le chemin d’honneur de la grande histoire, au mois de février 1871, en prêtant ses locaux pour une réunion du club révolutionnaire local [9]. On était alors à la veille de la Commune ; Jules Vallès découpe la silhouette de notre café dans le théâtre sombre des combats qui, fin mai, ensanglantèrent la mort de la révolution ouvrière. A la date du 28 mai 1871 de son roman autobiographique L’Insurgé, l’écrivain communard écrit : « Aux fenêtres de La Vielleuse, et de toutes les maisons d’angle, les nôtres ont mis des paillasses, dont le ventre fume sous la trouée des projectiles. »



A l’ère Duchemin

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La terrasse de « La Vielleuse » (maison Epingard) vers 1895. © Coll. de l’auteur

Comme tous les cafés de la haute Courtille, La Vielleuse avait, depuis la fondation du IIe Empire, pâti sensiblement de la perte par le quartier de sa notoriété antérieure de pays de la fête et des plaisirs et de son acquisition d’une nouvelle réputation, celle de terre des révoltes sociales. En recul de statut dans la faveur parisienne en général, La Vielleuse n’en continuait pas moins sa carrière comme institution populaire locale, donc bellevilloise. En 1888, quand le journaliste Emmanuel Patrick écrivait l’article cité plus haut, les Dénoyez étaient encore propriétaires mais, suffisamment enrichis, avaient bien plus tôt délégué l’exploitation de l’établissement du 2, rue de Belleville à des gérants. Pour les décennies 1890-1900, l’édition annuelle de l’Annuaire-almanach du commerce, de l’industrie et de l’administration Bottin-Didot nous livre quelques noms, dans l’ordre chronologique : Mayeur, Epingard, Audrières… C’est vers 1912 que la famille Dénoyez céda définitivement les clés à une autre famille, les Duchemin. Nouvelle prise en main durable puisque la propriété Duchemin se maintiendra jusqu’en février 1982, au temps de la gérance de M. Valette.



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En 1965, Mme Fau-Duchemin, la patronne, au comptoir. Derrière elle, l’effigie de la vielleuse peinte à même le miroir. © DR

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Terrasse sur le boulevard de Belleville dans le milieu des années 1970. Derrière la vitre, on distingue encore un coin conservé de l’ancienne salle de billard. Sur la droite du cliché, c’est l’entrée du cinéma « Cocorico », lui aussi emblème bellevillois. © DR



C’est alors que le bâtiment tout en rez-de-chaussée du café fut démoli pour faire place aux constructions modernes que nous connaissons aujourd’hui et au pied desquelles La Vielleuse a repris vie dans d’autres mains, avec une peau différente d’où l’esprit d’antan a automatiquement disparu.


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L’heure triste de la démolition, 1982, côté boulevard de Belleville. A la suite des ruines de « La Vielleuse », encore debout mais plus pour longtemps, la silhouette un rien fantastique du cinéma « Cocorico ». © Photo Lucien Sfez


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La moderne « Vielleuse », sans statuette. © Photo M. Braquet

Pour clore le chapitre, il est plaisant de donner la parole à l’amoureux fou de Belleville qu’était l’écrivain Clément Lépidis. Auteur de plus de cinq livres sur notre quartier de Paris, il a évidemment fréquenté La Vielleuse — et aussi Le Point du jour — dans les années 1950. Il en résulte, dispersées dans son œuvre, des notes descriptives et d’atmosphère savoureuses. Lépidis rapporte ainsi, dans son roman La Main rouge*, que La Vielleuse fidélisait une clientèle de joueurs de billard, jeu dont les meubles étaient disposés au bout de l’« impressionnante » courbe dessinée par le comptoir, du côté du boulevard. Le café fonctionnait en effet aussi comme académie de billard et des tournois importants s’y tinrent. C’est dans la peinture d’une autre sorte de clients et des tableaux qu’ils composaient dans les locaux de l’établissement que le grand romancier bellevillois abonde : « Miséreux du rouge et du petit blanc qui fait trembler, écrit-il dans Belleville*, les derniers spécimens de dinosaures de l’ivrognerie hantèrent longtemps le bas de la rue de Belleville. […] L’histoire de ces gens était tragique. Ils buvaient leurs économies – quand il y en avait –, le travail en cours et la quittance de loyer, le mobilier, le linge. Puis, quand il ne restait plus que des hardes, ils s’en faisaient un balluchon et s’en allaient chercher refuge au comptoir de La Vielleuse […], devant la glace que la Grosse Bertha fêla […]. La nuit venue, ils couchaient à la terrasse du café sur quelques chaises qu’un garçon compatissant laissait en place, exprès. De semaine en semaine, hommes et femmes, surtout les femmes, tombaient de plus en plus bas dans la déchéance. La dernière étape avant la mort, c’était le renfoncement de l’ancienne boutique du photographe qui jouxtait l’entrée du cinéma Cocorico. » [10] Ce brave Clément forçait sans doute un peu le trait du pittoresque misérabiliste et un tantinet folklorique. Mais l’auteur du présent article peut livrer un témoignage personnel des années 1978-1980 sur la perpétuation du culte de la dive bouteille à La Vielleuse : à l’heure de fermeture, vers 23 heures, quelques clients buveurs de fond demeuraient scotchés au comptoir derrière lequel, du reste, le taulier et le dernier garçon de service n’étaient pas tellement moins imbibés. Cela donnait des scènes de « vidage » ineffables !



Ambiance à La Vielleuse.
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Cette image a un double mérite. D’abord de montrer une scène d’un film pas assez reconnu pour sa qualité, Neige, de Juliet Berto et Jean-Henri Roger, tourné en 1981. Ce qu’on voit, c’est exactement la partie bar de l’établissement ancien. La co-réalisatrice est elle-même présente dans le cadre, en serveuse en train d’attacher son tablier ; au comptoir, dans la pose du taulier près de sa caisse, l’acteur fameux Jean-François Stévenin. L’autre mérite, c’est d’être un témoin visuel des dernières heures de la vénérable Vielleuse, qui sera démolie en 1982. © DR

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Le Point du jour a sûrement connu un destin comparable à celui de La Vielleuse. Il nous faut cependant avouer ne pas disposer d’une documentation égale en ce qui le concerne. Nous n’avons notamment pas entrepris de recherche en archives. Ou presque pas. Voici le détail d’un plan de Paris et de ses environs établi en 1790 par l’architecte de renom Edme Verniquet :


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© BHVP


Il est pour nous intéressant à deux égards ; d’abord, il montre au centre de l’image le site de l’octroi de Belleville dans le mur des Fermiers-Généraux. La barrière est posée au travers de l’axe de nos actuelles rues du Faubourg-du-Temple et de Belleville ; le célèbre Mur court perpendiculairement au nord et au sud, marquant l’emplacement des futurs boulevards de Belleville et de la Villette. Paris est donc vers la gauche de l’image. De l’autre côté, sur le territoire bellevillois, le cartographe a généreusement hachuré les surfaces pour donner à lire que le pays est encore, dans cette direction, en grande partie voué à l’agriculture par des clos, des champs et des prés — mais cela ne va plus durer longtemps. L’intérêt de sa carte s’accroît en raison des quatre carrés noirs qu’il a inscrits, par paires et en vis-à-vis : les deux premiers, en aval de la côte de Belleville, figurent les guichets douaniers ; l’un des deux autres parallèlement disposés à quelque distance vers Belleville, encadré de rouge par nos soins, correspond au bâtiment du cabaret de La Vache noire.


Quand « Le Point du jour » a-t-il point ?
Et en face ? Nous aimerions dire qu’il s’agit là encore, à cette date lointaine, de l’abri d’un débit de boisson mais nous n’avons pas de document le prouvant. Pourtant, le fait que Verniquet n’ait figuré sur son plan que ces deux points à l’exclusion des bâtiments fermiers : granges, remises… évidemment présents dans un contexte paysan, ce choix graphique, donc, tendrait à indiquer que le carré supérieur, comme celui qui représente La Vache noire, symbolise un café ou, à tout le moins, un commerce. Une maison de bouteille de préférence car, dès les premières heures de la gloire guinguettière de la haute Courtille, les années 1810-1820, les chroniqueurs de l’époque [11] dépeignent un alignement de cafés sur le trottoir de gauche en grimpant la rampe bellevilloise, parfait reflet, du reste, de ce qui se passe sur le trottoir de La Vielleuse. Sont nommés sans aucune précision d’ordre, ou bien vague, le Café de Page, le Petit Chaume, le Darbois, le Petit Bacchus… L’un de ceux-ci, nécessairement, occupait l’encoignure de la rue de Belleville et du chemin de ronde extérieur des douaniers [12]. C’est lui le premier de cordée de tous les cafés qui, jusqu’en 1973, vont se succéder place pour place sur ce site.


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« Au Point du jour » autour de 1905. © Coll. de l’auteur

Selon le journaliste Emmanuel Patrick, que nous avons déjà cité à propos de La Vielleuse — et sur la valeur des informations duquel nous avons exprimé des réserves (voir la note 1) —, un sieur Gayon fut pendant quelque cinquante ans le propriétaire de l’endroit. Ce qui nous conduit aux années 1860. La main passa ensuite, toujours d’après notre chroniqueur, à M. Derondel (ou Derondelle). L’Annuaire de Belleville et Ménilmontant édité en 1853 et 1854 par la municipalité bellevilloise nous révèle toutefois que, à ces dates, Gayon avait confié la gestion de l’établissement au traiteur-restaurateur Crispoul, et le précieux outil de recherche que se révèle être pour l’historien l’Annuaire-almanach du commerce, de l’industrie et de l’administration Bottin-Didot nous invite à penser que Derondel employa aussi des gérants : Seurre, Allary aîné (en 1872)… Nous formons l’hypothèse que c’est au temps d’activité de ces personnes-là que se réalisa ce que signale Patrick, à savoir le remplacement de la « maisonnette de bois » originelle par une construction de pierre. Nous voulons aussi croire que c’est réellement alors, pour l’inauguration du nouveau bâtiment, que fut inventée l’enseigne Au Point du jour, dont le nom ne fut cependant prononcé qu’en 1885 pour la première fois publiquement par un chroniqueur puis, en 1888, par le journaliste du Courrier français [13].



Un rendez-vous d’artistes…


Le meilleur du « papier » de Patrick arrive quand ce dernier peint la manière de café littéraire et artistique qui, selon lui, prit forme au commerce de M. Gayon. « Quelques célébrités des arts et des lettres, écrit-il-il, ont fréquenté à diverses dates cet établissement. notamment […] Saintine, Briffault, les peintres Diaz et Léon Coignet, les sculpteurs Barye, Vechtte et Lhorz. Paul de Kock [14], trop gentleman pour fréquenter habituellement des lieux semblables, y est allé pourtant plusieurs fois, mais en observateur, et c’est là qu’il a pris les types de quelques personnages de ses romans. » [15] Saintine et Briffault, deux amis, ont pu avoir leur rond de serviette chez le traiteur Crispoul car ils habitèrent Belleville vers 1840 et prendre leur repas en compagnie d’autres bonnes relations écrivaines et également « voisines de palier » en pays bellevillois : Merville et Michel Masson.


Des clients du 1, rue de Belleville
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…et de dangereux subversifs
Arriva-t-il à ces convives de plume, de brosse et de ciseau de s’attabler parfois avec un autre habitué du café, un peu plus vieux qu’eux et qui possédait un talent bien différent du leur, celui de refaire le monde par la philosophie sociale. Etienne Cabet (1788-1856) était son nom et il l’avait rendu

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Etienne Cabet vers 1848. Peinture de SG. Gallica. © BNF/Gallica

assez célèbre par la publication d’un livre : Voyage en Icarie (1842) qui, aujourd’hui encore, passe pour l’un des standards de l’utopisme de la société idéale. Sa fréquentation de Belleville, où il ne résidait pas, ne devait rien au hasard. Sous le règne du roi Louis-Philippe, la haute Courtille fut en effet l’un des lieux de Paris et de sa couronne où l’esprit insurrectionnel de juin 1848 germa puis se développa. La Préfecture de police surveillait particulièrement l’activisme communiste des néo-babouvistes — courant différent de celui de Cabet —, qui, sous la houlette locale de Bernard Pornin (voir à la note de fin de texte suivante), infiltraient les sociétés chantantes populaires dites « goguettes ». C’est d’ailleurs, si l’on se rapporte au dire de Patrick, dans les murs du café dont nous parlons ici que, aux lendemains de l’émeute ratée contre l’Assemblée nationale, le 15 mai 1848, la police arrêta le révolutionnaire Léopold-Joseph Villain, président de la Société des droits de l’homme et du citoyen [16].



Apparition et disparition

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Très intéressante carte postale de la fin des années 1910 qui, en enfilade, fait voir « Le Point du jour », « La Vielleuse » et l’annonce publicitaire de l’ouverture du cinéma « Cocorico ». © Coll. de l’auteur


L’apparition du bâtiment du Point du jour, celui-là même que montrent les cartes postales de notre iconographie, est le marqueur du passage d’époque classique dans l’histoire de Belleville qui intervint vers 1860. Etait alors clos le temps où Belleville, la Courtille pour être plus précis, jouait un rôle du parc d’attractions pour le tout-Paris d’avant l’industrialisation. Le temps où le prestige des légendaires guinguettes Grand Saint-Martin, Bal Favié, chez Marichaux.. rejaillissait sur les simples maisons de boisson tel notre Point du jour. S’ouvrait l’époque qui mène jusqu’à nos jours où, dans un Belleville ramené à une gloire sans doute plus régionale, Le Point du jour, comme son jumeau de la grand-chaussée, La Vielleuse, remplit avec dignité une fonction d’institution bistrotière de quartier.
Pilier gauche du fameux portail d’entrée triomphale dans Belleville, symétrique remarquable, l’immeuble du Point du jour n’avait pas moins une dimension de toute apparence plus fastueuse que celle du bâtiment de La Vielleuse. Il comprenait par exemple un étage, qui devait abriter un restaurant et des salons. Nous avançons ce dernier point car une académie historienne très active au début du XXe siècle, la Société du vieux Belleville [17], donnait des conférences dans l’enceinte de l’établissement : c’est ce qu’attestent des cartes d’invitation conservées dans le carton du fonds Saffroy aux Archives de Paris (cote D30Z). Peut-être la partie restaurant ou brasserie était-elle cette salle désignée « Café Vieille Renommée » sur une réclame passée dans les pages d’un journal local bellevillois, Le Funi, en 1926 :


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Publicité du « Point du jour » dans le journal « Le Funi » du 4 octobre 1926. © BNF/Gallica


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Photo de presse, « L’Intransigeant », 3 février 1936 : le coureur Chimbert, futur vainqueur du Critérium cycliste des porteurs de journaux, en train de passer, boulevard de la Villette, devant le café « Au Point du jour ». © BNF/Gallica


Comme à La Vielleuse, le billard avait sa place, au rez-de-chaussée. Dans l’échelle des valeurs populaires locales, le café du 1, rue de Belleville laissait peut-être la place d’honneur à celui d’en face mais il eut ses fidèles nombreux. Puis vint le couperet de 1971, quand tomba, conséquence des progrès urbanistiques, l’avis d’expropriation qui préluda à la démolition deux ans plus tard. A l’emplacement du valeureux Point du jour s’étale dorénavant le jardinet qui pare le pied du bloc monumental où la CFDT a son siège confédéral national.


Une expérience à la Perec
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Le début de la fin, en 1972. © Photo : François-Xavier Bouchart

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Après la fin : un jardin a pris la place. © Photo 2020 : M. Braquet


Maxime Braquet



BIBLIOGRAPHIE
Abréviations utilisées : BNF, Bibliothèque nationale de France, sites François-Mitterrand, Richelieu et Arsenal. - BHVP, Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
* Maxime Braquet et Christiane Douyère-Demeunelaere, La Gloire de la Courtille, bulletin de liaison de l’Association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement, n° 30, 2004.
* Clément Lépidis, La Main rouge, éd. du Seuil, 1978. Pour l’environnement de La Vielleuse, on lira particulièrement de cet auteur Belleville au cœur, éd. Vernet, 1980, Des dimanches à Belleville, éd. ACE, 1984, ou encore Belleville, écrit en collaboration avec l’historien bellevillois Emmanuel Jacomin, éd. Veyrier, 1975, réédition en 1988.
* M. R***, Promenade à tous les bals publics de Paris, barrières et guinguettes de cette capitale, 1830 (réédité en 1848). A la BHVP ; lire particulièrement le chapitre 31, « Barrière de Belleville ».
* B. R., Histoires de Paris depuis son origine jusqu’à nos jours[…] de ses promenades, de ses barrières, de ses faubourgs, de ses fortifications, de sa banlieue, etc., éd. Renaud et Cie, 1857. A la BHVP.
* Annuaire de Belleville et Ménilmontant, : aux Archives de Paris pour l’édition 1953, à la BHVP pour 1954.

[1Mise au point : la version rédactionnelle primitive de cet article, elle-même retouchée une première fois en décembre 2018, s’appuyait amplement, quant au récit des origines de ces deux cafés, sur des articles écrits (publiés du moins) le 25 mars 1888, pour Le Point du jour, et le 8 avril suivant, pour La Vielleuse, par le chroniqueur Emmanuel Patrick au sein d’un hebdomadaire littéraire et artistique qui rencontra un assez large public au XIXe siècle : Le Courrier français. La confrontation des récits de M. Patrick (qui signait aussi ses « papiers » Auguste Lagarde) avec d’autres sources de renseignement nous a cependant conduit au constat que nombre d’informations données par ce journaliste sont, soit imprécises et déformées, soit inexactes voire carrément erronées. Nous n’en donnerons que trois exemples flagrants.
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M. Patrick parle du Point du jour comme si cet établissement tenait déjà, « dans les premières années du XVIIIe siècle », sa place au coin de nos boulevard de la Villette et rue de Belleville. Or tous les plans terriers et les rôles de paiement d’impôt indiquent qu’il n’y eut pas là de café avant, en gros, 1780. Le journaliste du Courrier français a sans doute confondu avec un établissement de nom presque identique, Le Château du coq du point du jour, qui, sis du côté de notre rue Saint-Maur, figura un concurrent sérieux du célébrissime Tambour royal, de Jean Ramponeau. Il convient toutefois d’arrondir la critique tant la confusion est facile car cette inspiration d’enseigne court partout les rues et les villages. C’est en tout cas au Point du jour du bas de la cote de Belleville et non à l’autre — qui nous intéresse ici — qu’il s’impose de rapporter la savoureuse anecdote que retrace Patrick mettant en scène de belles dames savantes du règne de Louis XV. Le journaliste a aussi été abusé visiblement par l’emploi de la désignation topologique « haute Courtille » dans de vieux documents. Il faut alors savoir que, vers 1730-1760, l’usage se fit de manière assez courante d’appeler ainsi le secteur qui surmontait immédiatement la rue Saint-Maur. Au lendemain de l’élévation du mur des Fermiers-Généraux, à la veille de la Révolution française, le même usage remonta cependant son champ d’application au pied de la rue de Belleville, la zone précédant la barrière d’octroi accaparant entièrement pour elle la qualification de basse Courtille.
Patrick nous inspire tout autant la circonspection quand il écrit que La Vielleuse fut achetée en 1788 par le traiteur Jean-Joseph Close, célèbre en raison de l’invention d’une recette de pâté de foie gras. Si ce dernier, venant d’Alsace, s’est jamais installé à Paris, le chroniqueur du Courrier français est le seul à le dire, mais faisons-lui confiance là-dessus, ce n’est pas impossible. En revanche, les actes notariés existent pour assurer que l’achat (ou la location) d’une boutique par Close à la Courtille ne s’y est pas enregistré, premier point, et, second point, que le nom d’enseigne même : La Vielleuse, n’apparaît pas avant 1815. Un autre exemple de flou historien qui suscite le doute survient lorsque Patrick, plongeant dans les circonstances anciennes ayant vu la naissance du site du café, décrit une fête des Brandons qui s’est déroulée — et fut marquée par un grave incendie — en janvier (1740) alors que le calendrier liturgique chrétien annuel cale de façon fixe cette festivité paysanne : la quadragésime, en code catholique, au premier dimanche du temps de carême (fin février).
Pour tout cela, nous avons estimé nécessaire, prudent en tout cas, de revoir notre copie en éliminant celles des infos de Patrick qui apparaissent les plus improbables et les moins vérifiables en même temps. Nous ne recommandons pas moins, ne serait-ce que pour découvrir l’art pittoresque du récit de M. Patrick, la lecture de ses deux articles en ligne sur Gallica, le site des textes numérisés de la BNF.

[2Rappelons que, jusqu’en 1860, Belleville fut une commune indépendante de Paris.

[3La précision historienne nécessite de dire que, à cette date, le canon coupable n’ était plus la Grosse Bertha mais celui que l’état major de l’armée de Guillaume II dénommait le Ferngeschütz, ou Pariser Kanonen. L’explosion, outre les dégâts matériels, ne fit heureusement que des blessés pas trop graves.

[4La préhistoire du lieu est décrite avec force détails par M. Denis Goguet, notre confrère chercheur et ami, dans deux articles mis en ligne sur le site Web Paris Est Villages (http://www.paris-est-villages.com) et entrant dans la rubrique « Les histoires du père Denis ». Nous profitons de l’occasion pour remercier vivement M. Goguet de l’aide qu’il nous a apportée, sur ce point et d’autres, dans la rédaction de notre texte, notamment avec la communication de copies de documents anciens.

[5Nous l’avons déjà présentée dans notre article sur le café Aux Folies, mis en ligne sur ce site même. Pour de plus amples informations, on pourra lire la brochure La Gloire de la Courtille*.

[6La pièce profitait elle-même de l’aura légendaire d’une praticienne du rustique instrument de musique qu’est la vielle à roue et porteuse du prénom de Françoise. Elle avait quitté ses Alpes natales afin de faire — avec grand succès — fortune à Paris sous le règne de Louis XVI.

[7Cet article fait partie d’une longue chronique, débitée en feuilleton à la semaine, célébrant les très anciens cafés de Paris (voir la note n° 1).

[8Voir La Gloire de la Courtille,* et, sur le présent site Web, notre article « La descente de la Courtille ».

[9D’après Gustave de Molinari, Les Clubs rouges pendant le siège de Paris, éditions Garnier frères, 1871, à la BNF, ou réédition Hachette « Les livres BNF », 2012.

[10Au 128 du boulevard de Belleville. Ouvert en 1919 par l’ex-acteur vedette de la Gaumont René Cresté, ce cinoche de quartier doté d’une étonnante cabine de projection en saillie sur la rue, a été démoli lui aussi en 1982.

[11Notamment deux auteurs dont les ouvrages ont été édités sous le voile pudique ou désintéressé de l’anonymat : voir M. R*** et B. R. à la bibliographie en fin d’article.

[12On disait alors chemin de ronde extérieur de la Chopinette.

[13

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A cette date, le propriétaire-exploitant du café était M. Caux, nommé par Patrick ; Alphonse de son prénom, précise l’Annuaire Bottin-Didot. Ce même ouvrage fonctionnel désigne D. Girard autour de 1900 et L. Astord pour les années 1920. Il semblerait que le dernier patron de l’établissement ait été, à partir de 1931, la société Saint-Etienne et Johannin.

[14Pour une présentation générale de cet auteur très lié à Belleville, on pourra lire Paul de Kock, bulletin n° 54, 2013, de l’Association d’histoire et d’archéologie du 20earrondissement. Il renferme de nombreux extraits des romans de De Kock concernant Belleville.

[15Patrick commet des erreurs à deux niveaux : Vechte, et non Vechtte, n’était pas sculpteur mais ciseleur en joaillerie (il habita au 22 de la rue des Panoyaux, à Ménilmontant) ; ce n’est pas Léon Coignet mais son confrère et homonyme Jules Coignet, de l’Ecole de Barbizon (voir l’encadré). Le sculpteur Lhorz est totalement inconnu des dictionnaires d’artistes comme le Bénézit. Est-ce la bonne orthographe ? De telles fautes sont symptomatiques du manque de rigueur de notre journaliste dans le contrôle des informations.

[16Sur tous ces aspects, le lecteur se reportera avec profit aux sources d’information suivantes : 1° Sur la plateforme du Web où nous sommes, l’article « Les journées insurrectionnelles de juin 1848 à Belleville et Ménilmontant ». On trouvera dans cet article un chapitre sur le personnage haut en couleur de Bernard Pornin ; 2° Ménilmontant en goguettes, bulletin n° 38 , 2007, de l’Association d’histoire et d’archéologie du 20earrondissement. Ajoutons que le menuisier Deprat, membre en 1848 du Club des démocrates socialistes de Belleville, habitait l’immeuble même du 1, rue de Belleville.

[17Elle était présidée par le docteur Philippe Dally, connu par ailleurs pour être l’auteur d’un ouvrage de grande référence sur l’histoire ancienne de Belleville : Belleville, histoire d’une localité parisienne pendant la Révolution, 1912. Lisible à la Médiathèque Marguerite-Duras.

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Réactions
par inconnu - le : 1er novembre 2012

La Vielleuse et le Point du jour, portail historique de Belleville

Je ne connaissais pas votre site, particulièrement intéressant ! Je me suis pourtant passionné pour "La vielleuse", jouant moi-même de cet instrument !
Le miroir est une représentation de "Fanchon la vielleuse", personnage ayant eu un succès énorme dans les années 1760-1770.
La légende créée autour de Fanchon est très éloignée de la réalité ! Françoise Chemin (Ciamin pour ses parents restés dans le royaume de Piémont-Sardaigne) , est née en 1737 (à PARIS ?)sa famille est originaire d’un petit village du comté de NICE, aussi "savoyard" que Chambery ou Annecy !
Je pourrais vous en parler pendant des heures !

Répondre à inconnu

le : 4 novembre 2012 par Salvatore en réponse à inconnu

La Vielleuse et le Point du jour, portail historique de Belleville

Merci pour votre message et surtout si vous avez des choses à nous apprendre et à partager, n’hésitez-pas à nous envoyer vos articles à info@des-gens.net

S.Ursini
La Ville des gens

par inconnu - le : 29 janvier 2013

La Vielleuse et le Point du jour, portail historique de Belleville

il est stupéfiant de lire sous la photo représentant les deux établissements "photo datant de 1905" alors que sur celle ci nous distinguons
clairement une deux chevaux et une quatre chevaux ?

Répondre à inconnu

le : 31 janvier 2013 par Salvatore en réponse à inconnu

La Vielleuse et le Point du jour, portail historique de Belleville

Bien évidemment, c’est 1955 et non 1905. Cette affreuse coquille a complètement échappé à ma vigilance. Elle est pourtant tellement visible, si visible même que notre aimable lecteur aurait dû la voir comme telle et non pas supputer une désinformation par ignorance ou confusion mentale. Il est clair que ce ne pouvait pas être 1905, et pas seulement à cause des voitures. Cela n’enlève cependant rien au devoir de prier cette personne de bien vouloir accepter mes excuses.

Maxime Braquet

par Jean-Claude - le : 6 avril 2013

La Vielleuse et le Point du jour, portail historique de Belleville

S’agissant de la Vielleuse il conviendrait de rappeller qu’outre le tableau vitré qui fit sa célébrité, il y avait dans ce café une dizaine de billards (français) et qu’il s’y déroulait des tournois mémorables . Ce café était immense et tout en profondeur.
Des années durant le sous sol était tenu par une dame-pipi, qui s’occupait des toilettes et du téléphone. En ce temps là on téléphonait avec des jettons à fente …. une autre époque !

Répondre à Jean-Claude

le : 7 avril 2013 par Salvatore en réponse à Jean-Claude

La Vielleuse et le Point du jour, portail historique de Belleville

Bonjour,

Merci pour votre message, j’ai transmis à l’auteur de l’article qui ne manquera pas de vous écrire.

Toutes les précisions sont les bienvenues.

Bien à vous.
S.Ursini
La Ville des Gens

le : 8 avril 2013 par inconnu en réponse à Jean-Claude

La Vielleuse et le Point du jour, portail historique de Belleville

Cher Jean-Claude
Formidable, le témoignage que vous apportez. Allez-y, développez cela, c’est du profit pour tout le monde.
Maxime Braquet

par SIMONY Jean -Jacques - le : 5 mai 2014

La Vielleuse et le Point du jour, portail historique de Belleville

Au sujet de la phrase qui commentait le personnage de la Vielleuse et qui a maintenant disparu, hélas … il était écrit : …. l’hymme de la victoire … avec 2 mm et non pas l’hymne !
Il fallait être observateur pour s’en apercevoir …
Je l’avais fait maintes fois remarquer à de nombreux visiteurs qui ne l’avaient pas vu !

Répondre à SIMONY Jean -Jacques

par inconnu - le : 26 mars 2015

La Vielleuse et le Point du jour

Dans les années 50-60 nous habitions rue JP Thimbaut, mon père qui s’échinait chez Renault était
un fou de billard et il allait jouer à la Vielleuse le soir . Moi j’étais un éleve de l’école du bd de Belleville
pas très loin de ce fameux café( en face ) et je me souvient avoir à deux reprises manquer l’école
pour aller au cinéma Cocorico voir Maciste. Que la vie de quartier était magnifique à cette époque,
que de beaux souvenirs et quelle tristesse quand les premiers engins ont commencé à détruire ce village de Belleville.

Répondre à inconnu

le : 27 mars 2015 par Salvatore en réponse à inconnu

La Vielleuse et le Point du jour

Bonjour,

Merci pour votre témoignage que nous transmettons à l’auteur de l’article.

Cordialement.

S.Ursini

par Placido Carrerotti - le : 6 novembre 2015

La Vielleuse et le Point du jour

Heureux de retrouver cette évocation d’un lieu où je ne suis allé qu’une fois enfant, amené par ma grand tante qui habitait le quartier. Je revois parfaitement le miroir de cette photo prise en 78. Triste de savoir que tout cela a été détruit pour bétonner le quartier…

Répondre à Placido Carrerotti

le : 7 novembre 2015 par Salvatore en réponse à Placido Carrerotti

La Vielleuse et le Point du jour

Bonjour,

Merci pour votre témoignage.
Cordialement.
S.Ursini
La Ville des Gens

par RIHARD JEAN-CLAUDE - le : 17 septembre 2016

La Vielleuse et le Point du jour

Je reviens sur le café la "Vielleuse" sur lequel j’avais posté jadis.

On a beaucoup parlé de son miroir mais assez peu de la configuration de ce café.

Si on le visite aujourd’hui il a été amputé des 9/10 ème de sa surface.

Ce café était très large en façade (en témoignent les vieilles photos qui font apparaître la terrasse). Mais ce café était aussi très profond, il devait arriver pratiquement jusqu’à la rue Desnoyer.

Dès l’entrée sur le côté droit à peu près à la hauteur du comptoir, un escalier très étroit qui descendait au sous-sol où se trouvait les WC et le téléphone.
Au fur et à mesure que l’on descendait le nez était pris par des effluves désagréables d’urine ! L’endroit était pourtant tenu par une "dame pipi" . Elle passait ses journées à tricoter. L’endroit n’était pas véritablement sale, mais à l’époque on ne connaissait pas le déodorant ! Il valait mieux y venir le matin , cela sentait la Javel !
Les murs étaient carrelés de blanc avec quelques "fresques" de couleur marron fonçé … le carrelage rappelait celui du métro.
Dame pipi avait pour mission de maintenir les lieux propres, de surveiller les clients et de vendre de jetons de téléphone, car il y avait une cabine téléphonique avec ses annuaires de plusieurs kilos.
Lorsque l’on avait satisfait son besoin naturel, on remontait "vite fait" en surface pour se ré-oxygéner !

L’intérieur du café était dans un style des années 1900, avec ses tables rondes en piètement de fonte et dessus rond, marbré et cerclé de laiton.
Dispersés au milieu du café des supports à rangement. Ils étaient constitués d’un piètement haut sur patte terminé par une boule d’environ 25cm de diamètre. Cette boule était faite dans un alliage probablement cuivré, mais cette boule était très claire et brillait car astiquée tous les jours ou presque.
Elle s’ouvrait et contenait éponges et chiffons que les serveurs utilisaient pour nettoyer les tables. Les serveurs encore au tout début des années 50 avaient le pantalon noir, la chemise blanche avec un très long tablier descendant presque jusqu’au pieds.

Au fond de la salle de nombreux billards (de l’ordre d’une dizaine) . C’était presque une académie de billards et ces derniers étaient très sollicités.
Pour ma part je ne me souviens que de billards français (à trois boules et sans trou sur le tapis).Peut-être plus tard y eut-il quelques billards américains.
Au mur le mobilier de rangement pour les queues ainsi que les compteurs manuels permettant d’enregistrer les points.
Chaque table de billard était surmontée d’un lustre descendant assez bas et éclairant la table. Le reste de la salle était dans une quasi obscurité.
C’était toujours amusant de voir le cérémonial de la préparation des queues. Chaque joueur choisissait sa queue (selon son poids, les queues pouvant être lestées différemment) . Puis muni d’un petit cube, une sorte de craie bleue, le joueur frottait longuement son procédé ( = bout de la queue en cuir qui entre en contact avec la boule) .
Souvent des essais était fait avant que la partie commence.
Trois boules au total, deux blanches et une rouge .
La partie pouvait se jouer en libre ou avec des figures imposées ( une bande, deux bandes …, ravachole …). Les mordus pouvaient jouer des heures d’affilée !
Tout une époque …..

Répondre à RIHARD JEAN-CLAUDE

le : 20 septembre 2016 par Salvatore en réponse à RIHARD JEAN-CLAUDE

La Vielleuse et le Point du jour

Bonjour Mr Rihard,

Je vous remercie pour votre contribution que nous avons validée sur le forum de cet article.

Je transmets à Mr Braquet qui ne manquera pas de vous répondre

Bien cordialement.
Salvatore Ursini
La Ville des Gens

le : 23 septembre 2016 par inconnu en réponse à RIHARD JEAN-CLAUDE

La Vielleuse et le Point du jour

Très vifs remerciements, cher monsieur Jean-Claude Rihard, pour votre témoignage précis et vivant. Je dirai premièrement que les impressions olfactives, même point trop agréables, sont tout à fait des points d’accroche du souvenir du passé et de l’histoire. Un certain Marcel Proust nous a magnifiquement instruits de cela.
Une romancière qui préparait la rédaction d’un roman devant prendre cadre à Belleville me demanda il y a quelques années de certifier que vers 1910, des parfums d’urine ou d’autres déjections animales flottaient bel et bien dans beaucoup de rues de notre colline. Bref, qu’on y sentait quelque chose de la ferme. Jusque-là, je n’avais pas spécialement porté attention à cet aspect mais l’interpellation de l’écrivaine m’a placé devant l’évidence : évidemment, en 1910 encore, les étables et les écuries étaient nombreuses à Belleville, les premières liées au commerce de lait des nourrisseurs de vaches, ultimes représentants de l’âge paysan de notre montagne ; les secondes au fait que la traction automobile n’avait pas encore remplacé les chevaux ; il a du y avoir des sortes de "garages" à chevaux parce que chaque commerçant n’était pas forcément en mesure d’entretenir dans la surface de son activité l’animal avec lequel il livrait ses marchandises. Les compagnies d’omnibus avaient d’ailleurs des relais.
A propos de vos notations sur la salle des billards, puis je vous demander, Jean-Claude, l’origine de l’appellation ce coup de queue "la ravachole" (dit aussi casin), plus que curieuse, non ?
D’une façon ou d’une autre, je vais tenir compte de votre courrier dans une révision prochaine de ma rédaction.
Je suis heureux de vous saluer,
Maxime Braquet

par Guy Estadieu - le : 8 février 2017

« La Vielleuse » et « Au Point du jour »

Bonjour,
je vous ai adressé un message le 1e novembre 2012 auquel vous avez répondu le 04 . J’ai de la suite dans les idées car j’ai des choses à faire connaitre. J’ai un projet d’ouvrage très avancé :
"Fanchon la vielleuse et l"émigration Savoyarde"
Par rapport à la biographie établie par Auguste JAL, restée un peu floue sur les origines de Françoise CHEMIN, j’ai trouvé par passion et avec une certitude absolue (j’ai les preuves !)
que sa famille était originaire d’un hameau perdu du comté de Nice, perché à 1670m. d’altitude
Après avoir oscillé entre réalité et légende de ce personnage incontournable, j’ai décrit
l’émigration hivernale des autochtones du terroir de la famille CHEMIN , très pittoresque.

Je peux me faire éditer gratuitement, … mais sans la moindre promotion !
Les éditeurs régionaux contactés ne semblent pas intéressés. Connaissent-ils Fanchon ?
Peut-être que la filière parisienne sera plus performante.
Si vous connaissez un éditeur susceptible d’être intéressé, faites-le moi savoir
Je reste à votre disposition pour toute précision complémentaire,
cordialement,.

Répondre à Guy Estadieu

le : 14 février 2017 par inconnu en réponse à Guy Estadieu

« La Vielleuse » et « Au Point du jour »

Cher monsieur Estadieu
Je ne suis pas trop renseigné sur les éditeurs et leurs collections. Pour l’histoire de Fanchon, essayez Jean-Cyrille Godefroy, La Martinière et L’Harmattan voire Eric Hazan. Vous trouverez aisément leurs coordonnées respectives sur l’Internet. A défaut de prendre en charge votre projet, ils pourraient vous indiquer de bien meilleures pistes de maisons éditrices que je n’en suis capable.
J’espère que votre démarche aboutira. Personnellement, j’aimerais bien lire votre livre.
Bien à vous et bonne chance,
Maxime Braquet

le : 18 octobre 2019 par Bury en réponse à Guy Estadieu

« La Vielleuse » et « Au Point du jour »

Bonjour,
Vivant moi même de la vielle à roue je me suis tout naturellement intéressé à Fanchon et à toutes les déclinaisons qu’elle a inspirées. Je suis donc intéressé par l’ouvrage de M. Estadieu que je vais commander chez mon libraire.
En parallèle je possède un exemplaire de la gravure (acheté sur un vide grenier en Bretagne). J’aimerai avoir des renseignements sur celle-ci si vous en avez.
Cordialement
A. Bury

par ESTADIEU - le : 7 mars 2018

« La Vielleuse » et « Au Point du jour »

Bonjour,
je vous ai adressé à plusieurs reprises des messages, auxquels vous avez eu la gentillesse de répondre. Monsieur BRAQUET m’avait permis d’utiliser certaines parties de votre article dans l’ouvrage qui était en préparation.. Il est maintenant finalisé, sous le titre ;
"Fanchon la vielleuse et l’émigration des Savoyards"
La biographie et la légende de cette artiste de rue sont beaucoup plus connus à PARIS que dans son terroir d’origine , le comté de NICE !
Le livre a été édité chez EDILIVRE et est en vente dans toutes les librairies en ligne
Si vous le souhaitez je me ferai un plaisir de vous en adresser un exemplaire
Bien cordialement,

Répondre à ESTADIEU

par Guillaume - le : 10 mai 2018

« La Vielleuse » et « Au Point du jour »

HOMMAGE À FANCHON LA VIELLEUSE
DE SAINT-DALMAS LE SELVAGE
(Chanson pour vielle à roue)

Pour unique bagage, en sus de ses quinze ans,
Sa vielle, l’Espérance et ses beaux yeux d’enfant,
Là où le vieil abbé lorgnait la femme nue,
Fanchon illuminait les cabarets, les rues !

En ces temps-là, messieurs,
Les gotons de trottoirs
Ne valaient pas bien mieux
Que celles des boudoirs…

La superbe Fanchon, la fille des montagnes,
Offrait sans retenue aux lupanars, aux bagnes,
Ses chansons que le peuple, écrasé de besognes,
Fredonnait, nuit et jour, jusqu’au bois de Boulogne !

Nul n’allait à Paris
Comme on va à Hanovre,
Lutèce fit le Louis
Avec le sou du pauvre…

Qui sait si le soldat, abstème ou dipsomane,
Obtint la charité ou bien la courtisane
Dans ses bras qui jadis, la roue en bandoulière,
Las des couplets grivois, jouaient de chastes airs ?

Chante, ô belle Fanchon,
Ta romance qui soûle,
Grisée par tes chansons,
De ta fougue la foule !

Filles, fils d’Infortune à la maigre cagnotte,
Magiques lanterniers et dresseurs de marmottes,
Autour d’un feu de camp, d’une miche de pain,
Dansaient avec Fanchon, ivres d’un peu de vin.

Menuet, contredanse,
Par sa joie, saintes ondes,
Opulence, indigence
Formaient la même ronde !

Chemin de son vrai nom, elle arpentait celui
Que les quais de la Seine alignent sous la nuit
Voyant errer les gueux en quête d’un pont pour
Rêver d’un coin de Ciel où dort l’astre d’Amour…

Chante, ô douce Fanchon,
Gonfle à ta voix tes voiles,
Tissées de tes chansons,
Voguant vers les étoiles !

Loin des rois, des mendiants dont les villes regorgent,
Elle songeait parfois aux plaines pleines d’orge
Que son grand-père, ému, l’âme au bord du naufrage,
Contemplait au pied de Saint-Dalmas Le Selvage ;

Hélas ! Le sort cruel
Fit clore ses paupières
Dans une des ruelles
De la « Cité Lumière »…

Répondre à Guillaume

le : 14 mai 2018 par Salvatore en réponse à Guillaume

« La Vielleuse » et « Au Point du jour »

Bonjour et un grand Merci pour cette contribution à l’histoire des quartiers populaires parisiens.

S.Ursini
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