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Paroles d’immigrés (suite 4)


Récits de vies recueillis par Elisabeth Crémieu

Nous reprenons cette rubrique dont la suite 3 est passée dans le no 96/97 de mai 2004. Cette fois c’est une seule personne qui nous est présentée : ABDEL.


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Photo Association Ayyem Zamen - 7 rue de Pali Kao, Paris 20ème.

L’arrivée :

Je suis arrivé en France en septembre 93 et puis je me suis installé la première fois à la Courneuve, dans le 93, dans la Seine-Saint-Denis, quand je suis arrivé en France, j’avais 23 ans et demi.

Quand j’ai eu ma licence j’ai décidé d’aller en Angleterre ( … ).]’ai demandé le visa avec mes diplômes au consulat du Royaume-Uni et là on m’a dit que je suis un jeune diplômé, j’ai pas de fiches de paie, j’ai pas de travail, donc là ma demande sera refusée, donc ça sert à rien de faire la demande maintenant, il faudra travailler au moins 8 ou 9 mois et après il faudra revenir pour avoir le visa. J’ai expliqué, ma famille m’accorde. ce voyage, j’ai pas expliqué que j’allais faire des études là-bas, ç’a été refusé. Alors j’ai fait une demande de visa pour la France, ils m’avaient accordé un visa de 6 mois, plusieurs entrées, là je suis arrivé en France j’avais un copain qui vivait ici, qui était étudiant, qui habitait à Tremblay-en-France, dans le 93, je l’ai contacté il m’a dit tu peux venir, il y a quelques étudiants algériens qui sont venus pour passer une année en France et puis pour aller à Londres après. C’était mon projet en fait, pourquoi j’avais choisi Londres et pas la France ? parce que j’adorais la langue anglaise, et la deuxième des choses pourquoi j’étais pas attiré par la France ?… parce que je lisais parfois dans la presse algérienne qu’il y a eu des victimes de racisme et j’avais une idée sur la France, cette France de racistes, les histoires de racisme avec les banlieues, les jeunes issus de l’immigration, j’avais en tête cette idée. Quand je suis arrivé en France, c’était pour moi : je m’inscris à la fac en France, j’aurai ma carte de séjour, après je pourrai partir à Londres pour poursuivre mes études. J’arrive en France, moi je croyais que c’était très facile d’avoir la carte de séjour.


En situation irrégulière :

J’arrive, là j’ai rencontré mon copain, il m’a dit tous les papiers que la préfecture exige, c’était pas un problème, sauf qu’il nous manquait un papier, c’était la prise en charge. En fait le système de la prise en charge il faut trouver quelqu’un qui travaille, qui est imposable et qui verse sur mon compte 2500 F par mois, il faut avoir ces 2500 F par mois. Donc moi j’ai quelques personnes de ma famille qui sont en France j’ai essayé de les contacter pour avoir cette prise en charge, c’était pratiquement impossible, ils voulaient pas pour différentes raisons, j’ai essayé de voir avec mon copain, j’ai fait quelques connaissances avec des Algériens à la fac, c’était vraiment impossible pour avoir cette prise en charge.

Donc finalement on est arrivés au mois de février 94, j’avais plus de visa donc là je me suis retrouvé en situation irrégulière, je me suis inscrit très facilement à la fac de Paris VIII à Saint-Denis pour une maîtrise de science politique avec des UV de rattrapage en licence.

Donc là je suis en situation irrégulière, on est en 94, j’ai commencé à faire mes études normalement, j’ai oublié la carte de séjour, pour moi c’était quasiment impossible donc je me suis dit voilà je continue à faire mes études j’aurai mes diplômes et puis après peut-être je retourne en Algérie pour demander un visa pour aller à Londres, toujours c’était mon objectif Londres. ]’ai fini les études de rattrapage de la licence en 94, en 95 j’ai commencé ma maîtrise, j’ai réussi à avoir toutes mes UV et il me restait le mémoire. Je travaillais sur le conflit israélo-arabe En 96, j’ai décidé de travailler le mémoire. Et c’est là en 96 j’ai eu ma maîtrise avec mention bien, 14 sur 20.

Et c’est là après avoir eu ma maîtrise, c’est là que j’ai commencé à faire connaissance avec des profs. Parce que il y a quelques profs avec lesquels j’avais une bonne relation, ils ont su que j’avais pas de papiers, ils ont vu que j’étais un bon élève très sérieux et j’avais pas de papiers.

Au niveau du travail je travaillais de temps en temps, soit le nettoyage, soit… j’ai fait l’hôtellerie comme réceptionniste je gagnais pas beaucoup, j’habitais avec quelqu’un qui payait pas beaucoup de loyer parfois je payais, parfois non, au niveau du loyer c’était pas un problème, au niveau du travail je gagnais entre 2500 et 4000 par mois parfois y avait pas de travail alors j’avais pas de ressources.

Par la suite à Paris VIII y a des profs qui ont constitué une Commission juridique des libertés. Je précise qu’à la fac de Paris VIII les enseignants en général sont des socialo-communistes. Cette commission des libertés était représentée par des profs et quelques étudiants, donc moi je figurais parmi ces étudiants.

Au début on a commencé à parler des problèmes des étudiants avec leurs profs. Parfois un étudiant il lui restait une seule UV il pouvait pas s’inscrire en maîtrise. Nous on a commencé à traiter ce genre de problèmes. Et puis par la suite ces quelques profs ils ont commencé à discuter avec moi et c’est là que j’ai expliqué mon problème. Et là ils ont commencé à s’intéresser aux étudiants qui n’avaient pas de papiers, et finalement il s’est avéré qu’il y avait plusieurs étudiants à Paris VIII qui n’avaient pas de papiers, et c’étaient des excellents étudiants.

C’est là que j’ai commencé à comprendre la mentalité des Français, j’ai découvert la mentalité des Français et notamment les socialo-communistes, et donc j’ai commencé à oublier un peu mon projet de Londres parce que là j’ai découvert la vraie mentalité des Français. En fait surtout au niveau humanitaire. Parce que moi je suis très sensible à toute personne qui a des soucis, quelle que soit son origine, quelles que soient sa tendance politique, sa religion aussi. Donc j’ai été très touché par leur travail parce qu’il y avait des gens en situation très difficile, parce qu’on a commencé à voir des étudiants qui n’avaient pas de papiers, des étudiants qui n’avaient pas où dormir, des étudiants qui n’avaient pas tel ou tel papier, donc c’était la fac, c’étaient ces profs là qui faisaient tout leur possible pour procurer ce papier, pour procurer un hébergement, j’étais très touché, on faisait des manifestations toujours au niveau de la fac, on faisait signer des pétitions.

Et en juin 97 y a la gauche qui est passée. En fait juste avant que la gauche ne remporte les élections moi j’ai fait une demande de régularisation via la fac, par le président de la fac qui a signé un papier, il l’a envoyé au préfet, et juste avant que la gauche ne remporte les élections législatives là j’ai eu une réponse négative. Quand j’ai eu cette réponse négative on a commencé à voir avec les profs, le président de la fac m’avait rassuré il m’avait dit je vais m’en occuper, y a pas de problème à ce niveau. Là quelques semaines après y a la gauche qui passe aux législatives, on a commencé à espérer, c’est bon, parce que les étudiants étaient inclus dans la circulaire, la circulaire Chevènement du 24 Juin 97. Et là on a reconstitué complètement notre dossier, on a envoyé une demande de régularisation, je l’ai envoyée en juillet, je crois, j’ai reçu la réponse, normalement le traitement durait 4 mois maximum, moi ça a été traité en 5 ou 6 mois parce que j’ai eu la réponse au mois de février, une réponse négative, et là même les profs étaient étonnés, tous mes profs en DEA m’avaient fait une lettre de soutien, ils confirmaient que j’étais un très bon élève, sérieux, que je faisais correctement mes études, intégré à la société française et là je l’ai pas envoyé en fait, j’ai eu ces lettres de soutien, une lettre de soutien du président de la fac, une 2ème lettre, une lettre de mes profs.


La régularisation :

Abdel est aidé par Geneviève, de la Ligue des Droits de l’Homme.

Je suis allé voir Geneviève et je lui ai dit j’ai décidé d’envoyer mon dossier par ton intermédiaire, elle m’a dit d’accord, c’est bien déjà tu as les lettres de soutien ça c’est très important. Et donc Geneviève elle m’a dit tu envoies ton dossier et elle elle envoie une lettre de soutien, comme quoi j’ai de nouveaux éléments dans mon dossier. On a fait un recours. Et donc on a fait une demande pour avoir la carte de séjour étudiant, parce que moi je rentrais dans le cadre de régularisation des étudiants. Et là j’ai envoyé ma demande. Au bout de même pas deux mois, un mois, y a Geneviève qui reçoit la réponse, le préfet envoie directement la réponse à Geneviève pour lui dire que le recours a été traité favorablement


L’intégration :

Je reviens à mon projet de Londres, donc je l’ai abandonné complètement parce que je me sens très très bien en France, j’ai côtoyé des gens qui sont très très aimables, adorables, c’est le cas de Geneviève …, je reviens à la presse algérienne dans laquelle je lisais qu’il y avait des actes de racisme en France, effectivement j’ai constaté qu’il y avait des actes de racisme en France mais c’était pas la majorité, il y a une minorité de Français qui ont ces positions, d’une manière générale, oui. Après la Courneuve je me suis installé à Paris, donc c’est une ville que j’adore. Pendant l’été par exemple c’est rarissime que j’aille en vacances, si je vais en vacances, c’est deux ou trois jours à la plage. Quand je vais à Alger, je vais à l’étranger, donc Paris me manque. Voilà.



Article mis en ligne en octobre 2014.

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