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Visite gourmande au musée Zadkine


« Je suis comme transplanté et je ne sais pas encore si c’est vrai ! Viens voir ma "folie d’Assas" et tu comprendras combien la vie d’un homme peut être changée à cause d’un pigeonnier, à cause d’un arbre… » écrivait Ossip Zadkine à un ami lorsqu’il s’installe en 1909 avec son épouse Valentine Prax . Les pigeons viennent encore picorer sur le cerisier pourtant bien malade puis volettent entre les statues du jardin ; Ossip repose, en voisin, au cimetière du Montparnasse (8e division).

Le gourmand passe sans cesse du Cubisme à l’Abstraction, sans pour autant perdre pieds. Les lignes brisées respectent l’univers et l’harmonie des formes. Le mouvement est présent évoqué, évocateur. La peur saisit le voyageur qui craint les bombardements aériens en contemplant « Le torse de la Ville détruite » directement sorti du Guernica de Picasso. Le visage d’Orphée porte le désespoir du monde de ne pouvoir un jour réanimer l’être adoré et de changer le destin funeste avec sa lyre, pour enlever son amour aux ténèbres des enfers.

La visite du pèlerin est facilitée par le parcours établit de manière chronologique. Le néophyte peut s’initier à la statuaire cubiste en suivant l’évolution de l’artiste de 1908 à la sculpture architecturale de la « Tour penchée » en 1967.

L’amateur éclairé et séduit refuse le terme de primitivisme appliqué par certains critiques aux premières créations de l’artiste. Les statues de bois évoquent, sans naïveté, des formes féminines ambiguës, aux fesses lisses, aux poitrines s’inscrivant dans des pommes, aux épaules d’éphèbes. L’influence de son ami Modigliani est manifeste ; le buste de Jeune fille semble s’être échappé de l’atelier d’Amedeo. Aux Vendanges, l’assoiffé ne demande qu’à étancher sa pépie, provoquée par un trop plein de libations de vin nouveau, auprès de la Porteuse d’eau. Le voluptueux s’interroge sur la meilleure manière d’approcher la Vénus cariatide sans choquer sa pudeur.

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Zadkine : Le bouquet (détail).

Le gourmet, qui varie l’agencement de ses repas en évoluant des saveurs rudes et franches vers des goûts plus souples, apprécie le parcours de Zadkine qui, des brusques lignes géométriques anguleuses, s’oriente vers la souplesse des courbes en travaillant des thèmes tirés de l’Antiquité ; il suit les Ménades, assiste en voluptueux à la Naissance de Vénus, compare les Trois Grâces à celles de Mayol et suit la progression, sans heurt, vers le Cubisme qui passe, comme une musique douce interprétée par le Trio musical, par les Amoureux pour aboutir à l’Arlequin déjà traité par Picasso, Derain et Severini. L’aboutissement de la facture cubiste est révélé par les différents projets monumentaux à la gloire des poètes Apollinaire, Lautréamont, Jarry et Rimbaud. « Ce sont des sculptures énigmatiques, issues d’une profonde rêverie poétique, où se dressent sur des soubassements tranchés en lamelles évidées des êtres hybrides, le détail anecdotique et humoristique étant réservé au seul Alfred Jarry. Une grande œuvre ultérieure va découler de ces œuvres singulières » in Musée Zadkine, guide général.

Le visiteur se promet d’effectuer le pèlerinage à Auvers-sur-Oise pour rendre un hommage aussi respectueux que celui d’Ossip Zadkine au génie de Van Gogh. Le monument à Vincent Van Gogh restitue la souffrance créatrice du peintre hollandais ; les traits tourmentés, le regard fixe, les bras ballants expriment le désarroi de l’artiste traversant un monde qui lui échappe. Initié aux mystères paradoxaux de la sculpture cubiste, le pèlerin reprend sa route en quittant le jardin provincial, à la découverte des œuvres de Zadkine qui parsèment les places et les jardins parisiens.


Jean-François DECRÆNE


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Statue pour un jardin - Ossip Zadkine.


Bibliographie sommaire
Marie Sellier, Zadkine : Des mains pour créer, Association Paris-Musées, 2006.
Hélène Manedalgo, Les Russes à Paris (1919-1939), Autrement.
Raymond de Ponfilly, Guide des Russes en France, Pierre Horay, 1995.
J. Grigorewa, Cuisine russe, Hachette-pratique, 1992.
Sophie-Sarah Kolovatova, 300 merveilleuses recettes russes, Josette Lyon, 1995.

Musée Zadkine : 100bis, rue d’Assas 75006 - Paris
Tél : 01.55.42.77.20.
fax : 01.40.46.84.27
Musée Zadkine


Article mis en ligne en juillet 2014.

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