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Raùl Castaneda

La magie du rêve

Céramique, pierre, marbre, aquarelle, lithographie, gravure, résine ou bronze : peu lui importe du moment qu’il sculpte. Rencontre avec cet artiste inlassable.

Raùl Castaneda n’est pas né de la dernière pluie. Il a ouvert les yeux dans un petit village noyé dans la prolifique forêt des tropiques et baigné de lourdes averses.
 
Etait-ce à l’avant-dernier siècle ou au milieu du 20e ? Cela n’importe pas, car sous de telles latitudes : « On ne connaît pas les saisons, le temps n’est pas linéaire, il est circulaire. »

Ce qui n’empêche pas de faire son petit bonhomme de chemin. D’apprendre à reproduire les innombrables animaux de la forêt en les taillant dans toute sorte d’essences, chapeauté par un missionnaire italien qui vend vos œuvres de gosse dans la lointaine Europe.

Tout s’envole ou presque
De débarquer tout jeune à Bogotá, la capitale du pays, la Colombie, avec une caisse remplie d’objets sculptés en noix de coco, de les vendre et que ça marche.
 
D’ouvrir un atelier de céramiques, d’apprendre la sculpture aux enfants et de lire dans leurs yeux que vous avez grandi, de se marier, de faire soi-même des enfants et de gagner beaucoup d’argent.

Raul Castaneda

Cela n’empêche pas non plus l’argent et le reste de s’envoler. Mais ce n’est pas si grave car rien n’empêche de repartir à zéro ni de repartir tout court.

C’est comme cela que Raùl Castaneda a atterri en France. Il venait y suivre une formation de lithographe et aussi bien sûr « par curiosité pour cette ville qui a accueilli de si nombreux artistes. Mais je ne pensais pas rester. »

Les neiges de l’exil

Et puis il a « travaillé, travaillé, enchaîné les projets ». Et de fil en aiguille, en janvier 2006, il a acquis la nationalité française…

« Maintenant, je connais la France mieux que la Colombie, je suis allé dans à peu près toutes les régions, je travaille aussi régulièrement en Italie et en Roumanie. »

Jamais au cours de ces voyages il n’a cessé de sculpter ni d’être habité par l’univers magique de sa forêt natale.

Pour autant, dans l’univers de Raul Castaneda, il n’y a pas que le tamanoir ou l’anaconda-qui-a-créé-la-forêt. Il y a beaucoup de gens.

Le collectif La Vache Bleue

« Si je te parle de moi, je dois te parler de toute ma famille. On est 14 frères et sœurs, ils sont tous au Canada, avec mes parents qui ont 90 ans. L’exil, c’est dur. Tu sais ce que c’est les hivers canadiens ? Moi, avant de venir ici, je n’avais jamais vu la neige. »
 
Cette grande famille, il l’a en partie reconstitué avec la Vache Bleue, un collectif artistique réunissant des artistes de tout poil. C’est là, sous les voûtes SNCF aménagées par les artistes, qu’il a son atelier. Un lieu ouvert où il est simple de pousser la porte.

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Au cours de ce long parcours, il a apprivoisé la céramique, la pierre, le marbre, l’aquarelle, la lithographie, la gravure, la résine et le bronze.

« Mon univers artistique, c’est le nadaïsme et le réalisme magique. Les sociétés contemporaines ont malheureusement perdu la magie de rêver, de se dire les choses. »

« La sculpture, c’est très physique : tu es toujours debout, tous les muscles en action, il faut avoir de la force. Pourtant, je peux travailler 8 heures sans être fatigué. Je suis fatigué une fois que j’ai fini. »

« J’aime la taille directe, je ne travaille pas à partir de modèles en terre. Mon truc, ce n’est pas les mathématiques, mais adapter la sculpture, au bloc, à la matière qu’on est en train de travailler. »

La dimension intérieure
Quand je lui demande ce que c’est que sculpter, il sèche : « Sculpter ? je ne sais que dire, je ne sais que le faire et je ne fais que ça. » Alors, je l’écoute simplement commenter, dans son fragnol souriant, quelques-unes de ses œuvres.

Petite CarmenPetite Carmen
C’est une silhouette, mais vide à l’intérieur. Tout le monde regarde le bronze plein. Là, d’un côté et de l’autre, ça n’a rien à voir.

Je m’intéresse à l’intérieur de la sculpture. C’est comme pour les êtres humains, il n’y a pas seulement la carcasse.

Quand j’aurai la place pour faire des sculptures plus grandes, je pourrai travailler l’intérieur. Par exemple, faire une femme avec à l’intérieur des fleurs. Ou des incrustations d’autres matières.

Je travaille en 3 dimensions, bien sûr. Et puis, il y a la quatrième : l’intérieur.


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C’est une pièce de la même série, cette série de sculptures, elles sont très légères, très aériennes. Il y a beaucoup de vide, de creux.

J’aime travailler l’harmonie de la ligne. C’est ça mon travail en sculpture. Je ne sais pas si d’autres artistes ont travaillé comme je le fais, je n’ai pas fait de recherche.


Fruit défendu

Fruit défendu
C’est un galet, d’où la forme. On dirait une mangue ou une poire, un fruit. Le fruit défendu…En Italie, il y a des rivières où les galets ne sont pas en pierre, ils sont en marbre ! Une fois, on m’a amené un tas de ces galets.

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Sans titre
C’est un marbre belge. Le matériau le plus étonnant qu’il m’ait été donné de rencontrer. C’est très difficile à travailler, mais c’est très joli. Ça prend du temps, beaucoup de temps. Mais quand tu le travailles bien c’est magnifique !

En fait, il n’y a pas d’yeux, pas d’oreilles, ce sont juste les volumes qui absorbent la lumière. Il faut travailler avec les cavités. Une matière comme ça, il faut lui parler tout le temps, il faut trouver son âme.


La chatte sur un toit brûlant
C’est un titre de livre, non ?
Mais là, je vois le mouvement. C’est ça : une chatte qui s’élance.

Celle-là, c’est un marchand de vin qui me l’a achetée. Il n’était pas très bien habillé, dès qu’il l’a vue, il a demandé qui était l’artiste. Il l’a achetée. Le lendemain, il est revenu, il a dit qu’elle était trop seule, que ça n’allait pas. Il en a pris 4 !


Ateliers La Vache Bleue

Nous nous quittons en abordant l’avenir. Des envies de couleurs, de sculptures en grand, mais ici, il n’y a pas la place pour travailler. Il faudrait changer de lieu. Et pourquoi pas ?
 
« Je suis ici sans l’avoir conçu ou prémédité. Je ne sais pas ce que je vais faire demain, je m’adapte. Et aussi, je rêve d’autre chose. Comme le dit la chanson : “Hoy le digo buenas noches, y maniana me despido [1]” »
Clarisse Bouthier
La vache bleue - 25, quai de l’Oise - 75019 Paris - M° Ourcq ou Corentin Cariou - Les ateliers se situent au niveau des voûtes n°75 à n°80 en partant du quai de l’Oise

[1Aujourd’hui je vous dis bonsoir, mais demain ce sera au revoir

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Réactions
par dominique leray - le : 4 août 2012

Raùl Castaneda

bonsoir Raùl,

Ce soir en me baladant dans les sites artistiques je me suis souvenues être passée un jour à "la Vache Bleue". Nous avons bu un verre. J’étais avec ton amie Véronique. C’est un beau souvenir, un beau voyage.

Dominique

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