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Ces hommes qui travaillent pour le plaisir de nos yeux et la fierté du 19e

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Les jardiniers des Buttes-Chaumont,


Sur les vingt cinq hectares du parc divisés en onze secteurs, trente cinq jardiniers travaillent avec patience, amour et modestie.

JPEG - 60.8 koAvant d’être numérotés, les secteurs avaient de jolis noms, le Tour du lac, le Crève-cœur, le Chemin de fer etc… Pour rien au monde, les jardiniers quitteraient leur travail : "Tant que je serai jardinier, je resterai aux Buttes. C’est mon parc !" dit l’un, même s’il avoue que leur vie n’est pas rose tous les jours. Mais laissons-leur la parole.

"En automne, on ramasse les feuilles mortes au râteau ou à la souffleuse, on plante les massifs de chrysanthèmes, les fleurs vivaces, les bi-annuelles. Vous savez ce qu’est une plante bi-annuelle ? C’est celle qu’on plante en automne et qui fleurira au printemps de l’année suivante, soit environ six mois plus tard. La plante annuelle, elle, se plante au printemps pour l’été suivant. Quand vient l’hiver, c’est le gros boulot : le bêchage, on commence la taille, le ramassage du bois mort et des feuilles, toujours les feuilles. Dès le printemps, on sème le gazon, on fait les retouches, la taille des forsythias et les plantations annuelles. On enlève la mousse et les mauvaises herbes des pelouses. Et il faut aussi préparer les massifs de fleurs pour l’été, découper les bords des pelouses. Tout l’été, c’est l’entretien général. On fait le suivi des massifs, la retaille des fleurs, on effleure, on désherbe ; on tond les pelouses une fois par semaine et bien sûr il faut tout arroser, ce qui prend beaucoup de temps. Et devinez le travail qu’on fait en toutes saisons… Non ? Et bien on ramasse les papiers sales sur les pelouses. Comme il n’y a que cinq cantonniers, on se partage le boulot. En somme, on s’attaque d’abord à ce qui est visible, puis à ce qui est invisible ".

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Les jardiniers œuvrent en sous-effectif. Il y a des places à prendre mais les jeunes qui passent les concours pour devenir "maîtros" (maîtres-ouvriers) ne veulent pas bûcher, selon eux, et le salaire de départ est plutôt modeste ; sans compter qu’il faut être dehors par tous les temps. Leur tenue verte est la même toute l’année : parka, pantalon à poches sur le côté, chemise genre Lacoste ("… on y a cousu des crocodiles pour rigoler… "), gants, godillos ("… en hiver, c’est dur, on a les pieds gelés… Dans le temps, quelqu’un passait avec une boisson chaude. C’est fini !… "). Les seules motorisations sont la tondeuse à gazon et la souffleuse à feuilles mortes. Par rapport aux autres parcs de Paris, s’ils travaillent ici beaucoup manuellement,"à l’ancienne", c’est parce que le parc est accidenté. Mais c’est bien ce qui fait justement le charme des Buttes et ce qui leur plaît, à eux aussi.

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A la question de savoir si leur travail est reconnu, alors là, surprise ! : " Nous, on aime le contact avec les gens. Il arrive qu’on nous demande des conseils pour la taille ou autre. Lors de la Fête des Jardins Municipaux aussi, la moitié des jardiniers fait la visite botanique, l’autre l’historique. Ça nous plaît. Les "clients" (promeneurs du parc) sont dans l’ensemble agréables, mais pas tous. Un maître sur dix accompagne son chien aux canisettes. Pour les autres, c’est normal de les emmener sur les pelouses. Et il y a ceux qui passent leur temps à nous injurier chaque fois qu’ils nous croisent ou à nous menacer avec leurs pitt-bulls. Oui, parfois la violence peut être physique. Il y a du vandalisme comme partout. Il est fréquent qu’on détériore notre travail juste après l’avoir fait. Des exemples ? Arracher les plantations, les arbrisseaux, couper les fils de fer verts de bordure, marcher dans les massifs. Si on leur dit quelque chose, ils nous répondent qu’on est là pour ça, qu’on fait de la figuration et qu’en plus on est payés par leurs impôts. Les plaintes sont fréquentes à la Mairie où notre chef est convoqué parce que le public a toujours raison … Et puis il y a les éternels râleurs ; ceux qui trouvent que le parc est sale le soir quand ils le quittent, et dès qu’ils reviennent le matin, ils nous reprochent de ne pas l’avoir encore nettoyé, comme si on devait travailler la nuit. Autre exemple… On a un coq ici. Une personne nous a menacés si on ne s’en débarrassait pas, car son chant du matin la dérangeait. Et ça, c’est tous les jours. On a l’habitude. Les gens ne savent pas la chance qu’ils ont d’habiter ici et d’avoir un parc comme celui-là. Heureusement, on a parfois des félicitations et quelques mots gentils des habitués, sans oublier nos chefs, les deux nouveaux agents de maîtrise qui sont très compréhensifs avec nous. Sinon, on ne tiendrait pas le coup. Et puis on est encouragés. L’année dernière, on a eu la coupe de la meilleure décoration florale de Paris."


Laure POUGET

Merci à tous les jardiniers du Parc.


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Un peu d’histoire

Imaginez seulement qu’il y a un siècle et demi, rien ne poussait sur ce mont de gypse, le Mont chauve, cédé aux carrières, aux dépotoirs et à l’équarrissage.

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Charles Marville - Vue des Buttes-Chaumont en travaux, Bibliothèque historique de la Ville de Paris.


Napoléon III, après avoir rattaché Belleville et la Villette à Paris en 1860, décida avec Haussmann d’en faire un jardin de promenade pour les habitants du nord de la capitale. Pour ce faire, il fallut condamner les galeries, consolider le sous-sol par injections et apporter 200.000 mètres cubes de terre. Les principes du style paysager du parc avaient été élaborés par le botaniste Gabriel Thouin dès 1820, soit une allée de ceinture, des axes de vue, le lac, l’île, la rivière, la butte et les effets de contraste entre les pleins et les vides. Les ruines délaissées inspirèrent le paysagiste Edouard André qui les mit en scène et le directeur des voiries et promenades de Paris Alphand accentua les effets montagneux. C’est lors de l’exposition universelle de 1867 que le parc fut enfin inauguré.

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Aujourd’hui, soit 130 ans plus tard, les Buttes-Chaumont se sont affaissées en de multiples points. La rénovation du parc débutera au début de l’année prochaine et devrait prendre six ans, en commençant par l’île et son rocher. Le but fixé est de retrouver les perspectives d’origine où dominaient les lignes et figures géométriques et romantiques, un style fantaisiste axé vers le jardin anglais comparé au jardin à la française.

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Article mis en ligne en 2010 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens. Actualisé en février 2015.

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Réactions
par Barrat - le : 26 février 2015

Les jardiniers des Buttes-Chaumont,

Merci aux jardiniers des Buttes Chaumont, j’ai pendant de nombreuses années traversé ce parc tous les jours pour me rendre au travail et c’était un réel bonheur. Je leur parlais souvent et j’entretenais avec eux des relations fort plaisantes. Mon travail m’a éloigné du parc mais aujourd’hui à la retraite je peux à nouveau en profiter. En fait j’ai passé quasiment toute ma vie aux Buttes Chaumont, enfant je jouais déjà là, mes parents très mal logés avaient envisagé de planter la tente dans le parc car dixit ma mère "c’était plus sain que chez nous et de toutes façons nous passions notre vie au parc".

Voilà 62 ans que ça dure et je ne m’en lasse toujours pas.

Encore un très grand merci à tous les jardiniers du parc.

Geneviève.

Répondre à Barrat

le : 27 février 2015 par Salvatore en réponse à Barrat

Les jardiniers des Buttes-Chaumont,

Bonjour,

Merci pour votre touchant témoignage.

Cordialement.

S.Ursini
La Ville des Gens

par Quatresous Elodie - le : 17 décembre 2016

Les jardiniers des Buttes-Chaumont,

Bonjour,
et grand merci pour le travail que vous faites pour rendre notre parc, chaque jour un peu plus beau ! j’habite dans le quartier et il y a pas un jour sans que je passe lui dire un petit bonjour , photographe, j’aimerai rendre hommage à ce parc (notamment pour son 150 eme anniversaire du parc) et aux gens qui le font.
j’aimerais savoir si je peux prendre contact avec des jardiniers dans ce cadre ce projet.
pourrions nous rencontrer ?
n’hésitez pas à me contacter via mon adresse mail
très belle journée à vous,
Elodie Quatresous

Répondre à Quatresous Elodie

le : 20 décembre 2016 par Salvatore en réponse à Quatresous Elodie

Les jardiniers des Buttes-Chaumont,

Bonjour,

Cet article date de 2001 et est tiré des archives de l’ancienne revue "Quartiers Libres" que nous numérisons depuis 2010, pour contacter les jardiniers des Buttes Chaumont, il faut vous renseigner auprès le la Mairie du 19ème.

Cordialement.

Salvatore Ursini
La Ville des Gens

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