La ville des gens : 27/septembre

Pauline, élève-comédienne au cours Florent

Cours d’art dramatique mythique situé en plein coeur du 19e, décrié par les uns comme une boîte à fric, il a formé un nombre impressionnant de futurs vedettes. Pauline, 20 ans, nous parle de sa passion et du quartier.

Petite précision utile vues les très nombreuses demandes d’informations suite à la lecture de cet article : cette interview de « Pauline » a été réalisée fin 2006 par « Leila Hafed et Clarisse Bouthier ». Pour tous renseignements concernant le Cours Florent, merci de vous référer aux adresses et contacts en bas de page.

Je m’appelle Pauline et je suis élève-comédienne au cours Florent. J’adore le théâtre et les autres formes d’art.

Paris, c’est ma ville, j’y suis née et j’aime son architecture, sa diversité, ses immeubles, ses petites rues, les parcs où j’allais enfant.

J’ai commencé à faire du théâtre au collège, je voulais déjà en faire mon métier. Je me suis inscrite au cours Florent à 14 ans. Cela m’a beaucoup plu, dès le premier cours. Cela fait 6 ans, et je suis maintenant en 3ème année de Cycle Professionnel.

La Classe Libre et la machine à rêves

Le cours Florent, qui porte le nom de son créateur, François Florent, est né rue Mathis, dans le 19e, il y a 45 ans de cela.

Contrairement au Conservatoire, il n’y a aucun critère de sélection au cours Florent. C’est pour cela que ça a autant de succès : chacun a sa chance.

Isabelle Adjani, Sabine Azema, Daniel Auteil, Jeanne Balibar, Dominique Blanc, Emmanuelle Devos, José Garcia, Francis Huster, Sandrine Testud, Muriel Robin, Jacques Weber, Gad Elmaleh… entre autres ! sont passés par la maison. Il y a de quoi rêver !

Et puis il y a la fameuse Classe Libre, qui fait la renommée de l’école. Il s’agit d’un concours ouvert à tous : ceux qui sont pris bénéficient des cours gratuitement et surtout ils intègrent cette prestigieuse classe d’élite. Bien sûr, nous essayons tous de le passer mais sur 3 000 candidats, seuls 20 ou 25 sont admis. On dit qu’il y a aussi un peu de piston…

Beaucoup entrent donc à l’école en pensant aux paillettes. Ils s’imaginent qu’ils vont percer très vite, mais réalisent que le talent ne suffit pas.

Les fils-à-papa et les autres

Le cours Florent est donc accessible à tous… pour autant qu’on en ait les moyens ! Ceci dit, il n’y a pas que des « fils-à-papa ».

Aux cours du soir, nombreux sont ceux qui travaillent à côté pour vivre et… se payer les cours. Car cela revient tout de même à 315 € par mois pour 9 heures de cours par semaine.

Beaucoup d’élèves ne savent pas s’ils veulent en faire leur métier. Il y a ceux qui prennent les cours par plaisir, mais qui gardent un travail à côté.

Il y a aussi des personnes âgées qui se découvrent une passion tardive pour le théâtre. Au stage d’été, il y avait même une femme de 90 ans !

Mais, on peut être jusqu’à 40 élèves par classe, c’est énorme ! Il y a des cours où on ne joue pas du tout. Le prof doit être très organisé et il faut s’accrocher pour rester motivé. Ceci dit, l’ambiance est bonne et l’enseignement est de qualité.

Le cours Florent et le quartier

La participation directe de l’école à la vie de quartier est minime. Il arrive que les élèves de dernière année fassent des lectures dans des bibliothèques.

Il y a aussi un public d’habitués qui assiste aux représentations de Travaux de Fin d’Etude. De septembre à janvier, chaque atelier, et il y en a des dizaines, monte un spectacle dont les répétitions et les représentations, sont gratuites et ouvertes à tous.

Il n’y a aucune publicité, mais c’est un bon moyen pour les gens du quartier d’assister à des spectacles.

Mon 19e à moi

Notre QG, c’est rue Mathis, Chez Ahmed. C’est un petit café qui ne paie pas de mine, un bar de quartier comme il y tant à Paris. Le seul signe distinctif, c’est l’aquarium qui contient des poissons bizarres, énormes, affreux, on dirait des poissons préhistoriques !

Mais ce n’est pas cher du tout, le café est à 1 €, la bière à 1,80 €. Et surtout le patron, Ahmed, est adorable, c’est notre deuxième père à tous.

Ca fait au moins 30 ou 35 ans qu’il est en France, mais il a un accent à couper au couteau : pour le comprendre, il faut « parler Ahmed ». Au début, il paraît froid, mais quand il t’a adopté, il t’offre des pâtisseries, des fruits ou même des cafés.

Pizza & Pasta au 36 avenue Jean Jaurès

Il y a des habitués, des clients qui sont là depuis 30 ans, et nous, les élèves du cours Florent, c’est là qu’on se retrouve. L’ambiance est très famille.

Sur l’avenue Jean-Jaurès, il y a une boulangerie qui vend de très bonnes pâtisseries orientales et aussi une pizzeria tenue par… un Italien ! qui fait des pizzas monumentales, les plus grandes portions que j’ai jamais vues. Ce n’est pas cher du tout et le patron est sympa.

Un air de banlieue auquel on s’attache

A Jaurès, il y a un café, pas du tout famille celui-là, c’est Le Jaurès, plutôt sympa et pas trop cher. On passe beaucoup de temps à y travailler quand on a cours là-bas, ils viennent de refaire la déco en “nouveau vieux†, c’est-à-dire du neuf qui fait vieux !

Stalingrad

est l’endroit le plus ingrat des alentours, c’est toujours un peu mal fréquenté, des fois il y a des bagarres. Et puis surtout le carrefour est hyperdangereux, il y a toujours des vélos, des scoots ou des piétons qui se font renverser, je ne comprends pas qu’on ne fasse rien !

Mais à 2 pas, il y a le canal que j’adore, et les 2 MK2 : des cinémas comme ça, pour des comédiens c’est super !

Moi, ce que j’adore c’est me promener le long du métro aérien, c’est très agréable. Lorsqu’on arrive sur l’avenue de Flandres, avec ses immenses tours, ça s’assombrit. C’est très imposant, ça peut faire penser à la banlieue.

Pourtant, j’aime y flâner, je rentre souvent à pieds. Ce n’est pas pour le paysage, mais pour l’ambiance, les gens, c’est tout le temps animé, il y du monde dans les cafés-tabac, dans les PMU et les boutiques.

Ce qui me frappe ici, c’est que les commerçants et les patrons de bar sont accueillants. L’ambiance est agréable, bon enfant, on se sent à l’aise. J’habite dans le 9e, un quartier bourgeois, bien sûr c’est propre et agréable, mais les gens se prennent trop au sérieux.

J’aime beaucoup le quartier, j’ai appris à le connaître et maintenant j’en fais partie. Ça me fera bizarre quand je m’en irai.

Parisiens, têtes de chien ?

Euh… On dit aussi, Parigos têtes de veau, non ? Je ne sais pas… J’espère simplement n’être ni une tête de chien ni une tête de veau !

Développer le tourisme dans le quartier ?

On ne croise pas beaucoup de touristes dans le coin. Enfin si, sur le canal, de plus en plus. Je ne sais pas, ça dépend : si ça devient du tourisme comme à Montmartre, ce n’est pas une bonne chose.

Mais, si c’est du tourisme intelligent, avec des gens qui sont intéressés par l’aspect humain, qui veulent voir ce qu’est vraiment Paris, alors oui !

Bien sûr, il y a moins de monuments que dans d’autres arrondissements, au niveau historique, c’est moins riche, encore que ! Mais c’est aussi moins superficiel.

Le théâtre pour moi

Le théâtre pour moi, c’est l’ouverture aux autres, ne pas avoir peur des gens, vouloir transmettre quelque chose.

Je ne crois pas spécialement au facteur chance, le talent et le travail ne suffisent pas non plus, je crois qu’il faut avoir des relations. Les gens sans piston peuvent s’en sortir, mais alors ils ne jouent le plus souvent que dans des petits théâtres, pas sous le feu des projecteurs.

Se soumettre à la critique est très important : si une personne ressort insatisfaite c’est qu’on doit retravailler. Un spectacle n’est jamais terminé. Tout l’intérêt est dans cette recherche.

Dans le futur, j’aimerai pouvoir jouer, sans avoir à faire de petits boulots pour m’en sortir.

Propos recueillis par Leila Hafed et Clarisse Bouthier en septembre 2006

À TOUS NOS LECTEURS
Vous êtes très nombreux à écrire à Pauline pour demander des renseignements sur le cours Florent nous allons essayer de la retrouver bien que cet article date de 2006. Cependant vous trouverez tous les renseignements ci-dessous :

Le Cours Florent  :

- 3 centres dans le 19e :

  • 40, rue Mathis
  • 37/39, avenue Jean Jaurès
  • 44, rue Archereau 75019 Paris
  • Le Théâtre du Marais, 37, rue Volta dans le 3e arrondissement, appartient au cours Florent.