La ville des gens : 8/avril
De la pâture au stade, jusqu’au carnaval,

Un petit siècle Butte Bergeyre


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Sorcières en quête de sabbat et fées occasionnelles, ballerines diaphanes, lutins hybrides à tête de chat, anges tombés du ciel et même un anachronique père Noël de printemps ont répondu, le 16 mai dernier, à l’appel d’un dragon bicéphale venu ébranler les habitudes de la butte Bergeyre, pain de sucre éphémère sur fond rythmé de batucada brésilien grâce au concours des percussions Reginaldo Batista.

Entre rêve et réalité, l’esprit du carnaval a été réanimé par l’alchimie de Carole et Florence, deux riveraines qui ont su, avec l’aide de nombreux voisins, ouvrir une parenthèse dans le quotidien de cette colline imprévue qui surplombe la ville au cœur du 19e arrondissement : l’une de ses cinq rues, la rue Georges Lardennois, offre à partir de son sommet côté ouest une saisissante perspective grand angle sur Paris et ses monuments à ne pas rater au moment du couchant.

Pour un jour, les voitures cédèrent la rue Rémy de Gourmont aux musiciens, funambules et autres saltimbanques. On a pu apprécier des animations de rue telles que Le chevalier Zaroum, spectacle de la Compagnie des Épices, les récits de l’infatigable conteur du Dragon savant dans son jardin à histoires et les happenings de l’école de décoration AFEDAP. Des jeux de passe-boules,de massacre, une pêche miraculeuse et un stand de maquillage destinés aux enfants, sans oublier le comptoir aux goûters gratuits, furent tenus par les gens du quartier.

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Outre qu’elle allia l’enthousiasme aux talents, cette fête doit aussi son succès à l’originalité du lieu. La "butte Bergeyre" emprunte son nom au "stade Bergeyre" qui l’occupa durant la période s’étendant du début du siècle -lorsqu’elle était encore un herbage où paissaient des troupeaux sous la garde d’un berger et de son chien - aux années vingt qui virent s’y édifier les premières maisons. Il est intéressant de noter qu’un glissement par homophonie tend à généraliser "Bergeyre" en "bergère", graphie erronée de plus en plus rencontrée parallèlement à la disparition du terme de "stade", lui restituant ainsi sa vocation première de pâture.

Jusqu’ aux années cinquante, beaucoup de terrains non bâtis conservaient au site son caractère champêtre, dont certains plantés de beaux arbres, essentiellement des acacias. Le dernier vrai terrain vague qui accueillait encore un chiffonnier au début des années quatre-vingt, celui d’où la vue s’étend sur Paris et au-delà, vient d’être paysagé, planté de quelques fruitiers et doté d’une vigne. Cet hommage à Bacchus s’est accompli au détriment d’ormes adultes et sains qui finirent coupés. On peut aussi regretter que, d’une part, le pittoresque à pic d’origine ait été amolli en une pente douce venant mourir rue des Chaufourniers, et que, d’autre part, on n’y verra plus ni peintres ni enfants bâtisseurs de cabanes du fait de sa fermeture au public.

Photo © Jean-Yves Chanteloup.Des initiatives comme celles de mai dernier méritent d’être saluées et renouvelées. Elles permettent à la butte Bergeyre, enclave à l’abri des turbulences urbaines, de conserver sa spécificité malgré les chantiers qui s’y sont succédé dernièrement et d’y entretenir une vie de quartier sans frontière entre le dehors et le dedans.

Evelyne ANDRIA

Photos © Jean-Yves Chanteloup

Article mis en ligne en avril 2015.

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