La ville des gens : 2/juin
Histoire

Locré, Porcelaine de Paris


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A l’écart de Paris, le Marais et le faubourg du Temple passés, nous ne sommes pas encore sur la colline de Belleville. Voici la Courtille, lieu de petites maisons et de jardins, surtout célèbre pour ses guinguettes. Aux approches de la Révolution, des manufactures de porcelaine s’y établirent. Premiers balbutiements des porcelaines pâte dure [1]. Les rues et leurs noms ont évolué au point que la rue de l’Orillon et la rue Ramponneau échangèrent leur patronyme. C’est en ce lieu qu’une manufacture de porcelaine fut fondée par Pietry, qui s’expatria à Vierzon où elle connut une grande notoriété, sous le nom de Hache.

Rue de la Fontaine au Roi, un autre établissement verra le jour en 1773. Son fondateur, Jean-Baptiste Locré est né à Paris en 1726, fils d’un marchand de rubans et d’étoffes, ayant quitté la France pour la Saxe. Il rentrera avec de la fortune et une épouse Christina Caritas Hoffman.

S’écartant totalement du commerce paternel, il se lance dans la jeune industrie de la porcelaine pâte dure. En cette époque de monopoles, il n’est guère aisé de mettre sur pieds une manufacture spécialisée. Sur un terrain loué en 1772, il fait construire des ateliers avec fours. La marque est déposée le 14 juillet 1773. Les pièces sont identifiées par deux flèches croisées (couleur bleue) ; les biscuits sont gravés de deux flambeaux croisés. C’est aussi l’année de la rencontre avec Laurent Russinger, un allemand maîtrisant la technique et non dépourvu de sens artistique, qui le secondera.

La rapide construction faite à grands frais a fortement entamé la fortune Locré. Les ennuis financiers commencent dès 1773. La fabrication continue. Après quelques péripéties financières et juridiques, l’entreprise est cédée à Russinger en 1787. Ce dernier déménage et construit à quelques distances de nouveaux ateliers ; nouveaux problèmes financiers. La nouvelle fabrique est cédée en 1800 à la famille Pouyat. Russinger dirige toujours la fabrique mais comme employé. Locré et Russinger décèdent en 1810. Les fours de la rue de la Fontaine au Roi s’éteignent vers 1820. C’est une époque où bien des manufactures de la Capitale disparaissent ou se réfugient en province.

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La belle aventure des porcelaines Locré n’est pas terminée. En 1825, Jean Marx Clauss, également d’origine allemande, s’installe à quelques pas de la rue de la Pierre-Levée, dans des locaux loués à Alexandre Dodé, gendre de L. Russinger. Cette fois, il n’est plus question de construire à grands frais. Trois générations de Clauss s’y succèdent et font prospérer l’entreprise. La manufacture est reprise par Achille Bloch en 1887, un ancien ouvrier de Locré d’origine alsacienne. Depuis 1880, les deux flèches estampillent de nouveau les porcelaines de la rue de la Pierre-Levée. La marque actuelle est "Porcelaine de Paris depuis 1773"

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Le fil conducteur ne s’est pas rompu en deux siècles. La fabrique est passée de la monarchie à notre république en passant par deux empires.
 
Aujourd’hui, son magasin de vente est situé 13 rue de la Pierre-Levée tél. 49 29 99 20 et les lecteurs de Quartiers libres y sont les bienvenus. Un ancien atelier de décors a été reconstitué.

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Le quartier de la Courtille n’avait pas de disposition favorisant ce type de fabrication. Matériaux et combustibles étaient acheminés par la Seine. Seule la rue de Meaux, ancienne route d’Allemagne favorisait la venue d’une main d’œuvre spécialisée. Le retard de la France dans ce domaine est dû à la découverte tardive du Kaolin sur le territoire. Terminons par cette évocation :

• La rue Saint-Maur : ancien chemin reliant les abbayes de Saint-Denis et de Saint-Maur. Elle est mentionnée en 1360.

• La rue de la Fontaine-au-Roi : ancien chemin du Mesnil (maison, habitation) puis de la Fontaine-au-Roi. Doit son nom aux conduits souterrains de l’aqueduc de Belleville. Deviendra rue de la Fontaine Nationale lors de la Révolution. La partie de cette rue comprise entre la rue Saint-Maur et le boulevard de Belleville est de percée récente (entre les deux guerres).

• La rue de la Pierre-Levée évoque les pierres druidiques de ce quartier (rue des Trois-Bornes, quartier de la Haute Borne). Représentée sur le plan des chasses royales de 1764, elle sera utilisable en 1825 avant la troisième implantation de la manufacture aux flèches croisées.


Yves JOLY

Bibliographie
P. Daily- Belleville, histoire d’une localité parisienne pendant la révolution
M. Bloit : Trois siècles de porcelaine de Paris. Éditions Hervas
Nous remercions pour leurs conseils Michel Bloit et Paul-Henri Cecillon



Article mis en ligne en juin 2015.

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