La ville des gens : 22/juillet
Histoire en chantant

Goualantes de la Villette (1)


Un lecteur (fidèle et abonné… ) nous a fait parvenir un recueil de "Goualantes de La Villette et d’ailleurs" . dont nous ne résistons pas à vous offrir quelques extraits (à suivre dans le prochain numéro).

L’ouvrage date de 1929 et vaut d’être savouré autant pour les goualantes que pour les récits et commentaires de l’auteur, à la fois conteur, journaliste à sensations et historien, sur la vie du "quartier des Apaches".

JPEG - 162.8 ko

"Apache" - Modigliani (1904).


JPEG - 3.6 koous vous proposons dans ce numéro de Quartiers Libres deux de ces "goualantes". L’une est un "classique" du genre (bouchez-vous le nez !) : la chanson des Vidangeurs. Datée de 1876, elle est également intitulée Les Vendangeurs de minuit ou la Pompe à merde, Nocturne philosophique". L’auteur précise que la version qu’il reproduit a été entendue chez un marchand de vin établi rue d’Allemagne (maintenant avenue Jean-Jaurès) et donne une description de la mise en scène qui accompagnait la chanson :

"Après avoir posé deux chaises à terre, les huit pieds réunis et les dossiers se trouvant dans le vide, deux d’entre eux prenaient place devant les sièges, face à face ; puis au moment où le diseur de la chanson prononçait le mot : "Pompez ! ", qui termine le refrain de chaque couplet, les deux exécutants saisissaient alors le barreau supérieur du dossier, puis l’ abaissaient et l’élevaient tour à tour, reproduisant ainsi le mouvement qu’ils exécutaient à la pompe à bras de l’époque, dont ils simulaient avec leur bouche le bruit du piston montant et descendant dans le corps de pompe : "Pouf, pouf, pouf, pouf !".

Le chanteur, pour faire cesser de pomper les deux comparses, criait : "Stop ! changez de voiture !" Ici, un silence, puis les assistants entonnaient tous en chœur cette phrase : "Le jour paraît à l’horizon." Puis, autre silence, à la suite duquel le soliste criait une dernière fois : "C’est plein ! Faites avancer le 6804 !" (numéro matricule supposé d ’ une tonne de vidange).

Les autres textes retenus dans le recueil sont pour la plupart construits sur les thèmes récurrents et indissociables de l’amour (qui tourne presque toujours mal), de la "castagne", de la prostitution, du crime et de la prison. Ce qui donne par exemple "Fleur de crime" ( 1894).

JPEG - 66 ko


La Villette
Chanson des Vidangeurs (1876)
1
Soupe à l’oignon, bouillon démocratique,
Perdreaux truffés du Faubourg-Saint-Germain,
Vous le savez, la chose est authentique,
Manger le soir et chier le matin.
Refrain
Il ne faut pas que rien n’se perde,
Dans la natur’, car tout est bon.
Amis, pressons la pompe à merde,
Le jour paraît à l’horizon…
2
Riches et puissants qui bouchez vos narines,
Quand nous pompons le fruit de vos excès,
Si nous n ’allions nettoyer vos latrines,
Que sentiraient vos antiques palais.
(Refrain)
3
Humble ouvrier, ta modeste cuisine
Te fait du riche envier les festins…
Console-toi, les produits qu’il rumine
Ne se vendront pas plus chers que les tiens.
(Refrain)
4
Fille de rois, ne fais pas tant La fière,
Tu dois chier parce que Dieu l’a voulu.
Un cul princier comme un cul prolétaire,
A la nature doit payer son tribut.
(Refrain)
5
0 vanité des choses de ce monde,
Rose et jasmin, qu’êtes-vous devenus ?
Vous vous flattiez d’embaumer à la ronde,
La merde passe et l’on ne vous sent plus…
(Refrain)
6
Le peuple un jour d’une royauté vaine
Brisa le sceptre et le trône odieux !…
Seule ici-bas La merde souveraine
Aura toujours son trône en tous Les lieux.
(Refrain)
7
Qu’à La frontière un jour le canon tonne,
Que La patrie un jour soit en danger
On vous verra dans les champs de Bellone,
Mieux que Cambronne, emmerder l’étranger.
(Refrain)

JPEG - 133.4 ko



Fleur de crime
(1894)

JPEG - 122 ko


C’est au guinch’ que je fis Clémence
Une’ fill’ qu’a pas l’trac,
Un jour que j’eus beaucoup de chance
En f’sant un fric-frac,
Ell’ m’dit : "J’suis chipé pour ton gniasse,
Mon petit bichon,
Mais n’faudra pas avoir la Chiasse
D’un coup de torchon…
Refrain
Ell’ m’app’Lait son loup, sa p’tite crotte
Chaqu’ jour pour mes zigu’s su’ l’boulevard,
Elle en f’sait ; la nuit dans l’plumard
A m’aimer paumait la bouillotte,
C’était un’ floum’, un’ vrai’ marmotte.
Bien souvent le soir à la thôle,
Quand elle rognait,
J ’y foutais des marrons, c’est drôle
Comm’ ça la r ’bectait. Ell’ râlait une demi-plombe ;
Puis à moi moi rev’nait en chiâlant,
M’dire en douc’ : "souffle la calbombe,
Je t’aim’ mieux maint’nant.
(Refrain)
Hélas ! j’ l’ai pas longtemps fait belle,
Car son ancien gas,
Qui v’nait toujours à la Chapelle
La courir su’ l’tas,
En vach’ m’a scionné par derrière.
Je m’suis fait servir
Et l’ toubib de Lariboisière
Dit qu’ j’en vais chrônir.
Ell’ m’app’Lait son loup, sa p’tite crotte
Chaqu’ jour pour mes zigu’s su’ l’boulevard,
Elle en f’sait ; la nuit dans l’plumard
A m’aimer paumait la bouillotte,
Adieu, adieu, ma pauvr’ marmotte…

JPEG - 119.6 ko



Lire notre article : http://www.des-gens.net/Goualantes-de-la-Villette-2-L-amour-a-la-barriere


Article mis en ligne en juillet 2015.

Quartiers Libres, le canard de Belleville et du 19ème (1978-2006) numérisé sur le site internet La Ville des Gens depuis 2009.

Consultez les archives et les nouveaux articles jamais parus dans la version papier de Quartiers Libres numérique

Toute utilisation en dehors du cadre privé ou scolaire doit faire l’objet d’une demande auprès de l’association Quartiers Libres et/ou de la Ville des Gens

Quartiers Libres - Contact et renseignements :

Michel Fabreguet et Richard Denis :quartierslibr1@gmail.com

La Ville des Gens - Salvatore Ursini

Rédacteur – Chargé des relations avec les publics

Téléphone 01 77 35 80 88 / Fax 01 40 36 81 57

Nous contacter

Consultez nos archives sur :
Quartiers Libres Numérique sur la Ville des Gens