La ville des gens : 13/octobre

Votez Blackara !

Ils sont tous les 2 âgés de 23 ans et aiment le rap depuis leur adolescence. Leur premier album « Superstars locales » doit sortir en septembre.

« Appelez- nous par nos noms d’artistes ! »

Ils sont tous les 2 âgés de 23 ans et aiment le rap depuis leur adolescence. Mani Peterson et Xiao Venom, de leur nom d’artiste. Leur premier album « Superstars locales » doit bientôt sortir.

Ils animent aussi une émission sur Fréquence Paris Plurielle (106.3) intitulée « Glory Times » de 4 h 30 à 6 h du matin. Le concept : offrir l’heure de gloire à un invité car « l’art est partout » (dixit M.P).

L’interview a d’ailleurs été réalisée lors d’une de leurs émissions. Ils organisent également leur propres soirées qu’ils ont nommées « les nuits parisiennes » où les seuls mots d’ordre sont « Grandeur, Folie et Sexe » : tel est l’esprit du Blackara…

M.P. : « Je vis à Jaurés depuis 1992 . J’ai beaucoup déménagé , j’ai vécu dans le 10e, le 20e, le 13e, à Bobigny et à Montreuil, mais c’est le seul quartier auquel je suis réellement attaché car c’est ici que ma famille a pu se poser. »

X.V. : « Moi j’ai toujours vécu dans le 19e depuis mon arrivée en France : rue Manin, ensuite dans la cité René Fonck de la porte des Lilas, cité qui a été détruite d’ailleurs… »

Le quartier

« En quelques mots, notre quartier c’est de la joie, des rires, du respect, de l’éclectisme, de l’authenticité, de l’humanité.

Notre “ghetto” est jeune, beaucoup plus vivant que d’autres. C’est un véritable village. Le 19e,c’est dynamique, c’est pluriethnique. Y a vraiment que dans le 19e qu’il y a une réelle mixité : les gens des bâtiments et ceux des cités, on vit pareil. C’est pas agressif comparé au 18e et pas sectorisé comparé au 20e.

En regardant bien, tous les quartiers du 19e se ressemblent : De Jaurès à Place des fêtes en passant par Danube, tu retrouves les mêmes populations, la même façon de vivre… Tout y est bien en réalité. Ce serait dur de le quitter. »

JPEG - 95.4 ko
© Michel Roche

« Tous les gens se connaissent. Nous, on connaît tous les commerçants : du mec de la laverie au cordonnier. Mais il faudrait construire un endroit pour les jeunes dans notre quartier, surtout pour les plus petits car le seul qu’ils aient est devant la synagogue. Heureusement, il n’y a pas de conflits entre ceux qui prient et ceux qui jouent.

La Mairie délaisse notre quartier sous prétexte que c’est pas une zone sensible. Mais attention, on ne va pas brûler des voitures parce qu’on veut un banc ! Notre message est avant tout préventif .

On voudrait plus d’événements dans le 19e. Pour l’instant, y a que des réunions non-communicatives. On voudrait que la Mairie reprenne sa place dans la fête. Les gens grandissent trop vite… VOTEZ BLACKARA !
 »

Les lieux

« Massaï Mara : c’est un restaurant africain. On a l’habitude de s’y rendre . Quand on y va c’est pour boire du bissap [boisson africaine à base d’hibiscus, NDLR ]. On y mange intello car il fait aussi galerie pour artistes africains ! Ce n’est pas un restau chic, mais charme !
66, rue Armand Carrel, métro Jaurès

Mama Africa : C’est aussi un restau africain mais beaucoup plus abordable que Massaï Mara .
48, avenue Jean Jaurés

Gin Sing Wu :
C’est un restaurant asiatique, on y est très bien servi . »

Chez Gin Sing Wu

« 
Au bord de la Méditerrannée :
C’est un lieu agréable et convivial où on se rend parfois pour boire du thé . Ils y servent du vrai poulet thaïlandais .

Golden food : on y mange le plus gros sandwich de Paris !
Boulevard de le Villette, métro Colonel Fabien

Le Stade Pailleron : Là-bas, on joue au foot ou au basket… Le public y est essentiellement masculin mais l’ambiance y est quand même conviviale . En plus, la piscine et la patinoire vont bientôt rouvrir.

L’Abracadabar :
il y a une bonne ambiance dans ce bar. C’est un bon endroit pour rencontrer des artistes et des univers différents.

Les Voûtes : les vendredis soirs, il y a des bœufs et des Open Mic’ dans des studios qui sont installés sous l’ancienne voie de chemin de fer. »

Convivialité

« Avant, c’était sectorisé. Il y avait nous les Blacks, et la Maf’, les Asiatiques. Avec le temps, ça c’est arrangé. Comme on dit : « La base de toute entente, c’est le conflit !

On veut un quartier heureux, rapprocher les gens en créant des liens pour que les gens ne se méprisent pas. On a tous des problèmes, mais l’important est de ne pas bloquer sur ces problèmes. Si la plupart des gens savaient ça, il y en aurait déjà moins.

Toute l’énergie que les gens mettent à se plaindre, à se poser en victimes, il faudrait qu’ils l’utilisent pour créer !

On veut apporter de l’amour où on vit. En fait, ce qu’on veut c’est que les gens soient bien dans le quartier, que tout le monde se dise bonjour.
 »

Blackara

« On organise et finance nous-mêmes nos fêtes de quartier. Avant, il y avait des gens qui ne se connaissaient pas, et maintenant, ils se connaissent. C’est vraiment des fêtes pour les gens du quartier par les gens du quartier.

Ces fêtes nous permettent de faire connaître notre musique aux riverains. Il y a à manger, des cadeaux pour les plus petits, etc. Une année, il y a même eu des jongleurs de feu et une fois aussi, nous nous étions déguisés en Péres Noël !

La première fois, ça c’est fait de manière spontanée : on a vu les jeunes qui s’emmerdaient, on a dit : “on va faire une fête !” On a acheté des boissons, ça s’est fini en match de boxe. Les petits ont kiffé. C’était un 12 juillet.
Depuis, on a décrété que cette date serait officiellement “la fête nationale du quartier” !
 »

« On devait en faire une pour Noël 2005 mais la Mairie ne nous a pas donné l’autorisation sous prétexte que l’argent utilisé pour ses fêtes était sale…

De toutes façons, même si on a fait de l’argent sale, on l’a redonné au peuple. On en a gardé pour nous bien sûr, on n’est pas des Robin des bois ! Le refus de la Mairie, c’est surtout que l’initiative que nous prenons en organisant nous-mêmes ces fêtes les met en faute.

On a fait de la prison, on a payé pour ce qu’on a fait, et maintenant on gagne de l’argent de plein d’autres manières : on organise des soirées, on vend des vêtements et même des sous-vêtements ! D’ailleurs, merci à toutes celles qui nous ont acheté des sous-vêtements [chanté sur l’air de “A toutes les filles…”] !

Tout ce qu’on fait, c’est toujours pour l’être humain. On aime la vie. C’est ça qui est important.

Ca me fait penser à une phrase dans le film “Oldboy” : “Ris et tout le monde rira avec toi. Pleure et tu pleureras seul.”
Il faut kiffer sa life. Il faut toujours être heureux, point ! »

Le tourisme

« Le 19e, c’est pas vraiment un arrondissement fait pour être visité. Ce qui est bien ici, c’est que les lieux touristiques sont faits pour les gens qui y vivent, comparé à la Capitale [sic]où tout est fait pour les touristes et les sexagénaires.

On a le choix ici. On peut rester dans le 19e et y faire plein de choses.
 »

Parisiens = têtes de chiens ?

« 
Paris fait vraiment office de mauvais exemple. Personne ne vit ensemble. Dans notre quartier, au moins c’est pas comme dans la capitale. Si on va dans le 16e et qu’on dit bonjour à quelqu’un, la personne nous prendra pour des fous !

C’est vrai que les Parisiens sont tristes mais c’est parce que rien n’est fait pour eux. Il faut juste donner matière à la joie. »

« Paris, plus ça avance et plus c’est pire ! Paris, la nuit c’est fini. Tellement c’est mort, moi, je dors en marchant ! Des endroits ferment et ceux qui ouvrent à la place, c’est pour les touristes.

Y’a des “physios” partout. Pour sortir dans des endroits, faut qu’ils te connaissent, alors que normalement tu sors pour rencontrer des gens que tu ne connais pas…

C’est la peur qui domine, la ville fait peur alors qu’en réalité ça se passe bien, mais les médias ne parlent que de peur. La solution, c’est plus de confiance .

A la télé, on dirait qu’on veut te museler en te faisant peur et en montrant qu’il y a toujours pire. S’il y a toujours pire, alors pourquoi te plaindre ? Mais quelle que soit ta situation, tu es en droit d’aspirer à mieux.

Avant, on s’amusait beaucoup plus à Paris. Maintenant, on doit gagner la Coupe du Monde pour que Paris vive. Et ça, ça n’est pas prêt d’arriver … »

Propos recueillis par Dee-Dee