La ville des gens : 31/janvier

Le boucher de l’Argonne

Thierry, 46 ans, travaille à la boucherie de l’Argonne. Il a connu la fin des abattoirs et a suivi l’évolution du quartier et du métier.

« Ça fait une trentaine d’années que je travaille dans la boucherie. J’ai commencé à Chartres à 13 ans. A l’époque, c’était : soit tu bosses, soit c’est la maison de correction, et comme dans la famille, c’était la boucherie, ça a été la boucherie.

Bien sûr, on n’était pas bombardé comme ça, on devait d’abord aller visiter un abattoir pour voir si on supportait le sang, les couteaux… Si c’était le cas, c’était bon ! vous faisiez partie du milieu.
Alors, ma vie professionnelle a commencé.

Je venais 2 fois par semaine à La Villette dans les années 70. C’était un boulot dur, on bossait entre 4 h du matin et 8 h du soir, mais y avait une bonne ambiance, c’était comme une grande famille. On mangeait des tripes ensemble, au milieu de la nuit, ça nous permettait de tenir pour la journée, on se serrait les coudes.

Je me souviens surtout de ces types avec des grandes blouses noires et des casquettes blanches, les chevillards. C’était eux qui amenaient les bêtes à l’abattoir.

Quant à la qualité, rien à voir avec aujourd’hui ! c’était des vrais bêtes, d’environ 2 ans d’âge, alors que de nos jours, ce sont des bêtes plus jeunes, nourries avec des trucs malsains et piquées aux antibiotiques …

Et au niveau travail, c’est le jour et la nuit, il n’y a plus que des boucheries cacher et halal dans le quartier, avec des horaires du matin : de 7 h du matin à 13 h.
Le boulot est différent, c’est normal, y a pas de porc. Avec le porc, il y a beaucoup de travail, tout ce qui est charcuterie….

De toutes façons, on ne trouve plus de boulot aussi facilement. Il ne reste qu’une dizaine de boucheries dans le coin.

Pour moi, le must du boucher, c’est celui qui sort d’une boucherie "française", car celui là, il sait tout faire. »
« 
Pour ce qui est de la vie de famille, c’est quasi impossible avec ce genre de métier, d’ailleurs on est presque tous divorcés.

Avant, les femmes, elles étaient à la caisse à la boucherie, aujourd’hui, elles se promènent ailleurs, alors ce n’est pas facile. Heureusement, qu’il y a une bonne ambiance à la boucherie ! »

Propos recueillis par M.C.B.