La ville des gens : 31/août

Julia Revault

Il y a l’art d’accommoder les restes, comme l’art de récupérer les rejets. Julia Revault, 23 ans, elle, récupère et crée : les charmants "Rabbit caps" à partir de capsules de bouteilles - objet jetable s’il
en est. Elle raconte.

Oui, je fais des lapins. Jusqu’à présent, seulement des lapins. Pour moi, le symbolique et la forme des capsules de bouteilles - surtout les capsules de bière - s’y prêtent. Voyez, je ne peins pas certaines d’entre elles : les caractères chinois ou mexicains sont déjà très jolis. Les lapins ont tous la même taille : j’utilise un nombre déterminé de capsules pour le corps, la queue, et les oreilles bien sûr, droites ou penchées. Les lunettes ? Ah, c’est délicat ! c’est pour faire les yeux, qui seraient impossibles à peindre sinon. Celui-là, il a un monocle seulement !

Mes idées de personnages me viennent comme ça, de ce que je vois dans le quartier. Fêtes, mariages, passants. Il y a des lapins en bretelles, ou celui-ci doré avec son nœud papillon, celui-là tout de noir… non, je n’ai jamais fait de lapin "Playboy", ce n’est pas là l’idée ! Celui-ci par exemple, il est penché : j’aime bien le mettre sur mon écran d’ordinateur comme s’il veillait sur moi. Chaque lapin est unique. Mais j’ai fait aussi des "couples", lapins en vacances avec lunettes de soleil.

En général, je travaille avec des outils faciles à trouver - comme mon matériau : le fer à souder, la meuleuse, des teintures et une bombe à laque pour voiture, parce que ça tient bien et que c’est brillant. J’utilise aussi un pinceau à laque tout simple que j’ai trouvé chez Leclerc. J’achète des clous très minces pour les branches des lunettes. Autrement, tout est dans la capsule et la façon de la courber. Le lapin penché, par exemple, ça a été délicat à souder. La soudure, c’est très important, ça demande beaucoup de minutie. Et bien sûr, avant, je décape la peinture d’origine. Après je peux utiliser la bombe à spray et la laque tient bien par-dessus.

C’est un plaisir de récupérer ces petits objets jetables. Il y a beaucoup de diversité dans les dessins et c’est facile à trouver et à transformer. L’idée, je l’avoue, ne vient pas entièrement de moi. C’est un ami dont le grand-père, médecin en province, m’a montré ses mini-sculptures, qu’il faisait et offrait à ses patients… passe-temps de vieux monsieur… J’ai aimé.

D’ailleurs, j’ai de nouvelles idées. J’ai envie d’expérimenter les médaillons de champagne, j’utiliserais les recto-verso en pendentifs.
Quant aux bijoux, à l’origine c’était aussi de la récupération. Ma grand-mère tenait un petit commerce de perles à Luchon, et je trouvais des perles dans tous les coins. Gamine, j’ai commencé à faire des colliers, comme ça, à enfiler des perles comme d’autres font du crochet. Et puis j’en ai fait pour les copines. Je reste très fidèle aux perles dans ma bijouterie : colliers, bagues, bracelets et boucles d’oreilles. A présent, je fais aussi des pendentifs en nacre. J’utilise également du plastique PVC pour mes bagues style "piercing" et des épingles à nourrice pour des broches ou des bijoux de sac à main. Parfois aussi du cristal de Swarsovski.

Ça et les rabbits, c’est un travail manuel délicat, un artisanat. Mais je ne vais pas vendre au marché, il faudrait un permis ; et puis ces objets sont facilement volés. Non, c’est plutôt par le bouche à oreille (de lapin !) que je vends. J’aimerais faire un catalogue pour l’entourage et le faire circuler, liquider ce stock. Aussi, je pense créer un site Internet. Je ferai peut-être breveter mes "rabbitcaps". J’ai un gros faible pour ces petits lapins, il n’y en a pas deux pareils…

Julia Revault
Villa du Bois d’Orme
14-16 rue de Romainville
Paris 19e
Métro Télégraphe
Tél. 01 75 50 60 44

- Rabbitcaps : 10 €
- Bijoux : 4 - 12 €