La ville des gens : 1er/juin

Y’a d’ la joie !


Le Bas-Belleville vit depuis quelque 25 ans des démolitions d’habitations, de vieux commerces et d’ateliers artisanaux. Regrets, nostalgies mais aussi réaction, création… De ce mélange de sentiments et d’actions est née l’Association "Y’a d’ la joie", pour soutenir Fanfan, victime de l’expropriation.

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Photo : André Lejarre / Le Bar Floréal.

Pour vous rafraîchir la mémoire ou pour vous rafraîchir tout court, il vous est encore possible de faire la connaissance de Fanfan Lajoy et de boire un verre dans son épicerie-buvette, 35 rue de Tourtille, en face de la rue Lesage. C’est l’une des dernières épiceries-buvettes de Paris, en tout cas la dernière du Bas-Belleville. Quand la ville de Paris et les promoteurs parlent de rénovation, les habitants du quartier, moins pudiques sans doute, parlent de démolition.

Toujours est-il que l’établissement de Fanfan se trouve voué à disparaître et qu’il reste l’un des derniers immeubles dressés au milieu des chantiers. Vestiges d’un passé révolu de ces constructions qui ne peuvent plus témoigner de la vie d’autrefois. Il faut évoluer, certes, mais surtout se souvenir, ne serait-ce que pour se rappeler ses racines.

C’est le cas de Fanfan qui a grandi dans son café. Avant elle, sa grand-mère Louise, venue de Picardie, s’y installe en 1932, puis sa mère, Blanche lui succède jusqu’en 1983, date à laquelle Françoise, Fanfan pour les amis, reprend seule le commerce familial. Ce dernier vend des sacs de charbon et un peu de bois, il y a également des étalages de fruits et de légumes sur le trottoir.

Le père de Fanfan, menuisier-ébéniste de son état, a lui-même réalisé les étagères murales et refait, en 1946, le comptoir en bois et zinc, suite à un accident causé par un camion qui a dévalé la rue Lesage et défoncé la vitrine. Dès 1956, Fanfan aide sa mère, elle a toujours aimé peser les aliments sur les plateaux en cuivre de la balance Robert Val. En 1962, la boutique s’équipe d’une vitrine réfrigérée et continue encore une dizaine d’années son petit bonhomme de chemin. Elle connaît ensuite un nouveau tournant.

En effet, grâce au charisme de Fanfan et à sa générosité la clientèle se transforme quelque peu au fil des années. La porte s’ouvre à tout le monde au point de devenir un endroit de convivialité exceptionnelle exceptionnelle. Ainsi, des personnes de tous les horizons se côtoient sans distinction de classe : ouvriers, intellectuels, SDF, artistes et quelques touristes curieux. De même, tous les bellevillois s’y rencontrent et dansent ensemble au bal du 14 Juillet.



Les artistes aiment Fanfan

Parmi les artistes venus partager l’atmosphère chaleureuse, des sculpteurs comme Alexandre Robert Rigaut qui avait son atelier rue Ramponneau. Clément Lépidis, coauteur de Belleville mon village, avec Emmanuel Jacomin, superbe ouvrage sur le quartier au début du siècle, y vint aussi. Aujourd’hui, Fanfan accueille Serge Nemo et Jérôme Mesnager qui couvrent les murs condamnés du quartier de fresques contestataires.

Les photographes du bar Floréal, ainsi que Pierre Burel qui tente d’initier les jeunes à l’expression par l’image s’y retrouvent. Pour tous, tolérance et solidarité ont laissé les préjugés au dehors. Bref, une ambiance de vie unique qu’un groupe d’habitués, cherche à préserver, conscient de l’existence provisoire du café. Depuis 1990, il Y a en effet un projet de le raser au profit d’un agrandissement de l’école maternelle qui le jouxte.

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En réaction, les fidèles amis ont créé une association loi 1901, "Y’a d’ la Joie", (comme Lajoy) dont l’objectif consiste à ouvrir un lieu alternatif de proximité avec buvette. Ses membres actifs seront bénévoles et prendront en charge les différentes manifestations culturelles sur Paris et le quartier de Belleville. D’autres associations pourront s’y réunir, les artistes exposer leurs œuvres, le public consulter les livres de la bibliothèque. Et puis, il y aura des groupes de musique, des chansons poétique. Y’a d’ la Joie a reçu le soutien d’autres associations de Belleville.

Quartiers Libres lui souhaite bonne chance et tout particulièrement à Fanfan qui, pour le moment ne sait pas quand elle devra définitivement fermer son café. Difficile pour elle de vivre dans le doute quotidien, d’autant que la décision administrative se fait attendre depuis 1994, même si elle est profondément redoutée. Heureusement, Samy, son chien et Toutoune, sa chatte, la soutiennent. Puisse l’Association lui permettre de se reloger et de continuer à travailler mais surtout de recréer l’âme de l’ancien lieu dans le nouveau qui n’est pas encore trouvé.

Il est clair que pour tous, ce dernier devra se situer dans le plus proche voisinage de la rue de Tourtille ; il s’avère que les locaux se font rares et chers. Tout lecteur susceptible d’en connaître un, peut contacter l’association. Quartiers Libres ne manquera pas de vous informer de la prochaine étape. Fanfan, ne cédez pas au pessimisme ! D’ailleurs, pour braver le destin, vous organisez, les dimanches soir, des apéritifs-concerts autour d’un accordéon, d’une guitare et de chanteurs fervents de Georges Brassens. Que la fête commence et recommence !


Sylviane Martin

« Y’a d’ la joie » : 158 rue Saint-Maur 75011 Paris.


Article mis en ligne par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens. Actualisé en décembre 2013.

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