La ville des gens : 15/avril

Objectifs Belleville


L'ancien café-chantant "La liberté" Rue de Belleville.

À vrai dire, au départ, je n’étais pas très à l’aise. Cette ballade, à Belleville avait quelque chose d’une Visite touristique et le nombre de participants à ce qui se voulait avant tout rencontre, en même temps qu’il modifiait de fait ma coutumière intimité de ce décor et de ses gens, appelait irrésistiblement la comparaison avec un car de curieux. Un groupe d’instituteurs et de directeurs d’établissements spécialisés en stage au Centre de Formation de Beaumont sur Oise [1] avait décidé, en photographes, de poser un regard sur Belleville.

À la rencontre de Belleville, plusieurs photographes…

Un regard évidemment pluriel que devaient traduire à l’arrivée autant de vues - de visions- personnelles de l’objet approché, ici donc un quartier, ses pavés, ses rues, ses gens, leurs cris, leurs mouvements, leurs silences, la lumière et le travail un peu partout nichés.

Ancien stagiaire du centre, ami de certaine d’entre eux, en guide improvisé,
je les accompagnais …. Avant même l’inévitable couscous aux "Lumières" et la conséquente "kémia" de Charlot, son patron, mes craintes étaient dissipées.

Ce lieu que la plupart d’entre eux ignoraient avant ce jour, paraissait à l’évidence intéresser nos enseignants. Mieux, ils s’y sentaient bien. Et ainsi, par l’aisance rendus transparents, leur curiosité et leur plaisir à photographier jamais ne posèrent un problème quand en plus d’un endroit d’aucun aurait pu se sentir visé !

Une fois seulement et un très court instant la question fut posée de savoir "pourquoi ces appareils ?". Il faut dire que Rue Ramponneau, depuis l’infâme article de France-Soir tout de racisme et de mépris tissé sur" Une rue de la drogue à Paris", on se méfie des photographes ..

Mais ceux-là semblaient bien d’un genre tout différent. Leur sourire n’était pas tordu, leur parole n’était pas viciée et tout pouvait devant la Boukha [2] s’arranger… avant qu’ils ne poursuivent à travers venelles et jardins.

Leurs photos d’ailleurs parlent d’elles mêmes. Ils ont aimé Belleville.
Et chacun l’aura vu comme il l’entendait.Ou réciproquement. Quant à nous, nous aimons cette façon de voir et d’entendre.


Alain Seksig

Photo : l’ancien café-chantant "La liberté" Rue de Belleville


Légende des photos

1. Maurice Arnoult, maître bottier. Maurice, j’en ai vu des photos de toi. Celle-ci est la plus belle que je connaisse. D’abord parce que tu es beau. Tu souris, attentif et tendre à ton interlocuteur, la main tendue - comme l’esprit, toujours en éveil. Le temps comme ce geste en suspens.

Ainsi sont les moments passés chez toi, Maurice, dans ce petit atelier au fouillis si précieux, que tu occupes au centre et si vivement éclairés : tous ces outils au mur aligné paraissent une petite armée que tu commandes avec expérience et douceur - et que l’on t’imagine au travail caressant , oui ainsi va le temps chez toi, comme suspendu, comme une parenthèse vivifiante.
Et que cette photo ait, pour moi, réussi à rendre tout cela - sûrement d’autres choses pour d’autres personnes - suffit à dire tout l’intérêt que je lui porte et combien doit en être ici remercié son auteur.

2 et 3. Rue de Savies. Tant de soleil rue des Cascades ! Et ces ombres aux murs de la Rue de Savies, la plus petite et la plus ancienne rue de Belleville, témoignant de la vie qui fut et ne veut fuir en cette rue. Ainsi qu’images de sa Vie, ces deux photos nous montrent de cet endroit ombres et lumières, permanence et changement sous la main de l’homme agencé.


4. Jeux de construction. Rue Piat où les pavés bien ordonnés présentaient à bien y regarder le charme de l’irrégularité et le parfum de la peine, on entasse à présent les cubes les uns sur les autres, on aligne les voitures à leur pied. Méthodiquement. A chacun son mètre ,carré, bien carré. Garde à vous.
Fixe !

L’image est fixée oui, mais ils n’ont pas encore recouvert les pavés. Et qui sait ce qu’en grattant un peu, on pourrait par dessous découvrir…

5. Connaissez-vous le toboggan de ce jardin du bout de la rue Piat ? Non content de dominer Paris, c’est le plus long que je connaisse. Au moins 20 mètres !(note de la claviste : et le toboggan de La Villette… 26 mètres de long !)Demandez-le donc à ce phare du bout de la rue Piat des hauteurs de Paris.

6. La Villa Castel tout juste sauvée de la mise à bas - de la mise à mort - est aujourd’hui en vente Largement comparable en tous points à celle qui illustre en leur gros livre rouge les propos de Lépidis et Jacomin [3], cette photographie en diffère cependant par l’absence de l’élément humain au centre de l’allée Signe des temps - et habileté nouvelle de nos promoteurs - la villa Castel se bibelotise davantage qu’elle ne respire la vie.


7. Le réverbère ici se découvre devant les vieux amants du bord du banc du bac à sable surpris malgré la veille conjuguée du clocher protégé de Notre Dame de Ménilmontant, des buissons, arbustes et palissades éventées de ce terrain de jeux.

8. Un chien figé qui semble triste au fond d’une cour délabrée, seul au milieu des gravats, des pavés défoncés,des bicoques aveugles, et ces fils qui courent solidement amarrés aux murs comme autant de liens volontaires à la vie. Une image de la volonté de durer quand tout confine à la misère…

9. Un souci de liberté aussi que semble confirmer dans son paisible envol ce couple de pigeons citadins.

10. Si le marché de la Place des Fêtes est devenu l’un des plus chers de Paris,il demeure néanmoins l’un des plus agréables, l’un des plus colorés, l’un des plus propices à la flânerie et la rencontre (vous trouverez toujours vos amis trainant dans un coin du marché). Le genre d’endroit où par excellence la musique erre en amie.



Article mis en ligne en 2012 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en septembre 2013.

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