La ville des gens : 26/décembre
De la sobriété à l’ivresse mystique

Julien Weiss


Natif de Belleville, le musicien Jalal eddin Weiss incarne les liens entre l’Est parisien et le Sud méditerranéen évoqués dans le précédent numéro de Quartiers Libres. Nous l’avons rencontré à Fès, au Festival des Musiques Sacrées du Monde, avec ses musiciens de l’ensemble al Kindi et les grands hymnodes syriens Hamza Chakour et Adib Dayikh. C’est au terme d’une recherche exigeante dans la musique orientale et un parcours interculturel exceptionnel, qu’il est aujourd’hui reconnu et entouré des plus grands maîtres orientaux du patrimoine musical arabe. Croisement entre tradition ancestrale et approche élaborée.

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À gauche Julien Weiss et son qanoun, à droite : le chanteur Adib Dayikh - photo X.

L’air recueilli et déterminé d’un Lawrence d’Arabie à la veille de la prise d’Akaba, penché sur son qanoun [1] à plus de cent cordes fabriqué à sa demande à Damas, Jalal eddin Weiss impressionne le public par l’homogénéité de son ensemble et la qualité de son univers musical dont il est le pivot central et le révélateur en Occident.

C’est à Damas, en Syrie - étape sur la route du pèlerinage à la Mecque - que ce sont croisés l’héritage de la musique chrétienne araméenne et byzantine et le répertoire des confréries soufies [2] qui intègrent à leur samâ (concert spirituel) le ney (flûte), le qanoun et les cymbales. Jalal eddin Weiss s’initie tout d’abord à la guitare classique. Émancipé à 17 ans, il part pour de longs voyages au Brésil, aux Antilles, puis au Maroc où il s’imprègne de la tradition musicale arabe. Immergé dans le monde des musiciens arabes au Magreb, puis en France, il se met en quête des plus grands virtuoses de cette tradition.

C’est à travers une approche journalistique (rubriques musicales à l’Autre Journal et à Libération) qu’il découvre les grands maîtres de cette tradition, comme Hamza Chakour, l’hymnode de la Mosquée des Omeyyades à Damas et le chanteur de Ghazzal, originaire d’Alep, Adib Dayikh.

Ce dernier, qui a ému le public du festival par les prouesses de son chant, est représentatif de cette faculté de la musique arabe, qui lui confère son aspect universel, de passer du registre profane au registre sacré avec une science consommée des modes musicaux et une sensibilité à fleur de peau. "Uslub al Tajalli" est le nom savant pour ce style de chant, à la fois récitatif et volubile, à cheval entre ivresse extérieure et intérieure. De son jeu subtil et rigoureusement élaboré se dégage un rythme ascendant qui saisit le spectateur et le transporte de la sobriété à l’ivresse.

Ce même mouvement de retenue et d’excès caractérise le parcours de Julien Weiss.

Malgré le doute de certains critiques quant à la capacité d’un occidental à reproduire tous les tons et les nuances de ce mode musical savant, tous les ingrédients sont réunis pour faire de Julien Jalâl eddin Weiss un véritable trait d’union entre le Machreq et le reste du monde et le passeur de ces artistes traditionnels qu’il entraîne dans son sillage en tournées dans le monde entier.


Clara Murner

Fondé en 1983, l’ensemble instrumental de Julien jalâl eddin Weiss porte le nom d’Al Kindî, en hommage au grand philosophe et théoricien de l’harmonie universelle qui faisait correspondre aux quatre cordes de son luth toutes les manifestations de la nature.

Vous pourrez les écouter : les 4, 5, 6 novembre 1996 au Café de la Danse où ils se produiront avec les Derviches tourneurs de Damas, et le 13 janvier 1997 au Théâtre de la Ville avec le chanteur de Bagdad Alazami.



Article mis en ligne en décembre 2013.

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