En ce début d’été 2004, la place du Danube à Paris prend des airs de province. Le temps des vacances est arrivé. À quelques encablures, assis sur les dalles de pierre de la terrasse du tout jeune Centre socioculturel Danube, Aboudou, Kamal, Lahcene, Mouhsine et Willy bavardent.
De gauche à droite : Mouhsine Mzouri, Willy Ouanely, Lahcene Belazzoug, S.Kamal, Mohamed Labarre (en portrait sur le tableau), Aboudou Traoré, Bakary Koma, Martine Lagardette.
Autour d’eux, des cahiers, des feuilles de papiers, des paquets de gâteaux et des livres. Écrire, lire à voix haute, partager… Tous ont grandi dans ce même quartier, ont fréquenté la même école, les mêmes copains. Aujourd’hui, il faut écouter les poèmes couleur Siam d’Aboudou et Mouhsine qui polit ses mots. Lahcene écrit dans son coin, le désert, la couleur de la peau. Willy, qui, s’il ne peut nous voir complètement devine nos pensées et jette à tous vents de « petites phrases », à la Audiard. Les mots de Kamal suivent le fil d’une histoire qui prend ses racines aux Comores et se prolonge au cœur d’une cité parisienne et serpente entre les immeubles en brique rouge de la rue Gaston Pinot, la rue de la Solidarité, rue de la Prévoyance… Le « Magasin des mots » est né. Plus tard , Mohamed, puis Bakary le rejoindront. Mohamed avec ses « Phoésies », un « mot-valise » pour désigner l’association de ses poèmes et de ses photos impeccables. Bakary avec sa caméra et sa perspicacité pour écrire l’histoire de cette drôle de rencontre. Atelier d’écriture cosmopolite où les racines de chacun s’étendent du Maghreb (Mouhsine, Mohamed, Lahcene), des Antilles (Willy) , des Comores (Kamal), du Mali (Aboudou, Bakary), à l’hexagone (Martine Lagardette) pour se rejoindre à Paris et y construire une histoire commune.
L’écriture est une affaire sérieuse, les débats sont houleux et enthousiastes, mais ils ne suffisent plus aux « Magasiniers » qui ont alors l’idée de recevoir des invités : un juriste, une plasticienne, un éditeur de bandes dessinées, André Nicaud, un historien, un graphiste et l’auteur de bandes dessinées Farid Boudjellal, dévoilent le temps d’une soirée, d’autres langages, d’autres mots. Conscient qu’il est urgent de bousculer les barrières élevées entre les générations, le « Magasin des mots » intervient plusieurs fois au cours de lectures publiques en 2005, dans des clubs d’aînés et des résidences, au côté du Conseil des anciens de l’arrondissement.
Les « Magasiniers » sont sous le choc. Lectures, témoignages, conversations à bâtons rompus ont levé bien des a priori chez les jeunes et les moins jeunes ! Révélation : quel que soit l’âge , la vie ne fait pas que des cadeaux. Surpris et conquis, les jeunes et les moins jeunes n’osaient y croire. Puis participation au Café Littéraire de Quartiers Libres, à la Mairie en Novembre 2005. Maintenant, il y a urgence à transmettre aux petits frères. Et demain ? Demain… de nouveaux projets verront le jour. D’autres textes, d’autres rencontres, d’autres lectures sont dans les tuyaux. D’autres histoires d’amitié, d’exil dans la ville, de maux et de mots.
A.R.
(*) « Petit Oursin » Flammarion - Père Castor,
« La cause des hommes, les hommes au bord de la crise de nerf »,
« Vive les vieux ! Ils n’ont jamais été aussi jeunes ».
Article mis en ligne en septembre 2014.
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