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BAS-BELLEVILLE : l’enquête d’utilité publique

Elle se déroulera du 17 octobre au 25 novembre 1994

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Le Conseil de Paris a adopté le 11 juillet dernier le bilan de la concertation préalable au réaménagement du Bas-Belleville, le principe de la création d’une Zone d’Aménagement Concerté sur ce quartier ainsi que le dossier de déclaration d’utilité publique de l’opération projetée.

L’enquête d’utilité publique sur ce projet débutera le lundi 17 octobre à la Mairie du 20e et s’achèvera le vendredi 25 novembre. Tout le monde peut inscrire ses remarques sur le registre prévu à cet effet et compte-tenu des graves lacunes que contient ce projet il est important de le dire au commissaire enquêteur.

Le projet d’aménagement a certes évolué dans un sens favorable à la préservation des équilibres socio-économiques du Bas-Belleville, grâce en particulier à la réduction du champ des démolitions (alors que la quasi-totalité du quartier devait être démoli à l’origine, 82% des logements sont aujourd’hui conservés).

Mais il reste des points essentiels - ils sont au moins au nombre de six - à préciser ou à modifier si l’on veut effectivement parvenir à maintenir sur place toutes les familles et activités qui le souhaitent, le projet actuel étant très insuffisamment social.


1. Un habitant sur trois au mieux pourra dans le projet actuel bénéficier d’un relogement sur place.

La Ville assigne à cette opération un certain nombre d’objectifs, en matière de relogement en particulier, censés répondre aux attentes de la population, mais elle ne se donne pas les moyens de pouvoir les atteindre…

La Ville affirme ainsi dans l’exposé des motifs accompagnant les délibérations du 11 juillet qu’elle "souhaite mettre en œuvre dans ce quartier des mesures permettant aux habitants qui le souhaitent de rester dans le secteur et assurant en priorité un droit au retour des personnes relogées à l’extérieur de l’opération pendant sa mise en œuvre. Cet aspect de l’opération, à savoir le maintien sur place des habitants qui le désirent, répond à une attente forte de la population qui sera prise en compte".

Pour cela, elle s’engage à :

réserver les logements sociaux neufs (PLA et PLA insertion) qui relèvent de son contingent aux occupants de bonne foi des immeubles du périmètre de la ZAC voués à la démolition ou à la réhabilitation publique ;

réhabiliter et transformer cinq immeubles communaux en logements sociaux qui seront également affectés en priorité aux habitants du quartier ;

réserver une partie des quelque quarante lots vides préemptés dans les copropriétés conservées du Bas-Belleville pour des échanges fonciers à proposer aux propriétaires - occupants des immeubles à démolir ;

céder le solde de ces lots vides (c’est à dire l’essentiel de ces lots compte-tenu du nombre limité de propriétaires- occupants dans les immeubles à démolir) à des organismes HLM ou à des associations agréées, à la condition que ces lots soient utilisés au relogement en priorité des ayants-droit du quartier ;

"offrir à tous les habitants relogés à l’extérieur du quartier en raison des démolitions ou des réhabilitations d’initiative publique une possibilité de retour à terme" (sic). Ces dispositifs, innovateurs pour certains, sont censés répondre au souhait de rester sur place très largement partagé par la population. Il ressort en effet d’une étude réalisée pour la Ville-de-Paris auprès des occupants des bâtiments voués à la démolition, que 83% des ménages interrogés souhaitent un relogement dans le 20e arrondissement. C’est à dire très certainement à Belleville pour la grande majorité d’entre eux puisque seul le choix de l’arrondissement était à préciser dans le questionnaire qui leur était remis. En fait, une minorité de ces personnes verront leur souhait exaucé si le projet n’est pas amélioré.

La réservation aux occupants de bonne foi des seuls logements sociaux (PLA et PLA insertion) qui relèveront du contingent de la Ville (30% environ du total des 200 logements sociaux prévus à ce jour) sera en effet largement insuffisante pour que le relogement sur place devienne réalité.

Ce contingent représentera quelque 60 logements alors que le nombre de familles à reloger s’élève à 180 environ, auxquelles il faut ajouter les familles, nombreuses, qui ont été dispersées hors du quartier ces dernières années dans le cadre de la libération du patrimoine municipal préempté sur le Bas-Belleville et qui n’aspirent souvent qu’à bénéficier de ce "droit au retour" promis par la Ville ! En particulier, les 30 logements PLA insertion - dont moins de dix revenant à la Ville ! - qu’il est actuellement prévu de construire dans l’opération ne permettraient de répondre qu’à une infime partie des besoins recensés compte-tenu des revenus des foyers à reloger.

L’étude sociale réalisée fait en effet apparaître que 83% des familles devant être relogées disposent de revenus annuels inférieurs à 110.000 FF… parmi lesquelles 40% ont des revenus annuels inférieurs à 50.000 FF !

Les 90 logements intermédiaires PLI que la Ville prévoit de construire ainsi que les logements PLA classiques ne seront donc pas accessibles à la majorité d’entre elles.

Ces données ont amené la Bellevilleuse à demander à la Ville :

de solliciter dès aujourd’hui l’Etat et les organismes 1% - approche en rien inhabituelle à Paris- pour qu’ils consacrent également au relogement des futurs évincés leurs quotas respectifs de logements sociaux neufs ou réhabilités créés par l’opération à venir - soit environ 140 logements selon le bilan des constructions qui est proposé aujourd’hui ;

d’accentuer le caractère social des constructions prévues en réduisant sinon en abandonnant le programme de logements intermédiaires PLI - le plafond de ressources pour y accéder à ces logements est, pour une famille de quatre personnes disposant de deux revenus, de quelque 41.000 francs par mois ! - et en accroissant considérablement le nombre de logements très sociaux (PLA insertion).

Ces deux points sont des conditions sine qua non pour que les engagements municipaux de maintenir sur place ceux qui le souhaitent et de proposer un "droit au retour" à ceux qui ont dû quitter le quartier puissent être honorés.

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Photo M.A.A.


2. Un accompagnement social inexistant :

II est difficile d’évoquer la question du relogement dans un quartier comme le Bas-Belleville sans s’arrêter sur la notion "d’occupant de bonne foi".

La Ville a toujours déclaré que les occupants de bonne foi auraient droit, comme les détenteurs d’un bail, à un relogement. Cet engagement est d’ailleurs retranscrit - de manière plus nuancée - dans l’étude d’impact de l’opération.

Malheureusement l’expérience du relogement actuellement en cours des habitants de la copropriété dégradée du 10. rue Dénoyez, nous montre que la Ville a une conception très restrictive de la notion d’occupation de bonne foi.

Or si une famille vit dans un logement insalubre ou ne disposant pas du confort minimal, ce n’est pas par choix mais parce qu’elle n’a rien trouvé d’autre pour s’abriter. Et si elle n’a pas de bail, là encore ce n’est pas par choix mais généralement parce qu’elle s’est fait abuser par un propriétaire qui loue son bien "au noir" afin de pouvoir l’expulser plus facilement le moment venu - par exemple pour céder son bien à la Ville compte tenu du fait qu’un appartement vide se vend 40% plus cher - ou par une personne qui se fait passer pour le propriétaire mais qui ne l’est pas en réalité.

Les abus qui touchent les familles acculées à ce type de situation sont en fait nombreux et variés et expliquent que sur les 132 ménages locataires des bâtiments voués à la démolition interrogés par la Ville, seuls 27% aient déclaré avoir un bail alors que seuls 9,8% (13 foyers en tout) sont considérés comme des squatters.

"Les autres ont des accords verbaux, sont en procédure de régularisation, sous-locataires ou sans titre", explique la Ville.

Celle-ci a toujours justifié sa volonté d’intervenir sur notre quartier pour "faire que ceux qui vivent à Belleville bénéficient de la même qualité de vie que tous ceux qui vivent dans d’autres quartiers de Paris" (discours du Maire du 20e arrondissement, M. Didier Bariani).

Pour les familles qui devront être relogées, qu’elles soient titulaires ou non d’un bail en bonne et due forme, la "qualité de vie" passe par l’accession, tant attendue, à un logement décent et par la détention d’un bail pour enfin cesser de vivre dans la précarité.

La règle doit donc être le droit au relogement.

Sans quoi, c’est 73% - si l’on s’en tient aux chiffres de l’étude d’impact- des familles vivant dans les bâtiments voués à la démolition qui ne seront pas relogées, ce qui serait, bien évidemment, inacceptable et amènerait à s’interroger sur l ’ utilité publique de l’opération.

Plus généralement, cette situation montre qu’un véritable accompagnement social de l’aménagement sera nécessaire si la Ville veut éviter que celui-ci ne s’accompagne de la marginalisation d’une fraction importante de la population concernée.

La réalité du quartier, c’est en effet :

42,1% des chefs de famille, pour les trois quarts des ouvriers et des employés, devant être relogés dans le cadre du réaménagement, qui n’ont pas d’emploi (enquête de la Ville sur les ménages des immeubles devant être démolis ou devant être réhabilités par l’OPAC) ;

83% des familles qui disposent de revenus annuels inférieurs à 110.000 FF et 40%, de revenus annuels inférieurs à 50.000 FF ;

le saturnisme, que la Ville préfère actuellement ignorer bien qu’elle en ait été avertie en mai dernier par l’ organisme Médecins du Monde, et qui affecte de manière chronique de nombreux enfants du quartier…

Si l’on ajoute à cela une forte proportion d’immigrés (63,6% des chefs de famille sont de nationalité étrangère, une part importante de familles nombreuses (28% des ménages sont composés de 4 à 6 personnes), la modicité des loyers actuels (près de la moitié des locataires paient moins de 1.000 FF de loyer par mois et 20% acquittent un loyer compris entre 1.000 et 2.000 FF) et enfin des problèmes de délinquance, on comprend alors mieux la difficulté à intervenir sur ce quartier sans entraîner de traumatisme social.

Dans ces conditions, la Bellevilleuse considère qu ’une intervention de type "développement social urbain" (ex-DSQ) doit être mise en œuvre sur le Bas-Belleville parallèlement aux procédures de Zone d’Aménagement Concerté et d ’ Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat. Elle demande en conséquence que le Bas-Belleville fasse partie des quartiers qui seront couverts par le "contrat de ville" que la Ville-de-Paris négocie actuellement avec l’Etat.

Cette approche, adoptée pour la Goutte d’Or, un quartier qui connaît des problèmes similaires, doit pouvoir l’être pour le Bas-Belleville. et complétée par un programme de lutte contre le saturnisme.

Une telle décision ne devrait pas poser de problème puisque, constatant le "bilan très positif" des opérations de Développement Social des Quartiers (DSQ) de la Goutte d’Or et de la Cité Charles-l’Hermite - Porte d’Aubervilliers, le Maire de Paris déclarait le 14 juin 1993 dans sa dernière communication sur le logement que "les DSQ doivent être poursuivis et augmentés".


3. Une étude du phasage à peine esquissée :

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Photo M.A.A.

Le relogement sur place des familles et activités qui le souhaitent restera un leurre si la réflexion engagée sur le phasage de l’opération à venir n’est pas sérieusement approfondie.

La Ville affirme dans les délibérations soumises au Conseil de Paris : qu’ "une priorité sera donnée à la réhabilitation des bâtiments acquis en totalité par la Ville , à l’utilisation des terrains déjà vides ou dont la libération nécessite le moins de relogements de manière à pouvoir assurer des opérations tiroirs",

que "le phasage de l’opération (…) prendra en compte les opérations de relogement, de réhabilitation par l’OPAC, de démolition et de construction neuve de logements sociaux afin de permettre aux habitants qui le souhaiteraient d’être relogés dans le quartier" ;

qu’ "une étude détaillée du phasage de l’opération sera conduite par la Société d’Aménagement qui sera désignée pour la réalisation de la ZAC, avec le souci permanent de préserver les intérêts des occupants et le caractère du quartier et en évitant notamment d’ engager simultanément un grand nombre de chantiers qui viendraient modifier les équilibres du secteur".

Mais le simple énoncé de tels principes généraux sur ce point capital qu’est le phasage ne saurait bien évidemment convaincre d’emblée, compte-tenu des réticences extrêmement fortes manifestées ces dernières années par la Ville face à la nécessité de concevoir un projet d’aménagement qui puisse permettre de préserver les équilibres socio-économiques du Bas-Belleville.

Exemple : les services techniques de la Ville se refusent toujours aujourd’hui - malgré les demandes répétées de la Bellevilleuse et le nombre limité de foyers concernés (huit si l’on ne tient pas compte des activités) - à procéder au recensement des souhaits des copropriétaires-occupants et donc des besoins en logements et en locaux qui seront nécessaires aux échanges fonciers, alors que c’est là le seul moyen d’être en mesure de déterminer rapidement le nombre de lots vides qui pourront être revendus, comme la Ville s’est engagée à le faire, à des organismes HLM ou à des associations agréées.

Or ce solde de lots vides doit être revendu au plus vite si l’on veut que l’organisme ou l’association qui les acquerra puisse les réhabiliter à temps pour accueillir les ayants-droit au relogement.

La Ville affirme que "le phasage n’est pas entièrement prévisible a priori ( … ) mais doit être recherché au fur et à mesure de l’opération".

Mais dans ces conditions les prévisions de trésorerie présentées par la Ville, qui font apparaître une opération qui s’étalerait sur six ans (de 1995 à 2000), sont-elles totalement fictives ? Ou reflètent-elles un phasage de l’opération reposant exclusivement sur des critères financiers et non sur des critères sociaux ?

La Bellevilleuse en conséquence demande que l’ "étude détaillée du phasage" qui sera conduite par la société chargée de l’opération soit immédiatement réalisée et intégrée à l’étude d’impact afin d’être, elle aussi, soumise à l’appréciation du commissaire enquêteur dans le cadre de l’enquête d’utilité publique.

Un phasage fin et précis est en effet la clé de la réussite de l’opération à venir et la règle doit être d’éviter toute démolition et donc tout relogement tant que des logements et locaux d’activité neufs ou réhabilités ne sont pas disponibles.


4. Le tissu économique, qui est au cœur du fonctionnement du Bas-Belleville, menacé de disparaître :

La réflexion de la Ville, telle qu’elle apparaît dans les délibérations du 11 juillet, sur la pérennité du tissu économique du Bas-Belleville est très largement insuffisante.

L’opération prévoit la démolition d’environ 3.000 m2 de locaux d’activité (commerces, ateliers), de 1.150 m2 d’ ateliers d’artistes et de 800 m2 d’équipements privés et divers, avec à la clé la disparition de six commerces, de 16 établissements (sur 20 !) et… de quelque 90 emplois.

Deux remarques sont à faire à propos des chiffres avancés dans les documents municipaux :

la Ville recense seulement 78 commerces et une "vingtaine" d’établissements dans son étude d’impact alors que l’analyse du tissu économique réalisée par le bureau d’études ACT Consultants en 1991 pour le compte de la Bellevilleuse (étude citée à plusieurs reprises dans l’étude d’impact) faisait apparaître 140 activités (89 commerces, 12 fabriques et ateliers artisanaux, 10 ateliers d’artistes). Il y a donc une différence de plus de quarante activités qui ne peut s’expliquer par le seul effet de la préemption ;

la Ville occulte totalement les conséquences de sa politique de préemption-démolition , alors que, comme nous le lui avons écrit à plusieurs reprises ces derniers mois, cela doit faire partie intégrante de l’étude d’impact.

Rappelons que le droit de préemption urbain renforcé a été instauré sur le quartier en 1988 et en 1989 mais que le premier bâtiment acquis par la Ville, aujourd’hui démoli - le 47, rue Ramponeau -, a été préempté en 1972. Cette politique s’est notamment traduite par la disparition de nombreuses activités, comme dans la rue de Tourtille, où le nombre de commerces fermés est aujourd’hui supérieur à celui des commerces ouverts.

La Ville souligne bien dans l’étude d’impact que "les commerces contribuent à l’animation du quartier, facteur essentiel de vie et de cohésion sociale".

Elle reconnaît que "le relogement des activités pose des problèmes de niveaux de loyers, les loyers des bâtiments anciens en mauvais état étant très inférieurs à ceux des constructions neuves".

Mais elle se garde bien de prendre le moindre engagement sur ce point, se contentant de dire qu ’"une réflexion est en cours dans les services de la Ville-de-Paris sur ce type de problème".

La Ville a enfin décidé (courrier du Maire du 20e daté du 1er juillet adressé à la Bellevilleuse) d’étendre aux activités économiques l’enquête précédemment menée sur les besoins et les souhaits des familles.

La Bellevilleuse demande que, comme pour les logements, les données de cette enquête devant être réalisée "prochainement" soient utilisées pour déterminer, dans les bâtiments neufs ou réhabilités, le nombre de locaux adaptés à ces besoins et à ces souhaits en termes de loyer, de taille et d’équipement, devant être réalisés.

Sinon surviendra le même phénomène que du côté pair de la rue Ramponeau aujourd’hui rénové : la disparition du petit commerce de proximité et des ateliers industriels ou artisanaux.


5. L’avenir de la Forge et des ateliers d’artistes du quartier n’est toujours pas assuré :

La Ville écrit à propos des artistes que "le maintien du système des cours en enfilade, occupées par des bâtiments bas, est de nature à favoriser l’installation d’ateliers d’artisans ou d’ateliers d’artistes".

Dans l’étude d’impact, on peut également lire que "le programme PLA (du réaménagement) pourrait inclure des ateliers-logements pour artistes" et que les artistes existants "pourraient bénéficier d’une priorité de relogement dans les locaux à construire".

Mais tout cela reste au conditionnel, le problème des loyers est de nouveau passé sous silence et la Ville oublie de mentionner l’engagement qu’elle a pris, lors de la réunion de concertation du 31 mars dernier, de donner un droit de priorité aux artistes du quartier sur les ateliers-logements qui vont être prochainement construits à l’angle de la rue Julien-Lacroix et du passage de Pékin.

La Bellevilleuse demande donc à la Ville de réaliser là aussi une enquête sur les souhaits et les besoins des artistes menacés et de prévoir le maintien sur place de ceux qui le souhaitent.

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Au sujet de la Forge, dont la Ville écrit qu’ "aucune décision n’a encore été prise quant à sa démolition ou sa conservation", il est difficile de comprendre pourquoi la préservation de ce bâtiment n’est toujours pas acquise compte tenu du fait qu’il est

"dans un état correct" (étude d’impact) et que son maintien ne gêne aucunement le réaménagement du Bas-Belleville puisque "l’absence de la placette fait que ce parti est compatible avec la démolition ou la conservation" (de la Forge)" (étude d’impact). La Bellevilleuse demande donc à la Ville :

la préservation de l’usine proprement dite ;

la conservation des ateliers d’artisan bordant l’allée menant à l’usine ;

un examen sérieux des projets de développement de la Forge en un centre socio-culturel au service du quartier qui ont été remis au Maire du 20e arrondissement ainsi qu’à la Direction des Affaires Culturelles de la Ville-de-Paris.

Une telle décision serait conforme aux orientations de la Ville en matière culturelle. Dans le document sur "Les orientations de la politique culturelle et artistique de la Ville-de-Paris" remis lors d’une conférence de presse tenue par le Maire de Paris, M. Jacques Chirac, le 15 décembre 1993, il est en effet écrit que "dorénavant, des possibilités d’ouvrir des lieux de création artistique seront systématiquement recherchées dans le cadre des opérations d’aménagement ou de réhabilitation de bâtiments anciens conduites par la Ville".


6. Le sous-sol du Bas-Belleville ou comment évoquer des risques pour mieux les évacuer :

Les contraintes liées à la nature du sol du Bas-Belleville (présence de gypse dans les marnes et caillasses et d’anciennes carrières, souterraines ou à ciel ouvert et depuis remblayées, etc.) et leurs conséquences sur le calendrier de l’opération et sur son équilibre financier ne sont pas appréciées à leur juste mesure par la Ville-de-Paris.

L’étude d’impact mentionne les risques liés à la nature du sol, cite (sans en donner les conclusions) une étude réalisée sur ce point par "le bureau d’études Equipement et Environnement (groupe SEEE)" mais n’aborde que superficiellement les conséquences désastreuses sur le bâti ancien destiné à être conservé d’un éventuel effondrement de terrain et n’apporte aucune précision sur les retards et les coûts supplémentaires, pourtant nécessairement lourds, que cela pourrait induire.

Or les risques d’effondrement sont loin d’être négligeables dans le quartier.

Le sol de la cave d’un bâtiment municipal au 1, bis rue Ramponeau s’est ainsi effondré début 1993 sans qu’aucun diagnostic n’ait été réalisé, malgré les demandes répétées de la Bellevilleuse, et la Ville regrette, dans l’étude d’impact, de ne pas avoir pu réaliser un sondage au 114, bd de Belleville.

"Ce sondage aurait permis de vérifier l’hypothèse retenue pour les fondations de l’immeuble projeté, qui présuppose des difficultés en sous-sol et donc des surcoûts de fondations", écrit-elle dans ce document, ce qui ne l’empêche pas d’ affirmer par ailleurs que la réhabilitation du 114, boulevard de Belleville est trop onéreuse pour décider de la conservation de ce bâtiment…

JPEG - 85 koLa Bellevilleuse demande en conséquence qu’une étude sérieuse du sous-sol du secteur "Ramponeau-Belleville" soit réalisée préalablement à l’opération afin que la Ville soit en mesure d’apprécier en toute connaissance de cause ce qui doit être démoli ou réhabilité et à quel coût.

ll ressort donc du projet soumis au Conseil de Paris le 11 juillet dernier que l’impact sur le tissu social et économique de l’opération d’aménagement projetée sur le Bas-Belleville n’est absolument pas maîtrisé et que cette opération ne correspond pas aux principes définis par la Loi d’Orientation pour la Ville du 19 juillet 1991.

Cela est d’autant plus grave que le coût pour la Ville de cette opération - qui, notons-le, entraîne la démolition de 12.000 m2 de SHON de logements existants répartis en 250 appartements qui sont pour l’essentiel des logements sociaux de fait, pour permettre la construction de quelque 13.000 m2 de SNON de PLA répartis en 130 logements (hors les 30 logements en résidence pour personnes âgées qui sont destinés pour la quasi-totalité d’entre eux à des habitants vivant hors du quartier) d’une taille de l’ordre du double de celle des logements voués à la démolition - est exorbitant.

Telles qu’elles apparaissent dans les documents présentés par la Ville, les dépenses municipales s’élèvent en effet à 242,7 millions de francs.

Le mécanisme de maîtrise d’ouvrage semble être le suivant : la Ville confie à un aménageur (en l’occurrence la SAEMAR Saint-Blaise, la société d’économie mixte présidée par le Maire du 20ème) le soin d’acheter les terrains, de les libérer, de les viabiliser et de créer la voie nouvelle ;

l’aménageur vend alors des droits à construire à l’OPAC ou à des sociétés d’économie mixte (SEM) et revend la voie nouvelle à la Ville. Les terrains sont nus et la Ville assume le déficit de cette opération de viabilisation, soit 98,4 mins de francs ;

sur les terrains nus, l’OPAC et les SEM construisent les immeubles PLA ou PLI qu’ ils louent ou qu ’ ils vendent. Ils reçoivent pour cela des subventions de la Ville de 64 mlns de francs.

Pour la Ville si l’on déduit des 242,7 mins de FF de dépenses mentionnées plus haut les recettes tirées des propriétés préemptées qui sont cédées à l’aménageur (64,1 mins) et si l’on met de côté les dépenses liées à l’extension des écoles publiques (21,6 mins), on arrive à un coût de 157 mlns de FF pour la réalisation du programme habitat / commerces / activités.

En résumé, nous avons donc une intervention : dont le contenu social est très insuffisant ; et qui est extrêmement lourde pour les finances publiques.

Il est clair dans ces conditions que les modalités de l’opération doivent être revues et, plus généralement, que la Ville se doit, pour des raisons sociales et financières, de remettre en cause son approche privilégiant systématiquement la rénovation- reconstruction et découvre enfin les mérites de la réhabilitation.

Et il est important d’aller le dire au commissaire enquêteur.


Raoul Dubreuil



Article mis en ligne en juin 2015.

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