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DOSSIER

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Bras de fer au bas-Belleville


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Le 21 juin 1991 doit avoir lieu la première réunion de concertation entre la population et la Mairie de Paris dans le cadre de l’aménagement du secteur Ramponeau-Belleville, dans le 20ème arrondissement.

Cette concertation avec les habitants, il y a longtemps que la Mairie aurait dû la lancer puisque la loi prévoit que "la concertation avec la population doit avoir lieu durant toute la durée des études". Or cela fait deux ans au moins que les services de la Ville - Direction de l’Aménagement Urbain, Atelier Parisien d’Urbanisme mais aussi la SAEMAR Saint-Blaise, une société d’économie mixte présidée par Didier Bariani, le maire du 20ème - travaillent sur le réaménagement de ce vieux faubourg.

Trois raisons à ce retard.

D’une part, la Mairie a pour habitude de n’engager la concertation dans le cadre du réaménagement d’un quartier qu’une lois le projet conçu par ses services. Elle ne demande l’avis de la population que parce que la loi l’y oblige mais cette concertation n’est le plus souvent que formelle, les jeux étant déjà faits avant même que la concertation ne commence !

D’autre part, les différents services compétents de la Mairie étaient loin d’avoir une position unanime sur l’aménagement de ce quartier. L’ APUR était en faveur d’une opération douce ne détruisant que les bâtiments les plus dégradés alors que la SAEMAR Saint-Blaise voulait tout démolir et construire l’équivalent de "Galaxie" avenue d’Italie (centres commerciaux, bureaux, hôtels et nombreux parkings). Entre les deux, la DAU, qui a fini par prendre position en direction de I’APUR.

Car, troisième raison, alors que les différents centres décisionnels de la Mairie étaient en négociation, est apparue une association de quartier, "la Bellevilleuse", qui a pris de plus en plus de poids (elle compte aujourd’hui plus de 400 membres) et qui a contribué, grâce à la pression permanente qu’elle a exercée sur la Mairie, à ce que soit abandonné le premier projet de la SAEMAR Saint-Blaise.

Aujourd’hui tout semble en suspens et, fait exceptionnel, la concertation qui va s’ouvrir prochainement jouera un rôle décisif dans l’avenir du quartier.

La Bellevilleuse n’affrontera pas en effet la Mairie les mains vides. Elle est parvenue à réunir d’importants financements (350.000 F) pour disposer d’un bureau d’études qui a commencé à réaliser un véritable diagnostic du quartier : état du bâti, analyse du tissu commercial et enfin étude sociologique s’attachant à faire ressortir les désirs des habitants et la réalité de l’intégration des populations étrangères (48 % des habitants dans le quartier.

Cette association estime en effet qu’il faut intervenir sur le quartier car de nombreux logements sont dépourvus du confort minimal et certains bâtiments sont insalubres ; mais pour cela, il faut d’abord réaliser un état des lieux exhaustif qui permette de véritablement apprécier les problèmes du quartier pour déterminer ensuite les modalités d’intervention les plus adéquates.

Ce raisonnement a du mal à passer auprès des autorités politiques de la Mairie qui semblent avoir surtout souhaité réaliser une opération de prestige et subsidiairement vider ce quartier populaire (un des derniers de Paris) de ses habitants les plus pauvres, immigrés notamment.

Cette absence de volonté politique de conserver un tissu social diversifié sur Paris, le désir des maires parisiens de ne pas se compliquer la vie avec les outils qu’ils ont à leur disposition pour mener une réhabilitation sociale, et enfin le sentiment des élus d’être atteints dans leur autorité chaque fois que des habitants expriment la volonté de participer à l’aménagement de leur quartier, expliquent les rapports difficiles entre la Mairie et la Bellevilleuse.

La bataille est donc loin d’être gagnée. Mais le jeu en vaut la chandelle car Belleville est un lieu où cohabitent sans problèmes majeurs des dizaines de nationalités différentes et où existe aussi une pluralité d’activités (petites usines, artisans, artistes, commerce). C’est enfin un quartier où une véritable vie de village existe, où les voisins se disent bonjour et où les enfants jouent dans la rue. Il y a donc là un capital précieux à préserver.



Une action à trois niveaux

La Bellevilleuse a développé son action sur trois axes principaux : la population du bas-Belleville, les structures qui touchent de près ou de loin au logement et aux populations immigrées et enfin, la Ville de Paris.

Un travail de terrain pour sensibiliser les habitants du quartier Le seul moyen de conjuguer la nécessité d’une intervention d’urbanisme pour résoudre les problèmes de confort du quartier et la nécessité d’ intégrer la population dans le processus décisionnel était de regrouper les bellevillois dans une association qui fasse entendre leur voix et fasse office de groupe de pression.

Mais encore fallait-il convaincre les habitants car, sans leur mobilisation, aucune action visant à influer sur les décisions de la Mairie de Paris n’était possible. La
Bellevilleuse
a pour cela effectué un important travail d’information, tenté d’amener les bellevillois à se pencher sur leur quartier, et enfin, dans la mesure de ses moyens, rendu des services.

Nombreux étaient en effet les habitants du quartier qui ne croyaient pas en l’imminence de l’opération d’aménagement, avaient de fausses idées sur le relogement, n’avaient pas conscience du prix des loyers ou du mètre carré à l’achat dans Paris ou qui simplement n’étaient au courant de rien.

Il a donc fallu les informer : porte-à-porte systématique, distributions de tracts sur les projets de la Mairie et les solutions possibles aux problèmes du quartier, campagnes d’affichage, tenues de permanences et enfin travail avec les "leaders d’opinion" du quartier (autorités scolaires et religieuses, etc.) ont été les moyens utilisés.


Et si nous pouvions rester…

La Bellevilleuse a également essayé d’amener les habitants à s’approprier leur environnement et de leur faire prendre conscience que son processus de pourrissement n’était pas irréversible. Car si les bellevillois aiment leur quartier, pour son côté "village" notamment, ce sentiment reste diffus et, conscients de sa dégradation, ils considèrent souvent que ce coin de Paris est voué à disparaître. D’où l’organisation du concours-exposition photo "Belleville au présent", de spectacles mais aussi une pression constante sur la Mairie pour qu’elle entretienne davantage le quartier (courrier aux responsables politiques et administratifs, coups de téléphone aux services de nettoyage pour l’enlèvement des objets encombrants). Les rues sont ainsi mieux entretenues alors que les habitants avaient jusqu’alors le sentiment que la Mairie se désintéressait complètement de leur quartier et qu’elle le laissait pourrir.

Des démarches ont enfin été effectuées auprès des propriétaires pour qu’ils engagent des travaux d’entretien et de réhabilitation Il leur a été expliqué que c’est là un moyen de limiter l’ampleur du projet prévu par la Mairie et ils ont été informés des subventions et des prêts bonifiés disponibles pour ce type de travaux. Plusieurs copropriétés se sont depuis prises en charge. Par ailleurs, les locataires ont été organisés en associations là où des problèmes existaient avec les propriétaires.


La recherche de solutions
aux problèmes du bas-Belleville

Les animateurs de la Bellevilleuse étaient des néophytes en matière d’urbanisme, de logement et d’intégration et avaient une connaissance très "impressionniste" de leur quartier. Ils leur a donc fallu faire un travail de recherche afin de mieux connaître leur environnement, d’être en mesure de faire des propositions crédibles à la Mairie et enfin pour se faire reconnaître auprès des organismes travaillant sur le logement et l’intégration des populations immigrées.

Plusieurs professeurs d’architecture (des écoles de Paris-Belleville, Paris-La Villette et Versailles) ont ainsi "mis" leurs élèves sur le quartier, ce qui a permis d’en faire un premier diagnostic et de concevoir plusieurs solutions d’aménagement. Il est ressorti de ce travail qu’il était possible de remédier aux problèmes du bas-Belleville sans bouleverser sa trame urbaine et sa population.

Un professeur de sociologie a fait effectuer par ses élèves de DESS des enquêtes sur la population. Un des points qui ressort de ces enquêtes est un profond attachement des habitants à leur quartier et le fait que la réhabilitation est spontanément considérée par les deux tiers d’entre eux comme la meilleure solution aux problèmes du bas-Belleville.

La Bellevilleuse a par ailleurs multiplié les contacts institutionnels : ministères de l’Equipement et de la Solidarité, FAS, DIV, Préfecture de Paris et de Région, DRE, Conseil Régional, ANAH, CAUE, associations travaillant pour les immigrés et les populations défavorisées (FASTI, CIMADE, CCFD, Habiter au quotidien, France Plus, CASIP, Logement pour tous, Emmaüs), etc. C’est ainsi qu’elle a appris l’existence et le fonctionnement des OPAH, des PST, des RHI, des contrats familles, des DSQ, des MOUS, des ZAC, des DUP, bref des différents outils qu’une municipalité a à sa disposition pour entreprendre une opération d’aménagement.

Ces nombreuses prises de contact et le sérieux de sa démarche lui a permis de se faire reconnaître auprès des acteurs institutionnels et associatifs et c’est grâce à cela qu’elle a pu obtenir en décembre 1990 une subvention de fonctionnement du FAS de 200.000 francs.

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118, bd de Belleville le dernier cinéma de quartier a été muré Photo : Samuel Jouglet.


Amener la Ville à privilégier la réhabilitation

La Bellevilleuse a constamment sollicité la Mairie (le Maire du 20ème s’est plaint d’être victime d’un "harcèlement épistolaire"), lui demandant de préciser ses intentions et de répondre à ses demandes et à ses propositions. Les discussions que la Bellevilleuse a eues avec les responsables de l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), de la Direction de l’Aménagement Urbain (DAU) et de la Direction de la Construction et du Logement et les rencontres avec les responsables politiques lui ont permis de constater que la Mairie était loin d’avoir une position homogène et arrêtée sur la question du réaménagement du bas-Belleville. Par ailleurs, la consultation d’associations plus anciennes, de juristes et d’avocats lui a fait mieux comprendre la façon de procéder de la Mairie lors du réaménagement d’un quartier.

Enfin, elle a pu obtenir le projet élaboré par la Mairie et découvrir le décalage existant entre un discours officiel rassurant et les conséquences sur la population du bas-Belleville si un tel projet était mis en œuvre. C’est pourquoi elle a demandé à la Mairie de préciser ses intentions et elle s’est efforcée de la mettre en face de ses propres contradictions.

Ses demandes ont principalement porté sur la mise en place d’une véritable concertation et la nécessité d’engager une réflexion sur l’utilisation par la Mairie des outils qu’elle a à sa disposition (DIV, OPAH, PST, etc) pour réhabiliter des quartiers comme le bas-Belleville.

Cette pression constamment entretenue, la couverture de presse que cela a suscitée et la forte mobilisation de la population du quartier lors du vote en novembre dernier du texte instituant un "périmètre d’études" sur le bas-Belleville (150 personnes ont assisté au conseil d’arrondissement) ont amené la Mairie à reconsidérer son projet d’aménagement.

La Mairie a en effet depuis abandonné deux projets : le premier démolissait 90 % du bâti actuel ; le deuxième détruisait tout ce qui était considéré comme n’étant pas en bon état, prévoyait la construction d’un ensemble commercial de 5.500 m2 et aurait bouleversé le tissu urbain, social et culturel du bas-Belleville.


La Bellevilleuse
33 rue Ramponeau - 75020 Paris



Historique
Terre d’accueil et de rébellion
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Un atelier de confection dans le quartier - Photo : Sébastien Cailleux.


La rue Dénoyez (1ère à droite en remontant la rue de Belleville) doit son nom à une famille qui paraît s’être établie à la Courtille (bas Belleville et Faubourg du Temple) vers la fin du 17ème siècle. À cette époque, la rue Dénoyez n’était qu’un sentier desservant les jardins et les vignes qui proliféraient alentour et qui expliquent le parcellaire actuel.

Au fil des ans, la Courtille devint un fief Dénoyez, une lignée de bouchers, de marchands de vin du crû, de cabaretiers "vendant à l’assiette" et de taverniers "vendant à pot le vin tout crû" mais "sans sièges, ni nappes, ni serviettes". C’ est là que les foules parisiennes venaient festoyer, s’abreuver et se divertir le soir, les dimanches et les jours de fête. On parlait alors d’aller "ramponner".

En 1789, devançant de deux jours la prise de la Bastille, cabaretiers et marchands de vin de Belleville avaient fait leur révolution en mettant à sac, le 12 juillet, les bureaux d’octroi édifiés pour renforcer la perception d’une taxe sur l’entrée des denrées et boissons dans Paris.


Sous Haussmann,
banlieue pour les pauvres, déjà…

En 1848, une vive effervescence animait ce quartier avec la création de clubs révolutionnaires et après l’insurrection de juin, dont Belleville fut le dernier bastion, une répression féroce s’abattit sur ce quartier populaire. La municipalité bellevilloise fut dissoute et Nicolas Dénoyez, marchand de vin, connu pour ses idées conservatrices, fut désigné conseiller municipal de Belleville par le préfet de la Seine. En 1856, Napoléon III le nomme maire de la ville de Belleville et il conservera cette fonction jusqu’à l’annexion de Belleville à Paris en 1860. C’était alors la deuxième ville du département de la Seine et la treizième de France. Ce rôle révolutionnaire, Belleville allait encore le tenir sous la Commune en 1871. C’est d’ailleurs rue Ramponeau que tomba le dimanche 28 mai la dernière barricade de l’insurrection parisienne. Les habitants du quartier payèrent un lourd tribu : outre les victimes des combats de rue, la répression fit plus de 20.000 morts, près de 10.000 fédérés ou présumés tels furent déportés en Nouvelle-Calédonie et de nombreux ouvriers s’exilèrent. L’hémorragie subie par la population bellevilloise apparaissait sur les listes électorales : les 19ème et 20ème arrondissements comptaient environ 50.000 citoyens inscrits en mars 1871, ils n’étaient plus que 20.000 en juillet.

La population de Belleville s’étaient en effet fortement accrue sous le Second Empire. En 1853, elle comptait 45.000 personnes et en 1870, plus de 100.000. C’est que ce lieu commençait à jouer un rôle de terre d’accueil. Alors que le baron Haussmann rénovait le cœur de Paris, une foule de pauvres gens chassés de chez eux par les démolitions refluèrent à Belleville, attirés par le bas prix des loyers et la possibilité d’y trouver du travail en raison d’une activité économique en plein essor (artisanat, bâtiment, etc… ).

Ce rôle d’accueil des populations déshéritées, victimes de la misère ou de brimades, rescapées des ghettos et des génocides, Belleville n’a cessé depuis de le jouer.

Refuge pour les juifs, les arméniens,
les espagnols, les maghrébins

Les juifs ashkénazes fuyant les progroms de Russie et de Pologne au tournant du 20ème siècle ont ainsi élu domicile boulevard de Belleville et une synagogue a été érigée rue Julien Lacroix. À La Lumière de Belleville on mangeait du géfilte fish et du pickel fleich. En 1918, les arméniens qui n’avaient pas mordu le sable du désert d’Anatolie débarquèrent dans le quartier avec leurs machines à coudre et leurs tables de tailleur. Un nommé Artinian ouvrit la première épicerie orientale du quartier, au 26 de la rue Lesage. Ils furent suivis par les grecs, chassés à leur tour de Turquie en 1920, qui amenèrent avec eux leur savoir faire dans la peausserie et la fabrication de chaussures. À partir de 1933, ce furent les juifs d’Allemagne qui vinrent trouver refuge à Belleville et en 1939 beaucoup de Républicains espagnols fuyant la répression franquiste vinrent également s’installer là…

Après, ce furent les algériens, les marocains et les tunisiens, musulmans ou juifs, qui vinrent élire domicile dans le quartier et, rue Ramponeau et boulevard de Belleville, on sent toujours l’ odeur des brochettes et de la kémia.

Les vieux grecs et arméniens sont souvent décédés et leurs enfants ont acquis la nationalité française. Ce rôle d’intégration, Belleville continue de le jouer avec des portugais, des africains et des asiatiques.



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23-25, rue Ramponeau - Photo : Valerie Giraudet et Corinne Marcillat.


Lettre ouverte de la Bellevilleuse
au Maire de Paris - 21 mai 1991

Monsieur le Maire,

Afin d’être en mesure de participer de manière constructive à la concertation que la Ville de Paris va prochainement ouvrir dans le cadre de l’aménagement du secteur Ramponeau-Belleville, nous avons l’honneur de vous informer que la Bellevilleuse a commandé une étude socio-technique sur le bas-Belleville.

Cette étude, qui portera sur le bâti, le tissu commercial et la population du quartier, s’attachera à faire ressortir les forces et les faiblesses du bas-Belleville, les évolutions en cours ainsi que les besoins et les attentes de sa population. Elle devrait ainsi permettre que s’établisse un dialogue en profondeur, fructueux et efficace entre la population du quartier, notre association, les autres structures implantées dans le quartier, et enfin la Ville de Paris.

Nous considérons en effet comme essentielle la réalisation d’un véritable diagnostic du bas-Belleville et sommes persuadés que cela doit être la première étape du processus devant mener au réaménagement de ce quartier. Ensuite seulement, devront être définis les objectifs de l’opération d’aménagement et choisis, enfin, les moyens d’intervention les plus appropriés.

L’adoption d’une telle méthode de travail - comprenant ces trois étapes successives que sont le diagnostic, la définition des objectifs et le choix du mode d’intervention - nous semble être la seule garantie possible du déroulement de la concertation dans des conditions d’objectivité optimales.

Conformément à notre constant souci de parfaite transparence, nous vous précisons que cette étude va être réalisée par un organisme que nous avons sélectionné après avoir lancé un appel d’offres, et que son financement sera assuré par des subventions que nous avons obtenues auprès du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD), du Fonds d’Action Sociale pour les Travailleurs immigrés et leurs familles (FAS) et enfin du Plan Urbain, une structure de recherche et d’innovation dépendant du ministère de l’Equipement. Dans ce même esprit, nous aimerions vous présenter l’équipe qui va réaliser cette étude, le calendrier et les objectifs de ce travail, et, par la suite, ses résultats. Nous vous proposons également de désigner, si vous le désirez, un observateur dans le comité, composé de représentants des différentes populations du quartier, qui est en train de se constituer.

Ce comité, qui suivra le déroulement de l’étude, aura notamment pour fonction d’apporter au bureau d’études des informations concernant chaque communauté du bas-Belleville et de répercuter sur ces populations les résultats de l’enquête.

L’Atelier Parisien d’Urbanisme et la SAEMAR Saint-Blaise travaillent depuis des mois sur notre quartier. Dans son discours de présentation du périmètre d’études voté en novembre dernier par le Conseil de Paris, Monsieur Didier Bariani, Maire du 20ème arrondissement, disait que "des études, du ressort des services de la Ville, sont actuellement en cours portant sur l’état du patrimoine" et qu’elles "seront complétées par d’autres études pendant la phase de concertation".

Nous serions heureux, Monsieur le Maire, que, dans un même souci de transparence, vous rendiez publiques ces études, ainsi que M. Didier Bariani l’a annoncé dans ce même discours, pour que nous puissions les examiner ensemble.

Nous voudrions, par ailleurs, Monsieur le Maire, vous préciser les deux principes qui, selon nous, devraient être à la base de la réflexion relative à l’aménagement de notre quartier :

- améliorer les conditions de vie des résidents du secteur Ramponeau-Belleville sans que cela n’entraîne un renouvellement de la population de notre quartier. Le bas-Belleville est un lieu fragile en raison de la condition modeste de nombre de ses habitants mais sa diversité sociale et culturelle est unique à Paris et nous considérons que c’est là un capital précieux à préserver. Toute opération d’urbanisme doit donc avoir pour motivation essentielle de permettre aux habitants qui le désirent de rester sur place et d’éviter qu’ils aillent grossir les cités-dortoirs qui entourent Paris ;

- se soucier que la vie des habitants et de ceux qui y travaillent ne soit pas bouleversée pendant la réalisation de l’opération. Les habitants dont les logements seront préservés vivront-ils dans un vaste chantier pendant plusieurs années, les commerçants verront-ils leur clientèle amputée le temps que les nouveaux logements remplacent ceux qui auront été détruits ? Autant de problèmes que nous considérons comme essentiel d’éviter.

Ce seront là, Monsieur le Maire, nos critères de réussite. Nous espérons qu’ils seront également ceux de la Ville et qu’ils détermineront les véritables objectifs de cette opération. Vous remarquerez que ces critères ne sont nullement contradictoires avec les objectifs votés par le Conseil de Paris et qu ’un véritable dialogue, qui ne pourra s’avérer que fructueux, pourrait s’engager sur ces bases dans le cadre de la concertation.

De par notre implantation et notre connaissance du quartier, nous pouvons, et nous voulons, faciliter la réussite de cette opération et faire en sorte qu’elle soit acceptée et comprise de la population. Mais encore faut-il que nous soyons d’accord, non seulement sur ses objectifs, mais aussi sur les moyens de les réaliser. Car, vous en conviendrez, Monsieur le Maire, le choix des techniques d’intervention sur le bas-Belleville sera essentiel pour permettre la réalisation des objectifs que la Ville se sera fixés, en plein accord, nous l’espérons, avec la population du bas-Belleville, pour cette opération.

Dans son discours du 19 novembre dernier, Monsieur Didier Bariani affirmait que "compte tenu de l’état du parc immobilier et de ses logements, des caractéristiques du parcellaire et de l’importance de l’îlot central, il apparaît que la nécessaire transformation de ce quartier ne peut être réalisée dans le seul cadre de sa structure urbaine, ce qui (…) rend nécessaire la définition et la conception d’un projet d’ensemble dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté". Monsieur Bariani ajoutait que "toutes les autres procédures (…), OPAH, PST et les interventions de la DIV, ne (…) paraissent pas adaptées à l’ampleur de la tâche et à la nécessité de mettre en œuvre une action efficace, susceptible d’être parfaitement maîtrisée dans le temps".

Nous sommes prêts M. le Maire à croire la Ville sur ce point.

Mais d’une part, nous estimons qu’avant de décider que la procédure de ZAC est le moyen d’intervention le plus adapté, il faut d’abord, comme nous l’avons sou ligné plus haut, qu’un véritable diagnostic du bas-Belleville ait été effectué. Vous savez en effet comme nous que la ZAC n’est pas le seul outil à la disposition de la ville et que d’autres procédures d’intervention sont possibles. D’autre part, nous trouvons paradoxal qu’avant même que la concertation ait commencé avec la population du quartier, la Ville ait déjà défini les objectifs de l’opération (aussi généraux soient-ils).

Une telle approche ne semble d’ailleurs pas être celle revendiquée par la Ville : M. Camille Cabana, adjoint au Maire de Paris chargé de l’urbanisme, ne nous écrivait-il pas dans un courrier daté du 5 juillet 1990, que "la définition des objectifs doit logiquement suivre et non précéder l’analyse du sujet. Quant aux moyens à mettre en place, leur choix sera conditionné par toute une série de considérations qui, là encore, interviendront en forme de conclusion et non a priori" ?

Le réaménagement du bas-Belleville peut se dérouler de façon simple et harmonieuse. Nous pouvons servir de relais auprès de la population, lui faire part des enjeux de cette opération, et contribuer ainsi à éviter des crises comme celle connue cet été lors de l’évacuation du 21 rue Ramponeau, et, plus généralement, à limiter le coût social de l’intervention.

La Ville et les différents représentants de la population du quartier qui le désirent doivent travailler ensemble et faire en sorte que cette opération soit une réussite exemplaire. C’est ce que nous voulons.

Nous nous tenons à votre disposition pour vous faire rencontrer, si vous le souhaitez, l’équipe du bureau d’études qui va réaliser l’enquête sur le Bas-Belleville.

En vous remerciant de votre attention, nous vous prions de croire, Monsieur le Maire, à l’assurance de notre haute considération.


Nicolas RIALAN
Président de La Bellevilleuse


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23-25 rue Ramponeau : L’immeuble muré a été démoli en octobre 1990 Photo : Margie Clay.


Les photos illustrant ce dossier proviennent du concours-exposition photo "Belleville au présent" organisé par La Bellevilleuse et la Société Française de Photographie. Ce concours avait bien sûr pour objectif de faire connaître le quartier à l’extérieur mais aussi de montrer aux habitants du quartier que l’on s’intéresse à eux et les amener à se voir dans leur propre environnement avec leurs voisins et amis. Cette opération a été un succès puisque 215 photographes y ont participé en envoyant près de 1.000 clichés et que des milliers de personnes se sont déplacées pour voir l’exposition de ces photos en février et à l’occasion des journées "portes ouvertes" organisées par les artistes du quartier le mois dernier.


Il y a 100 ans rue Fessart
La plumassière, la culottière et le tabletier

L’école primaire du 4 rue Fessart, (quartier Jourdain), fête cette année son centième anniversaire. Une exposition-kermesse sera organisée le samedi 22 juin 1991. En avant-première, Madame la Directrice, qui conserve avec soin les registres de toutes les années antérieures, nous a fourni la liste des métiers des parents d’élèves de l’année d’ouverture 1890-1891. Une liste pleine d’enseignements sur l’histoire de notre quartier.

Ce qui frappe au premier abord, c’est l’extrême diversité des noms de métiers : parmi les pères de 130 enfants, on ne retrouve que 2 tourneurs et 2 tisseurs. Essayez donc de trouver 128 noms de métiers différents ! Bien sûr, aujourd’hui on en classerait les trois-quarts sous le vocable vague d’ouvriers, d’employés ou d’artisans, mais à l’époque on revendiquait fièrement la spécificité de sa tâche : boutonnier, monteur en bronze, batteur d’or, doreur, nacrier, ornementiste, portefeuilliste, feuillagiste, employé du funiculaire (ndlr : reliant la place de la République à la place du Jourdain), marchande de volailles au panier. Dans le bas de l’échelle, on n’avait pas honte à se désigner par manouvrier, homme de peine ou porteur aux halles.

A noter que l’on trouve un fermier et un bouvier (où paissaient donc les bœufs ?).

Le faible nombre de notables ne nous étonne guère pour ce quartier ouvrier de Belleville : un docteur, un agent d’affaires (?), un instituteur et… une directrice de l’ouvroir (la femme du toubib ?).

A propos de métiers féminins, le nombre de femmes au travail est pour l’époque loin d’être négligeable. Mais les appellations pittoresques cachent mal la difficulté de la tâche : marchande de quatre saisons, porteuse de pain, cartonnière, chaisière (au parc des Buttes Chaumont, ouvert en 1867, probablement ! ). A ce propos, qui peut nous dire jusqu’à quelle date il y a eu des locations de chaises aux Buttes ? Il y en avait encore il y a peu au Luxembourg…

Glanons encore pour le plaisir dans cet inventaire coloré de mots qui risquent fort de disparaître rapidement de nos dictionnaires, l’ayant déjà fait de nos bouches : une plumassière (qui fabrique les garnitures de plumes), une brunisseuse (qui polit les métaux), un bourrelier (qui fabrique des courroies), un coupeur (d’étoffe), un tabletier (qui fait de la tabletterie), un gazier (pour les becs bien sûr !).

Nous vous donnons donc rendez-vous à cette exposition pour nous retremper dans notre histoire.


R. FERREOL

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Un programme d’insertion
par l’économique

"On parle des situations dans les banlieues, mais dans nos arrondissements (19ème et 20ème), les problèmes deviennent aussi préoccupants", dit un responsable de service social. "Nous avons 1.800 dossiers de RMI à traiter dans notre arrondissement et nous ne pouvons pas faire face" nous dit un autre agent social : "il existe des situations précaires non seulement à cause du chômage, mais aussi à cause de l’habitat dont le problème est insoluble pour beaucoup".

A Paris autant qu’ailleurs, pour les publics en difficultés, les handicaps souvent s’additionnent. Des solutions propres à Paris méritent d’être trouvées, d’autant que l’on constate dans le même temps que de nombreux besoins de vie ou d’emplois ne trouvent pas d’entrepreneurs.

Pour cette raison, des "spécialistes de l’insertion par l’économique" se sont rapprochés du Groupement des association de la Place des Fêtes pour lui demander de prendre des initiatives dans ce domaine.

Ce dernier a donc mis en route une série de contacts et d’observations qui déboucheront sur un rapport-action dont le but premier est de tenter de mieux cerner ce problème. D’abord sur la Place des Fêtes, puis plus largement sur les quartiers proches du 19ème et du 20ème, le groupement va pouvoir
travailler à des actions concrètes.

Il met au point avec des agents de l’Etat : département et région, la possibilité de lancer des structures d’insertion par l’économique. Les responsables du groupement tiennent informés les élus et les responsables de la Ville. Que sont ces structures d’insertion par l’économique ?

- des associations intermédiaires (A.I.) qui mettent en relation des offreurs et des demandeurs d’emploi pour ce que l’on a appelé des petits "boulots" ( circulaire Seguin 1987 ).

- des "Régies de quartiers" qui mettent en "scène" acteurs et décideurs : Ville - HLM - habitants, afin de répondre aux besoins "interstitiels" du quartier dans les domaines, principalement, de la propreté et de la maintenance, afin de fournir des emplois à des habitants du quartier.

- des entreprises d’insertion (E.I.), qui sont des entreprises comme les autres puisqu’elles choisissent de vendre un produit ou un service qu’elles mettent sur le marché. Les pouvoirs publics aident ces entreprises en fonction du public d’insertion qu’elles acceptent d’embaucher.

- des chantiers potentiels qui sont ouverts en fonction des réalisations. Le chantier du "réaménagement de la Place des Fêtes" pourrait en être un.

Le fait intéressant est que les "têtes de réseaux" nationales de ces différentes initiatives ont leur siège dans le l9e. Le groupement de la Place des Fêtes représentait les associations du quartier lors de l’inauguration de leurs locaux.

Le programme local s’élabore en ce moment (nous en parlerons). Pour tous renseignements, contacter les responsables de l’initiative au local Espace des Fêtes, 10 rue Augustin Thierry 75019 PARIS.


Jean REBY



Article mis en ligne en juillet 2015.

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