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Coup de cœur

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Les ouvriers du courage


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« Je suis très privilégiée de vivre avec eux. J’ai beaucoup de chance » dit Madeleine Truffet, la directrice. Eux, ce sont les 24 ouvriers (16 jeunes femmes et 8 hommes) du centre d’aide par le travail (CAT). Âgés de 22 à 50 ans, ils sont atteints de trisomie (*) ou de déficience intellectuelle grave. Dans ce centre, ils s’épanouissent, et aiment aller à la rencontre des gens du quartier.

Par table de quatre, les "ouvriers", comme on les appelle respectueusement ici, s’apprêtent à prendre leur repas. Dans l’atelier cuisine, on s’affaire, sous l’œil bienveillant d’Isabelle Boret, l’éducatrice. Une équipe de cinq jeunes confectionne avec soin et talent une partie du déjeuner quotidien, se charge du service et de la vaisselle. Le matin même, ils ont été faire leurs achats au centre commercial de la place des Fêtes, se mêlant aux habitants et commerçants du quartier.

JPEG - 74 koMadeleine précise : " ils ont beaucoup de courage. Pour bien faire les courses il leur faut vaincre maintes difficultés ! ". Lorsqu’on a une seule main valide, réaliser de bonnes pâtisseries, sans se brûler, relève de l’exploit. C’est le cas de Catherine, dont l’énergie et la volonté pour surmonter son double handicap, forcent l’admiration de tous : elle est naine et hémiplégique.

Alain, dont on ne perçoit pas le handicap, le regard bleu et fier, explique : "Je me débrouille tout seul". Il habite un studio près du métro Commerce et travaille à l’atelier d’imprimerie. Au fil des années, il s’est perfectionné et exécute maintenant un travail digne d’un professionnel. Tout ceci grâce à Jean Deloire, l’éducateur technique.

" Ici, nous faisons de la belle typo " affirme celui-ci. Ancien artisan imprimeur, il sait de quoi il parle : “ Je les forme sans m’occuper de leur handicap, c’est le meilleur moyen pour qu’ils progressent ” déclare-t-il, d’un ton péremptoire qui dissimule mal sa tendresse.

Pascal, Christian, comme tous ceux qui savent lire et écrire, et dont le handicap le permet, viennent se former dans ce petit atelier de la rue du Soleil : “ On était trop à l’étroit, explique Madeleine, et par chance, on a trouvé ce local ”.

Ce déménagement de l’imprimerie a permis à l’atelier de conditionnement de s’agrandir. Collage, pliage de chemises cartonnées, routage, mise en sachets de savonnettes, de vis, etc … Tous ces travaux, Monique Thubières, éducatrice, avec une infinie patience, les organise, les adapte aux possibilités de chacun. Chaque geste répété avec application aide à surmonter la difficulté. C’est un tout petit pas franchi vers l’autonomie.



« Ami » : le mot magique

JPEG - 60.9 koAnne, au visage si fin encadré de cheveux noirs, ne voit presque pas. Elle assemblera des feuilles. Nadine se chargera de l’agrafage. Mal entendante, elle s’exprime avec difficulté et est suivie par une orthophoniste. D’un ton monocorde, Yvette raconte : " Je suis paralysée du bras gauche, alors je passe seulement le fil dans le trou " et elle tend à sa voisine une étiquette perforée destinée à la maroquinerie. Active et rieuse, Véronique dite "Véro", atteinte de trisomie, noue le cordonnet avec une dextérité que l’on ne peut soupçonner. François, le "comptable" de l’équipe empile toutes les étiquettes par 25. Et il ne se trompe pas. Lui aussi est trisomique. À son arrivée au Centre, il y a deux ans, très malade, il ne communiquait plus. Maintenant, il parle et joue de la flûte, sous les applaudissements de ses camarades.

… C’est un travail collectif.

" Tous ces progrès n’ont pu être obtenus que grâce à la coopération étroite des parents avec toute l’équipe. C’est un travail collectif " affirme Madeline. Les activités sportives ne sont pas moins bénéfiques : plus à l’aise dans leur corps, ils sont aussi plus habiles dans leur travail. Fanny, trisomique, cherche ses mots et dit toute fière : “ J’aime bien nager sous l’eau … Je fais la brasse coulée … Je vais avoir mon brevet cette année ”.

Une dizaine d’entre eux pratique même l’escrime, où les règles et l’art de ce sport sont inculqués avec patience et amour par M. Jouve, maître d’armes … Et encore Mathias, ce grand blond dont là carrure d’athlète efface presque le handicap : il est ceinture marron de judo !

Aller vers l’extérieur, ne pas rester replié sur soi-même, avoir le contact avec " les autres gens " , c’est le souci permanent de l’équipe du CAT. La Fête de la Rencontre organisée tous les ans par l’ association " Place des Fêtes " et le groupement des associations du quartier - dont fait partie le CAT - a facilité cette ouverture : " Notre première participation à la fête date de 1985 et elle a réellement marqué le début de notre intégration " dit Madeleine reconnaissante : “ Nous sommes moins isolés, les gens nous connaissent mieux, nous avons des amis ”.

Oui, la vie est belle !

Avoir des amis, c’est ce que ces jeunes gens, ces jeunes femmes, recherchent le plus. Pour eux, le mot ami est magique. Il fait éclore le sourire et la compréhension sur le visage de " l’autre ".

“ Par moment, j’ai honte de mes mouvements d’humeur ”, dit encore Madeleine : Eux sont si gentils, affectueux, prévenants, si attachés les uns aux autres, avec tant de respect mutuel ".

Madeleine croise François. Elle lui lance, prévenante : " Alors François, tu es content ? La vie est belle ? " Et il lui répond en écho : " Oui, la vie est belle ! " François, le silencieux, il y a à peine deux ans.


Monique Groux


(*) Trisomie : anomalie génétique due à la présence dans une paire chromosomique d’un chromosome surnuméraire.
La trisomie 21, responsable du mongolisme.


Les ouvriers perçoivent un salaire équivalent à 70% du SMIC : 15% versés par le CAT sont le produit de la vente de leurs travaux (pâtisserie, cartes de visite et de Noël, menus, conditionnement…) 55% représente la part de l’État.

Le CAT a été crée en 1981 par le Comité de Paris de l’Association pour Adultes et Jeunes Handicapés (APAJH), l’équipe d’encadrement du CAT comprend :

Madeleine Truffet : directrice
Jacqueline Aubert : secrétaire
Isabelle Boret : éducatrice de l’atelier cuisine-pâtisserie
Monique Thubières : éducatrice de l’atelier de conditionnement
Jean Deloire : éducateur de l’atelier de typographie.

Et une équipe médico-socio-pédagogique :

Sylvie Dufay : assistante sociale
Docteur Koin : médecin psychiatre
Corinne Gérard : conseillère en économie sociale et familiale.


Article mis en ligne par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en septembre 2013.

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