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Queneau « quenotte (1) »… il ne mord pas vraiment !


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© photo X. Gallimard. Folio Junior 1982.

Raymond Queneau n’est pas né, n’a pas vécu (à notre connaissance), n’est pas mort dans le 19e arrondissement, ni à Belleville, ni à Ménilmontant. Un petit poème, pourtant, évoque notre quartier :

Lautt jour Boulvar de la Villette
Vlà jrencontre le bœuf à la mode
Jlui dis Tu mas l’air un peu blett
Viens que jte paye une belle culotte
Seulement jai pas pu passque
Moi jmégris du bout des douas
Oui du bout des douas Oui du bout des douas
Moi jmégris du bout des douas
Seskilya dplus distinglé

(Deuxième texte sur trois du poème "Maigrir", dans le recueil "L’Instant fatal" 1948)


Mort en 1976, à 73 ans, il publie son premier roman en 1933 : "Le chiendent" et, en 42 ans - "Morale élémentaire" paraît en 1975 - il sème, au fil des années, 10 recueils de poèmes, 17 romans, 6 essais, des collaborations à des ouvrages collectifs.

Pour le centième anniversaire de sa naissance : quelques manifestations, commémorations, un numéro des "dossiers et documents" du Monde, en janvier 2003. "Un touche à tout de génie" y est-il titré en page quatre.

Que reste-t-il dans toutes les mémoires, de ses œuvres ? Certainement :

"Si tu t’imagines
si tu t’imagines
fillette, fillette
si tu t’imagines
xa va xa va xa
va durer toujours
La saison des za
La saison des za
saison des amours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures"

("L’Instant fatal" 1948 - poème mis en musique par Kosma et chanté par Juliette
Gréco
)

Encore "Doukipudonktan" qui campe, dès la première phrase, le personnage de Zazie du roman "Zazie dans le métro" paru en 1959 et adapté ensuite au cinéma par Louis Malle. "Tu causes, tu causes mais La verdure reste" se répétait aussi cette année là.

Enfin les "Exercices de style", 1947, dont on a tiré une pièce de théâtre, 99 manières de raconter un incident s’étant produit dans un bus parisien. Voilà sans doute les trois textes qui viennent à l’esprit quand on évoque Raymond Queneau.

Des lecteurs plus informés louent son "génie", ou son talent multiforme, d’autres restent perplexes ! Car "Queneau gagne à être regardé en miettes" (Bertrand Poirot-Delpech - Le Monde 29 octobre 1976)
Lyrique ? Didactique ?
A côté de :

"Au milieu des terrains désertés
parmi la suie des soies brûlées"

(Poème "Luciternes" - Les Ziaux- 1943)
ou
"C’est tout un art de balayer
c’est un métier digne d’estime

Ces artistes municipaux
ont depuis peu souvent la peau noire
ils ont un air mélancolique
pensent-ils à la Martinique ?
à un marigot africain ?
lorsqu’ils ont le balai en main
du matin au soir"

(Poème "Loin des Tropiques" Recueil "Courir les rues" 1967)
nous pouvons lire :
"La petite échoppe ancienne
au cinq de La rue Volta
rareté électricienne
dont Le nom s’égara Là
gara/a gara/a
gara/a pile à Volta"

(Poème "Rue Volta". Recueil "Courir les rues").

De l’humour, certes, mais un peu potache ou "Il est vraiment très satisfaisant de voir comment la connerie s’étend mille lieues à la ronde" cité par Bertrand Poirot-Delpech (Le Monde 29 octobre 1976).

Un de ses derniers romans "Les fleurs bleues" (1965) crée le même trouble : souvenir d’une lecture ancienne : beaucoup de plaisir ; relecture récente ; trop de jeux de mots, et quel intérêt présente cette structure bizarre ? troisième lecture proche de la deuxième : on s’y amuse vraiment beaucoup.

Aventures diverses du duc d’Auge et de Cidrolin dont l’un rêve qu’il a vécu aux temps de Saint-Louis, puis de Louis Xl, Louis Xlll, Louis XVI, de la Révolution, alors que l’autre vit à ces époques, épisodes alternés des aventures des deux personnages, chapitre après chapitre, voire paragraphe après paragraphe et même : phrase dont une partie est consacrée à l’un, puis à l’autre. Ils se rencontrent enfin dans la péniche de Cidrolin au 20ème siècle.

Queneau joue avec le lecteur : il interrompt le flux dans lequel ce dernier se plonge, s’oublie en suivant les événements de la vie d’un personnage, l’écrivain joue en cassant soudain l’illusion et, en projetant dans un autre être, une autre époque, il indique qu’il fait ce qu’il veut, qu’il s’amuse, que la création littéraire n’est qu’une manipulation. Beau jeu abstrait sur l’art que le lecteur accepte ou dont il s’estime floué…

Mais les chevaux Stèphe et Sthène continuent à parler comme des humains et il est difficile de faire "terstène" (taire Sthène !) Image bien pauvre de la construction à la fois logique et délirante de ce livre.

Et comme écrivait Queneau :
"IXATNU SIOFNNUT I AVAY" (2)
(Titre d’un poème dans "Courir les rues" 1967)

On peut "circuler dans Paris", "jusqu’en Hongrie", "dans les déserts d’Arabie", bref, prendre le risque de voyager un peu avec lui.


Jacqueline HERFRAY


Notes :

(1.) Jeu de mots à la façon de Queneau qui n’a rien à voir avec l’origine de son nom : issu de "quêne", chêne et non "quenot", petit chien, surnom dont il a souffert, enfant.

2. YAVAI TUNNFOIS UNTAXI



Article mis en ligne en décembre 2014

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