La ville des gens : 10/avril

Asiatiques de Paris, tous Chinois ?

A Paris, les Asiatiques se diviseraient en 2 catégories : les immigrés qui sont Chinois et les touristes à appareils photos Japonais. Est-ce si sûr ou si simple ? Réponse en compagnie de Donatien Shramm.

Les Chinois de Paris
La France est le pays d’Europe où l’on trouve le plus de Chinois : si 40 000 sont officiellement recensés, on estime en réalité la communauté à 500 000 ou 700 000 personnes, un chiffre qui devrait atteindre le million d’ici 2010.

Ce décalage s’explique aussi bien par le nombre de sans-papiers que par tous ceux qui sont naturalisés Français, car de 2e, 3e ou 4e génération.

Les étudiants sont très nombreux, car cela revient extrêmement cher de faire ses études en Chine. Par exemple, qui dirait que dans une petite ville comme Dunkerque, il y a 400 étudiants chinois ?

La motivation économique est aussi évidement importante : Si on envoie 100 € en Chine, pour nous ce serait l’équivalent de 1 000€… Le voyage jusqu’en France est souvent financé par la famille déjà installée ici et non par la mafia comme cela se dit. Les nouveaux arrivants remboursent quand ils en ont les moyens.

Paris, est la seule ville au monde où il y a plusieurs quartiers chinois. Le 13e est le plus connu, mais c’est aussi le moins chinois, Arts et Métiers est le plus ancien, Belleville le plus chinois. Il y a aussi le Faubourg-saint-Martin, la Chapelle, Crimée, et des villes de la banlieue Nord et Nord-Est, comme Pantin, Stains, Bobigny ou Marne-la Vallée.

Histoire

Pendant la guerre de 14-18, il y a eu en France un grand besoin de main d’œuvre. Les Français ont donc commencé à recruter en Chine, au Nord, pensant que du fait du climat, les personnes originaires de ces provinces s’adapteraient plus facilement. Ils avaient juste omis de préciser que le pays était en guerre… Les Chinois du Nord ont bientôt refusé de partir.

Du coup, les Français ont dû recruter à Shanghai, dans le Sud. Cependant, la plupart de ces nouveaux migrants sont arrivés peu avant la fin des hostilités, ils n’ont donc pas eu le temps de gagner l’argent pour lequel ils avaient entrepris ce long voyage.

Ainsi, lorsqu’on a voulu les renvoyer chez eux - de gare de Lyon à Marseille et de là, bateau pour la Chine - un certain nombre d’entre eux sont restés. Ils ont fondé le 1er quartier chinois de Paris : l’îlot Chalon, lequel sera rasé dans les années 70.

Ces Chinois sont rentrés en contact avec les grossistes juifs à Arts et Métiers, et ont fini par les supplanter. C’est aujourd’hui, autour de la rue du Temple, le plus ancien quartier chinois de Paris. Même si cette présence n’est pas très visible, 80 % des grossistes sont chinois.

Dans les années 70, après la mort de Mao, il y a eu un grand boom.


Les 3 communautés

Les Chao Zhou sont des Chinois de la diaspora. Ils ont quitté leur pays d’origine depuis au moins 4 siècles pour s’établir dans toute l’Asie du Sud-Est. Quand ils sont arrivés en France, ils débarquaient des pays de l’ex-Indochine (Laos, Vietnam, Cambodge) et non seulement ils savaient ce qu’on attendait d’eux : l’exotisme, mais ils savaient déjà faire…

Ce sont des personnes d’un certain niveau social et culturel, des francophones lettrés et très francisés. Leur seul problème, c’est que les diplômes ne sont pas reconnus ici, c’est pour cela qu’ils ouvrent des commerces. 80 % des « Chinois » du 13e arrondissement sont des Chao Zhou.

Les Wen Zhou, eux, arrivent directement de Chine en France. Wen Zhou est un « petit » port en dessous de Shanghai, au sein d’une agglomération de 8 millions d’habitants. C’est une vraie communauté très soudée. Ils font des affaires entre eux, ce sont de très bons vendeurs.


Les 1ers d’entre eux venaient de Qing Tian, une ville située à 60 km de Wen Zhou où l’on trouve des gisements de pierre à savon, une pierre qui ressemble au jade mais qui n’en est pas. C’étaient des colporteurs, ils vendaient des bibelots faits dans cette matière.

En France, depuis Louis XIV, il y a un goût pour les « chinoiseries ». En 1911, il y avait déjà pas mal de colporteurs chinois : 200 ou 300, peut-être même 400. On trouve les Wen Zhou à Belleville et à Crimée.

Les Dong Bei : en réalité, on désigne de la sorte toutes les populations qui viennent de l’Est et du Nord de la Chine. Il ne s’agit donc pas d’une communauté au sens propre du terme, il n’y a pas aucune solidarité spécifique entre les personnes qu’on nomme ainsi.


Les Chinois de Belleville

A l’école, sur les photos de classe, entre 1/3 et 1/4 des enfants sont d’origine chinoise. Belleville est le seul quartier où l’on trouve différentes communautés chinoises, l’implantation est relativement récente.

A l’époque où l’on a vidé Paris de ses classes populaires, le quartier s’est retrouvé à l’abandon. Dans les années 70, les habitants quittent Belleville et le quartier a très mauvaise presse. Dans les années 80, la rue Ramponneau est le QG du fameux gang des postiches.

Il y a donc des appartements et de commerces vacants, c’est là, à la fin des années 70 et au début des années 80, que les Chinois sont arrivés.

C’étaient des Chao Zhou qui débarquaient du 13e arrondissement, où il n’y avait plus de place. Ils ont investi de manière stratégique les boutiques autour du métro. Ils n’étaient pas très nombreux, mais ils ont ouvert beaucoup de magasins. Des restaurants surtout, un commerce qui s’adresse à tout le monde et que l’on tient en famille.

Le « Taï Yen », 5 rue de Belleville, ou « Le Président », à la sortie du métro, sont ainsi des restaurants Chao Zhou ainsi qu’en témoigne la transcription des noms selon la codification efeo, celle de l’école française d’Extrême-Orient utilisée par cette population très francisée, et non en pin yin, celle utilisée à l’heure actuelle.

Certains de ceux qui tiennent ces commerces habitent très loin en banlieue, tandis que ceux qui demeurent dans le quartier proviennent essentiellement de Chine populaire, la grosse majorité étant des When Zhou.

Aujourd’hui, il y a un passage de relais, car les commerçants Chao Zhou commencent à prendre leur retraite.

Propos recueillis par Clarisse Bouthier en janvier 2007

ARTICLES COMPLÉMENTAIRES

- Chinois de France, Français de Chine

- La Chine, c’est bon !