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Q.L N° 005 - OCTOBRE 1979

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De la sécurité et des commerçants


Notre enquête auprès des commerçants de certaines rues du XIXe, choisies dans divers secteurs de l’arrondissement, c’est-à-dire la rue de Flandre, la rue de Belleville et l’avenue de la Porte Brunet, ne s’est pas donnée pour but d’effectuer un sondage ; et, malgré sa présentation sous forme de questions et de réponses, elle ne saurait être qu’une approche des problèmes posés par la sécurité des personnes et des biens, en particulier dans les lieux fréquentés que sont boutiques et magasins.


Question 1 :

Estimez-vous que votre sécurité est assurée ?

a) Par la police municipale ?

La réponse a été en général affirmative. Certains commerçants souhaiteraient pourtant plus de rondes diurnes, alors que les rondes nocturnes sont jugées suffisantes.

b) Par des organismes privés ?

La plupart des commerçants ne voient pas l’utilité de tels organismes, quand ils n’y sont pas hostiles.

Question 2 :

Avez-vous été cambriolé ou agressé ?

Les agressions ont en général pour but "la caisse" , quoique la drogue soit parfois l’objet des attaques contre les pharmacies. Le nombre et le type de ces agressions dépendent du type de commerces agressés. Les banques et les pharmacies détiennent la première place au hit-parade des attaques à main armée, et ce quelle que soit leur situation géographique. Quelques petits commerçants ont aussi de tels déboires, mais ils sont le plus souvent victimes de petits délits (vol à la tire … )

Question 3 :

Par qui avez-vous été agressés ?

De l’avis de tous, les auteurs de délits sont des jeunes gens, voire de très jeunes. Suivant les secteurs, il s’agit d’isolés, ou de petites bandes (loubards,
rockers, … ), souvent des individus sans activité qui viennent repérer les lieux de leurs "mauvais coups", ou des gamins avides de sensations ou d’obtenir ce qu’ils ne peuvent avoir autrement, alors qu’ils sont sensés ne pas pouvoir vivre sans ! … Parfois des inconnus, souvent des individus qu’on hésite ou qu’on ne veut pas reconnaitre de peur d’une possible vengeance, au retour d’une courte incarcération, si par hasard ils sont arrêtés.

Question 4 :

Pensez-vous que la répression est plus efficace que la prévention ?

La majorité des commerçants interrogés estime, mais seulement quand on leur pose la question que l’action préventive doit primer l’acte répressif ; mais ils considèrent la prévention encore trop utopique ou sans véritables moyens pour donner des résultats, quand ils n’ont pas une idée très vague du système préventif.

Certains d’ailleurs confondent action préventive avec surveillance, voire espionnage, doublés d’une intervention rapide en cas d’incident : sans analyser vraiment ce que ces actes représentent. La plupart souhaiterait. qu’en cas d’acte répressif inévitable celui-ci, ne se limite pas à , l’intervention de la force publique, mais soit suivie d’une plus grande sévérité pénale : une sorte de prévention par dissuasion.

Quelques uns tiennent pourtant la prévention comme le seul moyen de réduire la délinquance et donc l’insécurité ; ceux-là trouvent les rondes, les contrôles d’identité, … inutiles et connaissent bien la "racine" du mal. Ils déplorent le peu de moyens de l’action préventive.

Aussi réclament-ils des éducateurs, des terrains d’activités etc … qui pourraient distraire les désœuvrés ou les jeunes en mal d’aventures, et, bien sûr,ils espèrent une diminution du chômage et de la valse des habitants. Ceux-là ont déjà abordé la question avant qu’elle ne leur ait été posée.

Rares sont enfin ceux qui dénient toute forme d’efficacité à la prévention, et qui sont persuadés que seule une répression sévère peut résoudre les problèmes de sécurité, devenant même, à travers sa sévérité, une forme de prévention : la force de frappe du citoyen !

Question 5 :

Estimez-vous être plus exposés maintenant qu’il y a cinq ans ?

Dans les rues où l’urbanisme s’est transformé, comme dans la rue de Flandre ou sur la Place des Fêtes, les commerçants qui y sont installés depuis au moins dix ans, trouvent que l’insécurité va grandissante du fait de la création d’un anonymat de résidence.

Les nouveaux grands ensembles ont en effet chassé de nombreux petits artisans, les remplaçant par une population instable, en constant renouvellement, s’ignorant ou se connaissant mal. Une vie grouillante, fébrile et "diurne" a laissé place à des dortoirs et à une "activité" nocturne, quand il ne s’agit pas d’inactivité journalière, de désœuvrement.

Mais il y a une psychose des grands ensembles. Notons pourtant que, autour de l’avenue de la Porte Brunet, où la population n’a pas changé depuis au moins 15 ou 20 ans, la sécurité n’est pas plus souvent remise en cause qu’il y a 5 ans, plus peut-être.

Partant des statistiques fournies par la préfecture de police qui portent sur la ville de Paris (il n’a pas été possible d’en obtenir sur le seul 19e arrondissement ) , soit 260 527 faits délictueux constatés par la Police Judiciaire pour 38264 personnes mises en cause dont 14 906 ont été écrouées , on constate la réalité de l’atteinte à la sécurité des personnes par des individus.

Et l’enquête auprès des commerçants met l’accent sur le besoin ressenti d’un système répressif (arrestation, jugement ) pour assurer cette sécurité.

Cependant, la prévention semble rester au stade du vœu pieux vu le peu de moyens mis en œuvre par les Pouvoirs Publics (il n’y a pas d’effectifs de la police préventive dans le XIXe) quand elle n’est pas assurée par des organismes privés, ou aidés par l’État, mais souvent marginalisés (les copains de la Villette).

Pourtant l’idée d’un système préventif apparait comme un autre moyen de lutter contre l’insécurité, voire d’aller au delà. On constate surtout un système répressif de plus en plus fourni :

  • Détention préventive
  • Flagrants délits
  • Expulsions
  • Contrôles d’identité
  • Loi anti-casseurs
  • Lois Bonnet-Stoléru
  • Loi sur l’aménagement des conditions de détention.
Un livre : « Droits du détenu & droits de la défense »
W.F.Ziwié (petite collection Maspéro
)

De fait, la police et la justice ne sont plus que les exécuteurs de telles mesures. Et le gouvernement utilisant la pression des médias, développe volontiers un sentiment d’insécurité et de mécontentement qui lui permet d’instaurer un régime fort, et par là, d’assurer son maintien.

En fait, la sécurité c’est bien sûr celle des personnes menacées par un ou plusieurs
individus, mais aussi celle de la personne vis-à-vis de l’État et de ses représentants. À ce titre, une sortie le soir du côté du boulevard de Belleville,
ou la mémoire des expulsés des divers quartiers rénovés, seraient riches d’enseignement.

Le respect de notre sécurité s’inscrit dans certaines limites qui sont celles de notre liberté ; c’est pourquoi nous avons besoin de vos témoignages pour apprendre à connaitre les raisons de notre insécurité, plutôt que de défendre notre sécurité.

Y. Le Douairin / J. Inglèse.


Maintien de l’ordre (sic !)


Article mis en ligne en 2012 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens, actualisé en octobre 2013.

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