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Promenade à travers l’Histoire…

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Eaux et soifs…


Rue de la Mare, des Cascades, des Rigoles, passage de la Duée : tous ces noms évoquent l’eau, si présente à Belleville. Une duée n’est autre qu’une source jaillissante dans le langage de nos lointains ancêtres celtes.

Dans le courant du 12ème siècle, les moines possédant ou gérant les terres de la couronne de France remarquèrent que le sous-sol sableux de la colline de Savy constituait un formidable réservoir aquifère. Ils imaginèrent un réseau de récupération destiné à l’alimentation de leurs maisons conventuelles ainsi que Paris. Dans un premier temps des rigoles et tranchées furent creusées à ciel ouvert qui, par la suite, furent modifiées en souterrains. Ces aqueducs étaient constitués de pierres dites sèches -non liées au mortier- dont les joints permettaient le passage du liquide qui s’écoulait au creux des noues centrales. L’eau ainsi récupérée était dirigée dans des conduits de bois, de plomb, de grès suivant les époques et les lieux de passage.

Sur les 100 litres par minute que fournissait l’aqueduc de belleville, le village n’avait droit qu’à une seule voie d’eau calibrée à la taille d’un pois : la fontaine se situait en haut de l’actuelle rue de la Mare à proximité de la rue des Pyrénées. Par la suite une seconde voie d’eau fut accordée ; elle était au 55 rue des Fêtes (cette partie de la rue à disparu lors de la rénovation du quartier). Donc les Bellevillois avaient soif. Il est probable qu’ils ne furent pas aidés par les marchands de vin lors de leurs revendications et procès dont le dernier date de 1830.

Au hasard d’une promenade on rencontre des petits bâtiments de pierre : les « regards ». Leur vocation était technique, elle permettait de contrôler la qualité, le débit, l’état des canalisations d’eau, sans oublier la fraude. Ces vérifications revenaient aux échevins de la Ville de Paris.


Les regards

Le plus curieux de ces regards est sans doute celui de la Lanterne, il était pourvu à gauche de sa porte d’un anneau de fer où les notables attachaient leurs chevaux lors des contrôles. Il avait résisté plus de 350 ans avant de disparaître vers 1985… Les eaux dites du Pré-Saint-Gervais venaient des collines de Romainville, des Lilas et du versant Nord de Belleville-Ménilmontant.

Voici quelques indications sur les regards de ces eaux.
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Regard des Maussins

Celui des Maussins date du Moyen âge, Il se tient à l’angle du boulevard Serrurier et de l’avenue de la Porte des Lilas. Celui des Bernages se tient rue Alexandre Fleming, portion de l’ex-avenue du Belvédère. L’une de ses trois pierrées [1] donne encore un filet d’eau. Le regard du Trou-Morin, avenue Édouard Vaillant, au bas de la sente des Cornettes, au Pré-Saint-Gervais, continue à recevoir l’eau de plusieurs pierrées.

Sur le versant Sud, les eaux de Belleville desservaient Saint-Martin-des-Champs, puissante abbaye. On cite le cas de son cellerier qui acheta à Belleville un terrain au lieu-dit Couche-Panier où se trouvait une source obéissante dont les eaux coururent vers l’abbaye.

Par la suite, les résultats de plusieurs écoulements se trouvèrent rassemblés au regard de la Lanterne. Il se trouvait encore récemment au fond d’une cour vers les numéros 211-217 rue de Belleville, et plus anciennement, dans la campagne. Actuellement, il est isolé au milieu du terrain encadré par les rues de Belleville, de Compans, Augustin-Thierry et du Pré-Saint-Gervais, dans un petit square. Au dedans du regard, une inscription sur marbre noir indique que, commencé en 583, il a été terminé en 1613.

Il comportait un bassin circulaire recueillant les eaux de trois pierrées. De là, partait l’aqueduc de Belleville qui suivait les rues Levert, des Rigoles, de la Mare. Sa fin était au N°1 de la rue de la Mare, derrière l’église de Ménilmontant, Notre-Dame de la Croix.

Après de longs et bons services, l’aqueduc de Belleville se trouva bien abîmé. Il fut réparé par les soins du prévôt des marchands, en 1457, année de la plaque apposée à l’intérieur de la Lanterne.

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Regard de la lanterne


L’aqueduc

Au début du XVIe siècle, il fournissait au moins six fontaines : Maubée, La Salle-au-Comte, Sainte-Avoye, Bar-du-Bec, La Porte-Baudoyer, Saint-Julien. Il était muni, outre la Lanterne et la Prise des eaux, de regards, dont voici quelques noms évocateurs … Beaufils, 183 rue de Belleville - Les Cascades, 84 rue des Cascades - La Planchette, 25 rue de la Mare - La Chambrette, 44 rue de la Mare.

D’autres regards furent construits pour ventiler une partie des eaux qui descendaient la colline et dont le produit principal allait à l’aqueduc, parmi ceux-ci : Les Grandes-Rigoles, 85 rue des Rigoles - La Roquette, 38 rue de la Mare visible au 41 rue des Cascades-les Messiers, 17 rue des Cascades.

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Regard de la rue des Cascades.


À droite de l’aqueduc, on trouvait les regards suivants : Les Envierges,73 rue de la Mare - Blanche-Bardou, 85 rue de la Mare - Le Chaudron, 2 rue de Palestine - Les Saussaies, 55 rue des Fêtes - Les Marais, 41 rue des Solitaires - Le Couteux, 15 rue des Fêtes et 44 rue des Solitaires.

Quant aux eaux de Savies, dites aussi du prieuré Saint-Martin, elles étaient de toute façon bellevilloises, mais un peu différentes des autres puisque propriété du couvent. Elles furent cédées en 1740 par les moines à la Ville, en échange d’une concession d’eau. Le percement de la rue des Pyrénées a entraîné la désorganisation du système de captage des eaux de Savies.

Ce n’est pas sans mal que ces regards ont été protégés et sauvés. On doit cette conservation à un Bellevillois, qui s’est battu des années durant afin qu’ils ne fussent pas détruits, Louis Tesson, secrétaire de la commission du vieux Paris.

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Les eaux minérales de Belleville

Belleville avait les siennes rues de l’Atlas, Rébeval, exploitées en 1875, mais découvertes vingt ans auparavant. Elles étaient surtout livrées en bouteilles comme eau de table et, vers 1900, il s’en vendait annuellement 350.000.

Il faut mentionner la présence d’un lieu-dit le vivier au niveau de la rue Rébeval… en 1354.


Les fontaines

La Fontaine Maubée était alimentée par les eaux de Belleville dès la deuxième
moitié du XIIIème siècle. Transformée au XVIème siècle, elle a été restaurée au XVIIème et refaite en 1733.

La Fontaine Picpus était, elle aussi, alimentée par les eaux de Belleville. Au milieu du XVIIème siècle (vers 1638), quelques religieux du couvent de Picpus s’établirent dans une propriété de la rue de Belleville correspondant aux numéros 160 à 174. Elle subsista jusqu’aux travaux qui transformèrent le couvent et fut alors démolie.

La Fontaine du Château-d’Eau apparut en 1809, à un carrefour de boulevards-promenades, voies, dont la rue Bondy - qui sera plus tard la place de la République, elle fut construite à cette date par l’ingénieur Girard. L’inauguration eut lieu le 15 août 1811. L’ensemble fut appelé du château d’eau, quoiqu’il ne dépendît d’aucun château d’eau, mais simplement à cause de son importance. La place prit, le même nom. De 1867 à 1869, la place fut agrandie, nivelée, aménagée.

Les travaux terminés, on se rendit compte que la fontaine détonnait avec de trop minces dimensions. Elle fut alors démontée et remisée au marché aux bestiaux de la Villette . Elle y demeure toujours, à la sortie du métro Porte de Pantin, semblant bien mélancolique !


G. S., J. H. et Y. J

Photographies : Pierre-Emmanuel Weck.
Sources : Michel Bellonde : « La Ville et son eau (Paris et ses Fontaines) » aux éditions SERG.


Article mis en ligne en 2010 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens. Actualisé en septembre 2013.

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[1Pierrée : conduit de pierres sèches qui sert à l’écoulement des eaux (Petit Robert-1964)

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