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Chronique

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Rue Mathis (1)


Nous commençons la publication d’une chronique sur la rue Mathis hier et aujourd’hui. Vos témoignages sont les bienvenus.

Devant le métro et des numéros 1 à 7, stationnaient des voitures "quatre-saisons". Leur marchandise, magnifiquement rangée, donnait envie de tout emporter.

Quand venait la période des fruits rouges, les marchandes en sabots, hautes en voix et en couleur, n’hésitaient pas à distribuer une poignée de cerises aux gamins que nous étions et pour notre plus grande joie. L’hiver, emmitouflées de bas, de chaussettes de grosse laine dans leurs sabots, de pèlerines sombres, de bonnets et d’écharpes, tout en tapant leurs mains revêtues de mitaines et leurs pieds gelés, elles apostrophaient les passants pour vendre leurs légumes couverts de toile de jute et de journaux.

Côté impair, il ne reste rien. Côté pair, après l’ancienne blanchisserie, du 12 au 20, ont été construits récemment des immeubles avec une école primaire intégrée ; les commerces ont changé, mais les maisons sont les mêmes, témoins d’un passé récent.
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Photo : D.A.U.V.P. - 23-37 Rue Mathis /février 1954.


À la ferme, nous allions mon frère et moi, chercher le lait le soir dans une boîte à lait en aluminium munie d’un couvercle. Tous les enfants du personnel avaient droit à un demi-litre jusqu’à 14 ans, l’âge légal de la fin de la scolarité.

En attendant d’être servis, nous allions souvent à la forge. Il y avait d’autres forges dans la rue de Flandre, beaucoup de livraisons s’effectuant avec des voitures à chevaux.

J’ai été très marquée dans ma petite enfance par les attelages de bois aux grosses roues cerclées de fer et les charretiers en tablier de cuir qui dévalaient la rue Mathis à fond de train. Ces derniers, debout, criaient pour exciter davantage les bêtes en faisant claquer leur long fouet dans l’air. Le tout faisait un bruit d’enfer et des étincelles sur les pavés.

Nous, les gosses de la rue, courions de chaque côté de la carriole, l’accompagnant jusqu’au carrefour Flandre dans des hurlements de joie. Et, plus il y avait de bruits, de jurons, de claquements de fouet et d’étincelles plus nous étions contents, plus nous acclamions le charretier. C’était un jeu entre eux et nous.

Certains garçons, plus intrépides, guettaient l’arrivée d’un char, l’agrippaient par l’arrière en courant, et, d’un coup de reins, se hissaient à l’extrémité en s’asseyant jusqu’au carrefour, où le charretier "qui avait des yeux dans le dos", ralentissait et les faisait descendre en les menaçant, pour rire, du fouet.

Nous décernions des prix à ceux qui claquaient le fouet, criaient, juraient ou excitaient les chevaux, le plus fort !

Les rares automobilistes qui s’aventuraient (qui "osaient s’aventurer") dans cette rue quand un attelage déboulait, s’exposaient aux représailles. Les charretiers ne cédaient pas un pouce de terrain pour laisser le passage !

Ils occupaient le milieu de la chaussée et ils y restaient en dévalant à grande allure. Pour éviter le choc, l’automobiliste se garait… comme il le pouvait et où il le pouvait… sous les sarcasmes des passants et les projectiles des gamins.

Le délire c’était quand il descendait du haut de la rue Mathis deux ou trois chars ! La rue en tremblait de bruits et de rires. Ils roulaient l’un derrière l’autre à toute allure, ne prévoyant qu’un espace pour freiner sur le carrefour.

Une espèce de compromis intervenait avec le bus à plate-forme (le 60) dont le trajet empruntait ces mêmes rues. D’une manière générale, le bus restait derrière l’attelage, pas trop près…


Louisette

(À suivre…)


Article mis en ligne en novembre 2013.

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