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Découverte

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Un cimetière rue de Flandre


Il existe, au 44 rue de Flandre, mais ignoré de la plupart des habitants du quartier, un des plus anciens cimetières de Paris (avec celui du Calvaire de Montmartre et celui de Charonne).Il s’agit d’un cimetière de Juifs portugais qui reçut des sépultures de 1780 à 1810, date à laquelle une parcelle du Père-Lachaise fut réservée à l’inhumation des israélites.

L’inhumation des juifs sur la parcelle correspondant au lotissement d’immeubles encadré par la rue de Flandre, le passage de Flandre et le quai de la Seine, remonte en fait à la fin du XVIIe siècle. Il existait alors à cet emplacement une auberge à l’enseigne de l’Étoile dont les tenanciers admettaient que l’on inhume les juifs qui demeuraient à Paris, moyennant redevance : 50 francs pour une personne, 20 francs pour un enfant.

Cet endroit était appelé officiellement, en 1765, le "cimetière des juifs".

En 1773, auberge et jardin devinrent la propriété d’un écorcheur, Matard, qui enfouissait dans le jardin les restes des chevaux et des bœufs "écorchés", mêlant la chair et les ossements de ces animaux aux cadavres, ce qui provoqua la réaction des confréries israélite. Il les menaça non seulement de ne plus recevoir leurs morts, mais d’exhumer ceux qui étaient ensevelis. Seule l’intervention du lieutenant général de police l’empêcha de mettre sa menace à exécution.

L’idée d’un cimetière officiel et commun aux communautés juives de Paris, qui cheminait depuis quelques temps dans les esprits, commença à prendre forme. Mais les rivalités opposant les syndics représentant les différentes congrégations parties prenantes du projet (Avignonais, Polonais, Allemands, Portugais) empêchèrent sa réalisation malgré l’appui des autorités. L’affaire étant reportée d’année en année, le 11 février 1780, Jacob Rodrigues Pereire, "agent de la nation juive portugaise à Paris", pensionné de Louis XV, écrivait au lieutenant de police Lenoir : "Ayant fait connaître à quelques communautés de ma nation juive portugaise la nécessité dont il était d’avoir à Paris, sous votre protection, un cimetière décent et qui fut gratuit pour ceux de ses pauvres qui y décèderaient, ces communautés m’ont fait parvenir des fonds suffisants pour cette acquisition et, conformément au désir des donateurs, je viens d’acheter, sous mon nom, des sieurs Bonnet Frères, habitants de La Villette, un petit jardin clos qu’ils ont derrière leur demeure, contigu à celui qui sert encore en ce lieu de sépulture à tous les juifs en général… "

Le 7 mars, M. Lenoir rendit une ordonnance par laquelle il autorisait l’établissement du cimetière, à condition que les enterrements y soient effectués "nuitamment, sans bruit, scandale, ni appareil, en la manière accoutumée".

JPEG - 156.2 koEn 1986, le président de la commission du vieux Paris, Michel Fleury, attire l’attention sur l’état de délabrement du cimetière, envahi par la végétation, et propose une remise en état des lieux. Le cimetière fait actuellement l’objet d’un entretien régulier. Il subsiste moins de 30 tombes. Deux sont en forme de sarcophage, les autres sont repérées par des dalles de calcaires posées à même le sol et dont certaines sont brisées en plusieurs morceaux. Les textes sont gravés en hébreux ou en français, parfois dans les deux langues, avec ou sans épitaphe. Beaucoup de textes sont devenus illisibles ou ont disparu avec la décomposition progressive du calcaire sous l’effet des intempéries.

La plupart des dalles sont datées, selon le calendrier hébraïque mais souvent avec la correspondance donnée pour le calendrier révolutionnaire ou le calendrier chrétien.

Le cimetière vaut le déplacement autant pour l’intérêt historique qu’il présente que pour l’aspect insolite du lieu, clos par un mur et totalement isolé du reste de la ville par de hauts immeubles d’habitation. On imagine bien qu’il s’en est fallu de peu que l’appétit des promoteurs n’expédie au fond d’un quelconque musée ce tas de vieilles pierres oubliées. Combien de décennies le lieu sacré pourra-t-il encore résister à la temporelle mais puissante pression immobilière ?


A.D.

Photo : D. Chassaing


Notes : pour visiter le cimetière, il faut se procurer la clef au Consistoire Israélite, 17 Rue Saint-Georges à Paris (se déplacer sur rendez-vous).

Cet article a utilisé pour sources :

- le compte rendu de la séance du 3 mars 1986 de la Commission du Vieux Paris.

- Jacques Hillairet : “Évocation du vieux Paris” T.2 : “Les villages”, Éditions de Minuit, 1954.


Article mis en ligne en 2010 par Mr Antoine Seck, collaborateur à La Ville des Gens. Actualisé en septembre 2013.

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