La Canaille ou La chanson des gueux est un chant révolutionnaire de 1865, rendu célèbre par la Commune de Paris en 1871.
Barricade de la chaussée de Ménilmontant tenue par les fédérés de la garde nationale le 18 mars 1871.
Existe une race de fer
Dont l’âme comme une fournaise
A de son feu bronzé la chair.
Tous ses fils naissent sur la paille,
Pour palais, ils n’ont qu’un taudis :
C’est la canaille !
Eh bien ! j’en suis !
C’est l’honnête homme dont la main
Par la plume ou le marteau gagne,
En suant, son morceau de pain.
C’est le père, enfin, qui travaille
Les jours et quelquefois les nuits :
C’est la canaille !
Eh bien ! j’en suis !
Qui, sans souper, rime rêveur
Un sonnet à celle qu’il aime,
Trompant l’estomac par le cœur.
C’est à crédit qu’il fait ripaille,
Qu’il loge et qu’il a des habits :
C’est la canaille !
Eh bien ! j’en suis !
Au corps maigre, à l’œil de hibou,
Au bras de fer à main nerveuse
Qui sortant d’on ne sait pas où,
Toujours avec esprit vous raille,
Se riant de votre mépris :
C’est la canaille !
Eh bien ! j’en suis !
Force à rejeter ses haillons
Quand sonne sa vingtième année
Pour entrer dans nos bataillons.
Chair à canon de la bataille,
Toujours il succombe sans cri :
C’est la canaille !
Eh bien ! j’en suis !
Nos pères, les vieux vagabonds
Attaquant en quatre-vingt-treize
Les bastilles dont les canons
Défendaient la vieille muraille !
Que de trembleurs ont dit depuis :
« C’est la canaille ! »
Eh bien ! j’en suis !
Le front dégarni de cheveux ;
Les autres martèlent l’enclume
Et se saoulent pour être heureux.
Car la misère en sa tenaille
Fait saigner leurs flancs amaigris :
C’est la canaille !
Eh bien ! j’en suis !
Vêtue en haillons, en sabots,
Mais qu’aujourd’hui la vieille France
Les appelle sous ses drapeaux ;
On les verra dans la mitraille,
Ils feront dire aux ennemis :
C’est la canaille !
Eh bien ! j’en suis !
Barricade de la rue Saint-Sébastien.