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Les "AIIemands de La Villette"

Au 19ème et au début du 20ème siècles

Nous débutons un texte extrait d’un travail réalisé par notre ami André Nicaud sur ces "français" d’origine allemande qui ont participé à la création de cette zone autour du Paris d’avant 1860.


Les travailleurs immigrés allemands et originaires d’Alsace et de Lorraine

La première moitié du 19ème siècle a connu l’implantation, progressive et numériquement sensible, d’une colonie allemande de travailleurs, dans Paris même, et surtout entre l’enceinte du Mur des Fermiers généraux et la ceinture fortifiée dite de Thiers : les fortifications, les fameuses "fortifs". Cette zone englobait les villages qui ont été annexés à la capitale en 1860, entre autres Belleville et La Villette.

Ces Allemands, ou réputés tels, car on incorporait aussi dans leur nombre des Alsaciens et des Lorrains, venaient pour la plupart d’Allemagne Centrale et du Sud où prédominait la religion catholique, de territoires d’outre-Rhin proches de la France où la religion protestante était bien implantée.

En majorité d’origine rurale et agricole ils appartenaient presque tous à des milieux ouvriers ou artisanaux sans qualifications professionnelles utilisables pour des activités urbaines spécialisées. Leur situation, tant sur le plan social que moral était, pour la plupart de ceux-ci, misérable et désespérante. La pauvreté les accablait. C’étaient leurs bras qu’ils venaient proposer plus que leur tête.

Ils arrivaient donc dans la capitale française dans un état de grave indigence, demandant à travailler, même à bas prix, afin de manger, de survivre. Ils étaient sans "référents" particuliers à même de les accueillir, de les aider à se loger, de les guider dans la recherche de débouchés pour subvenir à leur existence. Ne parlant pas le français, souvent analphabètes ou illettrés ils se trouvaient, implicitement, sans aide immédiate des municipalités, de la charité publique ou d’un quelconque corporatisme pouvant les assister matériellement et moralement le temps nécessaire comme cela se faisait couramment dans d’autres milieux, ceux des migrants internes, parfois, tels les" Auvergnats de Paris" depuis le 18ème siècle.

La conjoncture, bien particulière pour ces "Allemands", ne leur laissant pas le choix d’agir autrement, ils acceptaient d’effectuer des travaux rebutants, dangereux, insalubres [1] moyennant des salaires de misère que la main d’œuvre autochtone rechignait à exercer, refusait même.

Leur présence et leur condition bien particulières les faisaient mal voir et considérés par les ouvriers locaux, vivant également dans la plus complète précarité du marché du travail comme des dangereux et indésirables "casseurs de paye" qui "venaient leur voler leur pain et celui de leurs familles" .

Dans le lot des "mal venus" étaient incorporés des "Français de l’intérieur" : travailleurs du bois originaires du Limousin, "Maçons de la Creuse", Bretons… Une telle situation de déséquilibre social soit larvé, soit à phases éruptives quasi volcaniques donnait naissance à des affrontements, quelquefois sévères et sanglants entre les diverses minorités de travailleurs migrants et la population laborieuse locale, elle-même en situation peu enviable, car très misérable.

Cette immigration de voisinage a duré jusqu’en 1914 et a concerné, dans le 19ème arrondissement, la "Petite Villette" et la "Grande Villette". Elle s’est fait sentir à partir de 1815, lors de la deuxième restauration des Bourbons et surtout après 1848. En 1825, on estimait le nombre de "pauvres catholiques Allemands" à 50 000 dans Paris et sa proche banlieue. En 1849 le recensement officiel indiquait 86 509 habitants de langue allemande à Paris.

À la fin des années 1860 il y en avait environ 100 000, ce qui faisait considérer l’agglomération parisienne comme la plus grande ville allemande après Berlin et Hambourg alors qu’en 1848, sous le règne de Louis-Philippe et la seconde République qui lui a succédé après la révolution de février on estimait à plus de 150 000 les immigrés d’origine allemande vivant dans l’est de l’Hexagone.

À Paris la plus grande partie trouvait refuge à la périphérie :au nord et au nord-est de la ville dans certaines communes suburbaines annexées en 1860.

Très souvent les émigrés allemands venus tenter leur chance en Alsace ou en Lorraine connaissaient assez rapidement la déception après de nombreux essais infructueux d’insertion dans l’économie locale.

Tout naturellement il leur prenait l’idée d’aller voir plus loin, comme d’ailleurs l’avaient fait ou le faisaient eux-mêmes les ouvriers alsaciens ou lorrains dans l’impossibilité de continuer à vivre dans leurs villages. Ils étaient le plus souvent incités à continuer le "voyage vers la France de l’Intérieur"

par les habituels rabatteurs : miroirs aux alouettes de l’espérance, exploiteurs de la misère frustrée, agissant moyennant le versement de sommes obérant très fortement les médiocres économies des migrants, à la limite même de l’indigence. "Nach Paris ! Vers Paris !"

C’est aussi le phénomène bien connu de la rumeur, du "bouche à oreille" qui incitaient ces malheureux Allemands, ou Alsaciens, ou Lorrains, à vouloir atteindre la capitale de la France.

Paris symbolisait pour eux comme pour toutes les myriades de candidats à l’immigration qui seront appelés à les suivre une sorte de "Terre promise", la suprême étape de la marche désespérée "pour demander du travail et du pain".


André NICAUD
Vice-Président du Conseil des Anciens à la Mairie du 19e arrondissement de Paris
Lire aussi :

Les AIIemands de la Villette (suite 1)
Les Allemands de la Villette (suite 2)

Lire aussi les romans historiques de Denise François dont les personnages évoluent dans le 19e arrondissement autour de 1860. “L’auberge du Grand balcon” - “Les révoltés de Montfaucon” - “Les dames de la Courtille”.



Documents extraits du livre :
« Paris dans l’histoire de France »
Ed. Sudel - 1963 - Cours moyen

JPEG - 181.2 ko

Paris sous le règne de Louis-Philippe. Que remarquez-vous à quelques kilomètres au delà de la limite de Paris ?


JPEG - 191.1 ko

Paris sous le Second Empire. Que sont devenus les villages situés entre Paris et la ligne de fortifications ?



Article mis en ligne en novembre 2014.

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Sources diverses dans le prochain numéro.

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Réactions
par Pascal Varejka - le : 10 septembre 2016

Les "AIIemands de La Villette"

Bonjour,
J’ai lu avec un grand intérêt les 3 pages consacrées à ce thème. Comme je lis "extrait d’un travail réalisé par notre ami André Nicaud sur ces "français" d’origine allemande qui ont participé à la création de cette zone autour du Paris d’avant 1860", je me demande si André Nicaud a publié un ouvrage sur ce thème. J’ai moi même des origines alsaciennes et j’ai été frappé par tous les non-dits et les mensonges de l’histoire officielle française par rapport à toutes ces populations d’Europe centrale. Donc s’il existe un texte plus large publié, où s’il est possible de contacter ou de rencontrer l’auteur, cela m’intéresserait beaucoup.
Bien cordialement
Pascal Varejka

Répondre à Pascal Varejka

le : 11 septembre 2016 par Salvatore en réponse à Pascal Varejka

Les "AIIemands de La Villette"

Bonjour Mr Varejka,

Je transmets à Mr Nicaud, je ne sais pas s’il a publié un livre sur ce sujet ou s’il en existe.

Cordialement
Salvatore Ursini
La Ville es Gens

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